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EAN : 9782919285167
123 pages
Editions Antidata (15/03/2016)
4/5   7 notes
Résumé :
Un vieil ouvrier retranché dans son immeuble promis à la destruction, un syndicaliste qui s’obstine à organiser une grève vouée à l’échec, ou un étrange photographe coureur des bois : pour ces personnages, le sens qu’ils donnent à leur vie prime sur toute autre considération.

Qu’ils embrassent les luttes sociales, des idéaux politiques ou la quête extatique d’une réalité cachée dans la nature, les voilà aux prises avec un monde extérieur peu enclin à ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Fabien Maréchal, né en 1972, est journaliste et collabore au magazine National Geographic France. Dernier avis avant démolition qui vient de paraître, est le deuxième recueil de l'auteur, après Nouvelles à ne pas y croire, publié en 2012.
Ce qu'on remarque immédiatement en lisant ce mince ouvrage regroupant cinq textes, c'est son écriture très soignée et délicate qui m'a d'autant plus surpris que si je n'avais pas su que l'auteur était né en 1972, je l'aurais pris pour un homme de ma génération, c'est-à-dire vingt ans de plus et voyez-y un compliment.
C'est particulièrement frappant, dans « Démolition », la nouvelle qui ouvre le recueil et qui s'avère de loin la meilleure aussi. Un ouvrier du bâtiment, retraité, veuf et fâché avec sa fille, s'est retranché secrètement au fond de son appartement situé au seizième et dernier étage d'une tour, à la construction de laquelle il participa jadis, mais qu'aujourd'hui on va démolir. de sa fenêtre il observe le cordon de sécurité, la police et la mise à feu proche des explosifs, tout en se remémorant sa vie d'ouvrier communiste (« Comme je suis lorrain par ma mère, mon chef de chantier me surnommait « Choucroutchev » »). Tout est finement décrit avec beaucoup de pudeur et d'émotion mais aussi d'humour (« Et puis Franco était mort peu après l'élection de Giscard – je ne crois pas qu'il y ait de rapport. »), les années 50, la vie des petites gens, le Parti, l'espoir d'un monde meilleur, avant de s'achever sur une note très poétique.
Suivent, « La Cérémonie » où un homme accompagne son amie au mariage de la soeur de celle-ci et réalise que leurs deux couples sont mal assortis ; « le Monographe », un photographe de presse se retire du monde pour prendre des clichés des arbres et des feuillages où il discerne des personnages imaginaires, le texte hélas, est trop long pour être vraiment réussi ; « le Grand départ » lui est très court et s'apparente à une sorte de science-fiction dans sa chute – pas très compréhensible au demeurant. le recueil se clôt sur « La Guerre froide » et nous ramène indirectement vers le texte d'ouverture, son héros étant un syndicaliste coincé entre la grève qu'il vient de lancer et sa famille qu'il n'a plus le temps de voir.
Avec ces deux bornes, ouverture et fermeture, l'écrivain se montre à son meilleur, deux récits avec un fond social, des gens simples joliment esquissés, une nostalgie d'un passé révolu et beaucoup d'amour pour ses personnages. A noter que toutes ces nouvelles sont ponctuées de petites phrases ou citations bien trouvées qu'on se plait à souligner au fil de la lecture, comme : « C'est terrible de vivre seul là où on a été trois (quatre en comptant l'Avenir). On ne sait plus si on habite avec des spectres ou si on en est devenu un soi-même. »
Enfin, une fois n'est pas coutume, je féliciterai l'éditeur pour la qualité de ce petit livre au format de poche très agréable à compulser et à lire.
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C'est la première nouvelle qui confère son titre au recueil. C'est aussi la plus longue (56 pages), et celle qui dicte la ligne conductrice du livre. En effet, s'ils mettent en scène des personnages variés dans des univers différents, tous les textes de Fabien Maréchal ont en commun une certaine atmosphère qui donne à penser que la catastrophe n'est pas loin. Il y a un côté pré-apocalyptique dans ces récits, l'impression que l'orage gronde au loin et ne va pas tarder à tomber sur la tête des personnages. Cette atmosphère de fin du monde s'explique peut-être par des conditions météorologiques peu favorables (comme le froid glacial qui sévit pendant les luttes syndicales de la dernière nouvelle), mais aussi, et plus sûrement par l'état d'esprit des personnages. Tous se sentent comme empêchés, englués dans leur vie, pris par le cours des événements, sans pouvoir échapper à leur destin. L'ouvrier n'a pas choisi que son immeuble soit détruit et ne peut guère l'empêcher, de même que les enfants ne peuvent se soustraire à l'autorité qui les emmène en voyage. Parfois, le pouvoir qui s'exerce prend une forme claire, celle d'une décision extérieure que l'on sait à qui attribuer (un patron machiavélique, par exemple). Mais il est d'autres fois plus sournois et prend alors l'aspect de pulsions étonnantes (photographier les arbres), ou d'actes manqués qui ne peuvent être sans incidence (oublier de nourrir son chat ou d'appeler sa femme).

