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André Markowicz (Traducteur)
EAN : 9782742707973
119 pages
Actes Sud (04/06/1999)
3.53/5   15 notes
Résumé :
Les Chroniques de l'an 18 rassemblent de courts textes qui tous évoquent la situation de Pétrograd pendant les quelques mois d'état d'urgence de l'an 18, alors que la guerre civile faisait rage. Babel, observateur attentif et chroniqueur minutieux, rend compte, sans transformation aucune et sans avoir recours à la fiction, d'une réalité terrifiante. Et de souligner, dans l'un des récits, Premiers secours (qui évoque l'organisation - ou plutôt sa cruelle absence - de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Dix-neufs récits racontent l'histoire de l'année dix-huit du siècle vingt dans la ville de Petrograd. Récits courts, quelques pages à peine, qui sont comme des clichés photographiques d'une ville prise dans les tourments de son époque. Après les deux révolutions de 1917, le pouvoir bolchevique se met en place. La famille impériale est massacrée en juillet 1918, bien loin de la capitale. Mais au-delà des luttes politiques qui agitent le pays, ce sont bien les conséquences économiques dramatiques de la guerre qui semblent constituer la toile de fond des récits d'Isaac Babel.

Isaac Babel narre ses visites dans la ville ; dans la rue, au marché, auprès d'une association pour aveugles, à l'église ou au palais d'Hiver, Babel est le témoin de ces vies de misères, vies exemplaires d'un monde nouveau où la nourriture manque tellement qu'on abat les chevaux pour ne pas les nourrir et pour les manger (Les chevaux), monde nouveau où l'on dénonce avec mesquinerie les paroles entendues pour se sauver soi-même (A propos d'un Géorgien), monde nouveau où l'arbitraire de la violence se veut justice (Un soir).

Peu d'espoirs dans les écrits de Babel. Les aveugles, laissés à leur sort à l'approche des Allemands, retournent finalement à Petrograd ; les nourrices des prématurés ont à peine assez de nourriture pour se sustenter elles-mêmes ; les soldats reviennent d'Allemagne, misérables et estropiés. Il n'y a qu'à la campagne que l'on respire un peu, au contact de la terre que l'on travaille sans se presser, cependant que la guerre, qui n'est pas finie, donne encore lieu à des scènes cocasses où des soldats, finlandais, refusent pour partie d'aller au combat.

De tout cela, Babel est le témoin à la fois privilégié et détaché. Babel ne se lamente guère : il dresse un catalogue, il dessine un portrait, celui d'une Russie exsangue. Les mots sont précis, et ils sont aussi parfois empreints d'une poésie qui est celle de la nature, du jour qui se lève, des sentiers "qu'engloutissent avidement les herbes qui chuchotent". 1918 n'était pas si terrible ; il suffisait simplement d'y survivre.
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Isaac BABEL (1894-1940) n'est pas l'un des écrivains russes les plus connus en Occident. L'intérêt de ces 19 chroniques rédigées en 1918 est multiple. En effet, quelques mois seulement après la révolution d'octobre 1917, BABEL est allé à la rencontre des habitants d'Odessa et Saint Pétersbourg (s'appelant à l'époque Pétrograd), et ce qu'il en ramène, ce sont de brefs textes descriptifs sur les conditions de vie d'un peuple en miettes.

Ces chroniques sont comme des instantanés, un moment précis, une image figée sur ce que voit et ressent l'auteur. Elles font partie des premiers textes de BABEL (il a alors 24 ans). La position de BABEL est inconfortable dans la Russie bolchevik comme elle l'était sous le tsarisme : juif ayant travaillé pour la Tchéka, il est rapidement surveillé.

Dans ces tableaux, sans prise de position exagérée, BABEL décrit dans ces récits qu'il a décidé de présenter au présent : pénurie générale de matières premières, usines tournant au ralenti, augmentation notoire de la mortalité, sous-alimentation, les seins des mères sont souvent taris d'où le recours à des nourrices, malheureusement peu nombreuses. de plus l'argent manque pour enterrer les morts, des fosses communes poussent de fait un peu partout. « Tous les jours on amène à la morgue les corps des fusillés et des tués. Ils les emmènent sur des traîneaux, ils les déchargent à côté de la grille et ils repartent. Avant, on posait encore des questions – qui a été tué, quand, par qui. Maintenant, on a laissé tomber. On écrit sur un papier « inconnu » et on l'emporte à la morgue. Ceux qui les emmènent sont des soldats de l'Armée rouge, des miliciens, un peu tout le monde ». Et puis il y a la guerre civile, les accidents, le pays ressemble à un vaste charnier. Il en est de même dans les zoos où les animaux meurent de faim, en nombre. Les chevaux, que l'on ne peut plus nourrir, sont abattus par milliers.