En dépit de cette atmosphère peu joyeuse, les nouvelles contiennent des moments plus légers, voire drôles, comme le récit de la rencontre entre l'ouvrier et son épouse, ou les réactions du fils du syndicaliste. le thème de la lutte de classe est d'ailleurs très présent dans le recueil, et constitue lui aussi une sorte de pont entre les textes. On peut y voir une forme d'allégorie, celle d'une résistance qui doit être menée contre l'oppression, même lorsque l'oppresseur semble invincible ou ne peut être décelé. Alors que certains, comme le sympathique François, luttent tant qu'ils peuvent, d'autres, tels que les parents de Richard, ont déjà renoncé.

Plus sur le blog :
Lien : http://lilylit.wordpress.com..
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Cinq nouvelles en métaphores explosives de quotidiens à toujours réinventer.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2016/07/13/note-de-lecture-dernier-avis-avant-demolition-fabien-marechal/
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D'accord, c'est bon, je suis convaincue ! Il est temps que je me mette à lire davantage de nouvelles et de recueils en tout genre d'ailleurs, il n'y a pas que le roman à la fin ! Après Isabelle Flaten, c'est Fabien Maréchal qui m'a offert un très agréable moment de lecture avec son livre « Dernier avis avant démolition ». Totalement à mon goût en tout cas ces cinq nouvelles : de la révolte affadie ou amère avec son lot de réflexions et d'interrogations, du style un brin cru, de l'humour avec une pointe d'acidité, de l'humain bio ou industriel, des nouvelles parfaitement cuisinées avec le rythme et les chutes qui leur sied !

Des nouvelles donc, qui nous happent d'entrée de jeu et qui explorent nos contradictions humaines au travers de la chute du communisme en parallèle à celle d'un homme et d'un immeuble, d'une possible erreur croisée de casting conjugal, d'un retour à la nature monomaniaque, d'une gestion démographique futuriste angoissante et d'une lutte syndicale au déroulement curieux.

Des nouvelles qui nous parlent des travers de notre monde, de nos espoirs et désenchantements, de nos humaines incohérences et failles si justement dépeintes.

Des nouvelles tantôt drôles, tantôt tristes qui m'ont fait osciller entre attendrissement ou sympathie et pointe de découragement… voire d'horreur (« le Grand Départ » tout de même, quelle idée !).

Lien : https://emplumeor.wordpress...
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Paulin est un costaud à la barbe entortillée dont la conversation achoppe rapidement sur les monosyllabes. Cinq jours par semaine, il est photographe numérique à Paris : il joue des épaules lors de shootings de stars ou de conférences de presse ministérielles, et loge dans un hôtel pouilleux qui finira de passe. Le vendredi soir, il monte dans une longue Citroën CX mangée par la rouille pour rejoindre l’arrière-campagne où il se retranche chaque week-end.
Trois cents bornes plus tard, des lapins font rebondir leur queue blanche dans le faisceau des phares. Des ornières longent un bosquet de pommiers jusqu’à une masure paysanne en pierre volcanique. Paulin pousse la porte en bois percée d’une chatière. Des poutres de deux empans traversent la pièce basse, et on cuirait tout un cochon de lait dans la cheminée. Quand l’orage fouette le toit d’ardoise, ployant la cime des arbres, la maison évoque le refuge d’un gardien de phare à jamais éteint.
Le samedi et le dimanche, après le déjeuner, Paulin remonte son pré jusqu’aux pommiers. Il emporte le minimum : un vieux reflex Nikon, deux pellicules 100 et 200 iso, un objectif 50 mm, un 300 mm, et deux cannettes de bière.
Son chat gris grimpe à un arbre et se couche sur une branche basse. Paulin s’allonge sur le dos, ferme l’œil gauche, colle le droit au viseur, pointe l’objectif vers le ciel et s’adonne en argentique à la pêche aux nuages. Pour lui les cumulus dessinent des hommes du palais et de la rue, des animaux ordinaires, légendaires ou disparus. S’il fait chaud, Paulin rampe sous le bosquet. Parfois il sent un vaisseau battre dans la paupière de son œil clos, puis celui du viseur se ferme à son tour et, petit à petit, l’objectif de l’appareil rejoint l’oseille sauvage et les coquelicots. (« Le Monographe »)
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Solange, ma Ninotchette, si tu savais quel beau monde j’avais bâti pour toi ! (…) Quand je te racontais tout ça, je ne faisais que te décrire ce que je voyais quasiment, il suffisait de tendre la main et sûrement toi aussi, avec ton petit bras maladroit, tu pouvais déjà y toucher, y goûter presque comme tu le faisais avec tes jouets quand tu avais un an. Solange, j’aimais tant te regarder grandir et je ne pouvais pas m’empêcher d’avoir un peu peur, je t’aurais tout juste confié à la prunelle de mes yeux. J’aurais voulu te garder dans mes bras en fermant les paupières jusqu’au moment où tout serait arrivé, toutes promesses réalisées, celles que je t’avais faites et un peu celles qu’on m’avait faites, aussi. Je ne t’ai jamais menti, ou alors c’était à mon insu, mais je comprends que plus tard tu m’en aies voulu.
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« Trois et demi ! »
Marson lève les yeux au ciel comme si le chiffre s’y inscrivait en lettres hautes d’un kilomètre.
« Trois et demi pour cent !
Mais pour qui se prennent-ils ?
Savent-ils combien ils nous coûtent ? Les charges. La cantine. Le comité d’entreprise. Le Code du travail. Ah ! Et les trente-cinq heures…
Pourquoi ne pas égorger l’actionnaire, tant que nous y sommes ? »
Le p-dg tourne en rond dans la pièce en battant de bras, menaçant d’explosion les boutons de son costume croisé.
« Ha, les rouges ! Les rouges ne changeront jamais. Le monde entier change, mais pas eux. Un jour, on trouvera des os de dinosaures en Corée du Nord, et les socialo-communistes de toute la planète crieront « Papa ! » «
Le comité de direction et les éléments les plus sûrs du top management opinent en silence. Marson les a convoqués dès qu’il a appris la nouvelle. Il cesse de tourner. Il a le souffle court, ces dernières semaines.
Marson les connaît, les Rawkiewicz, il en a maté une tripotée dans ses précédents postes. Il martèle sa paume avec son poing. Ça fait le bruit d’une escalope qu’on attendrit.
« En vérité, il n’y a qu’un seul syndicat dans l’affaire, et même un seul homme. Nous savons qui c’est. » (« La Guerre froide »)
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Il n’est qu’un comédien, celui qui tient le rôle de syndicaliste, de même que dans toute entreprise il existe un type qui tient le rôle du syndicaliste et se chicane avec le big boss sur la longueur de leurs tirades respectives. A cet instant, dans un sous-sol du KGB, avec une lampe de deux cent watts en pleine tronche, il ne lui faudrait pas longtemps pour avouer qu’il est un complice du patronat, que c’est grâce à des gens comme lui que le patronat peut continuer à exploiter le travailleur, parce que lui, François Rawkiewicz, permet de donner l’illusion d’un rapport de forces et donc d’une légitimité des décisions prises par le patronat : si on a le droit de les contester, si un Rawkiewicz a le droit de militer pour la grève, comment voulez-vous appeler ça une dictature ? Toujours plus facile de savoir contre qui on se bat que pour quoi on se bat.
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Et puis c’est venu naturellement, on a beau être communiste, on pense aussi à soi : j’ai voulu calculer mon emplacement. Une vie d’ouvrier avec la retraite et les soins gratuits qui seraient bientôt instaurés, ça me mènerait bien jusqu’à soixante-dix, soixante-quinze ans, et les quatre cinquièmes du cimetière seraient occupés. J’ai commencé à prévoir quelles allées auraient été remplies, selon quel plan d’autres seraient tracées. Année après année, j’affinais mes calculs. L’espérance de vie augmentait pour tous et je n’avais pas de maladie grave. Même si l’Avenir radieux se faisait un peu attendre, pour sûr, l’allée H ne serait pas pour moi, elle atteindrait le mur ouest avant mes soixante-cinq ans. (« Démolition »)
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Vidéo de Fabien Maréchal
PLUS PERSONNE POUR AUJOURDHUI, de Fabien Maréchal (Le Réalgar, 2022) : lecture d'un extrait par l'auteur
"À plusieurs reprises, avant de déménager, tu es passé par inadvertance devant une école à l'heure de la récréation, hésitant entre la fuite éperdue, oreilles bouchées avec les poings, et l'attente mélancolique de la prochaine cloche, te gavant par procuration de bonheurs qui n'étaient plus tiens. Une fois, un agent de police, un jeune avec des cheveux ras, s'est approché. Il y a des flics partout en région parisienne, surtout près des écoles. Tu avais dû regarder la cour de récréation de façon un peu trop insistante..."
+ Lire la suite
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