BABEL participe aux réquisitions de nourriture et voit donc des gens crevant la dalle. Il dresse un portrait glacial de cette Russie qui vient de basculer. Ce qui est intéressant, c'est qu'il se contente de décrire, ainsi il ne se prononce pas sur le fond : montre-t-il un pays agonisant suite aux siècles de régime monarchiste ou bien un peuple déjà en proie à la misère suite à l'accession au pouvoir des bolcheviks ? Peut-être un peu les deux, mais le lecteur ne peut trancher. Contrairement au régime en place.

Ces chroniques furent écrites ente mars et novembre 1918, elles peuvent constituer les premières d'une longue série sur le bolchevisme au pouvoir. Elles semblent avoir été « oubliées » jusqu'en 1990, peut-être d'ailleurs parce qu'elle furent dès leur rédaction jugées « pornographiques » (sic). BABEL fait preuve d'un anticléricalisme, certes pas offensif, mais bien distinctif dans ces portraits. Lui-même est victime de l'antisémitisme galopant.

À ce jour, seule une édition fut publiée en France, en 1996. Elle est traduite par Cécile TEROUANNE et André MARKOWICZ, est agrémentée de 3 chroniques écrite en 1916 et plus particulièrement axées sur la littérature, le monde des bibliothèques en Russie et l'édition, BABEL y faisant notamment part de son admiration pour MAUPASSANT.

Toutes ces chroniques (les 19 originelles ainsi que les 3 rajoutées), si elles font bien partie de l'oeuvre de BABEL, sont néanmoins à part dans celle-ci, puisque lui-même a dit n'être entré en littérature qu'en 1924.

En 1939, Isaac BABEL est arrêté pour Trotskisme et espionnage ainsi que pour une sordide histoire de moeurs. Il est fusillé en 1940 et ce n'est que plus d'un an plus tard que sa famille l'apprend. BABEL fut l'un de ces nombreux écrivains censurés, interdits par le pouvoir bolchevik avant d'être réhabilité en 1954, peu après la mort de STALINE.

https://deslivresrances.blogspot.com/
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Dans un style très concis et agréable, l'auteur, Isaac Babel (1894-1940) décrit ce qu'il voit à Pétrograd, de mars à novembre 1918.

Les dix-neuf courts récits (3 ou 4 pages) constituant ces "chroniques de l'an 18", présentées chronologiquement, se lisent indépendamment les uns des autres. Ils ont suscité un intérêt inégal chez moi, mais témoignent tous d'un climat de violence et d'une désorganisation importante, créés par la guerre civile en cours. La "déchevalisation" décrite dans l'une des chroniques illustre bien cette désorganisation : par ce terme, I. Babel désigne l'abattage massif de chevaux, faute de fourrage à leur donner et afin de nourrir les humains.

Le détachement dont fait preuve l'auteur à l'égard de ce qu'il raconte ainsi que la précision de ses descriptions confèrent à ces chroniques une grande force évocatrice.

Arrêté en 1939, Isaac Babel fut tué en 1940, puis réhabilité en 1954.

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Dans un style beaucoup plus fluide que celui utilisé dans la Cavalerie rouge, Isaac Babel nous offre une vingtaine d'instantanés, vibrants et colorés, de la Russie de ces années de tourmente.

Petrograd sous le feu de la guerre civile: misère, privations, absurdités. Les secours mettent en moyenne cinq heures à arriver, lorsqu'ils arrivent. Les chevaux sont abattus par centaines car le fourrage manque. Les femmes enceintes errent dans de grands palais déserts et les aveugles sont parqués dans de vieilles maisons. Les mendiants titubent.

(...)
http://lelabo.blogspot.com/2007/07/isaac-babel-chroniques-de-lan-18-et.html
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
LES EVACUES - Il y avait une usine, et dans l'usine - de l'injustice. En ces temps d'injustice, toutefois, les cheminées fumaient, les roues des machines marchaient sans bruit, l'acier reluisait, les trépidations retentissantes du travail faisaient vibrer les bâtiments. Vint la justice. Elle fut mal instaurée. L'acier s'éteignit. On commenca à licencier. (p. 35)

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UN SOIR - Je ne tirerai pas de conclusions. Ce n'est pas mon affaire. Mon récit sera simple. Je passais par la rue Offitserskaïa. C'était le 14 mai à dix heures du soir. J'entendis un cri devant la porte d'une des maisons. (p. 60)
(suit le récit d'un probable assassinat politique, sur un ton tout aussi détaché.)

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