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EAN : 9791027904655
1024 pages
Anacharsis (20/10/2023)
3.89/5   38 notes
Résumé :
Le jeune chevalier Tirant le Blanc se rend avec ses compagnons au secours de l’empire de Byzance en train de sombrer sous les coups des Sarrasins. Il tombe amoureux de la fille de l’empereur, et n’aura de cesse qu’il parvienne à s’en faire aimer.

Récit de chevalerie retentissant, grondant du tonnerre des galopades et maculé de giclées de sang, Tirant le Blanc est aussi un roman d’esprit où pulsent les désirs de jeunes gens avides de prendre part à une... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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« Je cherche l'honneur pour moi et le profit pour vous. »

Dans la province de Valence, la ville de Gandia est connue pour être le berceau de la famille Borja (Borgia), et des grands noms du Siècle d'Or valencien, parmi lesquels Joanot Martorell, auteur d'un roman chevaleresque considéré comme l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature mondiale. Mentionné dans le Quichotte par Cervantes qui le qualifie de meilleur livre du monde (« Válame :Oios!, dijo el Cura dando una gran voz, i que aquí esté Tirante el Blanco! - Dádmelo, compadre, que hago cuenta que he hallado en él un tesoro de contento y una mina de pasatiempos (…) Dígoos verdad, señor compadre, que por su estilo es éste el mejor libro del mundo; »), probable source d'inspiration pour Shakespeare (Beaucoup de bruit pour rien), ce premier roman de langue catalane paru en 1490 est étonnement moderne. Mille pages, 487 chapitres se lisent avec entrain.

Le Breton Tirant le Blanc instruit par le chevalier devenu ermite Guillaume de Warwick, accomplit des exploits, de la cour d'Angleterre au siège de Rhodes, accompagne le roi de France, parcourt l'empire grec, lutte contre les Turcs, se rend en Berbérie, s'éprend de la princesse Carmesine, tente d'échapper à la convoitise de la Veuve Reposée, puis finit ses jours … comme un Homme…

De Tirant le Blanc, je n'avais lu que quelques extraits dans des anthologies catalanes. La présente édition met en lumière l'étonnante modernité de cet ouvrage écrit il y a plus de cinq siècles. Chez Martorell, le merveilleux, les monstres, les animaux extraordinaires, les lieux imaginaires, le féérique, la recherche de l'aventure pour l'aventure sont absents. Certes, Tirant cherche l'honneur, défend la chrétienté, désire s'acquitter de tous ses devoirs. Mais il se meut dans un monde réel, l'Angleterre, le pourtour méditéranéen (Sicile, Constantinople, Tlemcen…), narre des fêtes, des épisodes historiques comme le siège de Rhodes, même s'il prend de grandes libertés avec la réalité. Il utilise autant sa force que son intelligence et son sens de la stratégie, possède des qualités morales mais aussi des défauts. Il n'est donc pas seulement un modèle de vertu, pieux, fidèle, généreux. Chez Martorell, les personnages sont faits de chair et d'os, ont des appétits charnels et des faiblesses. Tirant le Blanc est un roman sensuel, l'amour n'y est pas que Courtois, et les Chevaliers y sont des Hommes.

Je remercie les éditions Anacharsis au très tentant catalogue et Babelio pour l'envoi de ce classique de la littérature reçu dans le cadre de l'Opération Masse Critique.
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Cervantes, qui était un homme de goût, a dit de lui que c'était le plus grand livre. Plus près de nous, Vargas Llosa n'a pas manqué de dire tout le bien qu'il en pensait.

Quand Joanot Martorell commence à rédiger Tirant le Blanc cela fait sept ans que Constantinople, dernier vestige de l'Empire romain d'Orient, est tombée aux mains des Turcs (1453) et que les chrétiens espèrent la reprendre aux Infidèles. Quoi de plus naturel dès lors pour Martorell, qui comme son héros a voyagé en Angleterre, a été fait chevalier et s'est mesuré à d'autres chevaliers, d'imaginer son héros breton partir à la reconquête de cet empire perdu ? C'est ainsi que le jeune Tirant, après un séjour en Angleterre, où il s'initie à son métier de chevalier avec Guillaume de Warwick, vole au secours de l'empire de Byzance, combattant sans répit les Maures, dans des batailles épiques dont il sort toujours victorieux (alors que le nombre des ennemis devrait jouer contre lui) et tombe amoureux d'une princesse, la fille de l'empereur, difficilement accessible. le fait que Tirant soit avec elle, comme avec beaucoup de ses vis à vis, aux prises avec des injonctions ou désirs contradictoires fait de lui, sans conteste, le héros humain et attachant de ce roman uchronique picaresque, ironique et cocasse, aussi réjouissant qu'étonnamment moderne.

Merci à Babelio et aux Éditions Anacharsis.
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"Deo gratias

Ici finit le livre du valeureux et vaillant chevalier Tirant le Blanc, prince et César de l'Empire grec de Constantinople. Il a été traduit de l'anglais en portugais, puis en valencien commun, par le magnifique et vertueux chevalier messire Joanot Martorell, auquel la mort ne permit de traduire que les trois quarts. La quatrième partie, qui constitue la fin du livre, a été traduite, sur les prières de la noble dame Isabel de Lloris, par le magnifique chevalier messire Joan de Galba. Si l'on y trouve quelque défaut, on ne doit l'attribuer qu'à sa grande ignorance. Que Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans son immense bonté, veuille bien le récompenser de sa peine en lui donnant la gloire du paradis. Il assure que s'il a mis dans ce livre des choses qui ne sont pas catholiques, il préférerait ne pas les avoir dites, et il les soumet à la correction de la sainte Église catholique.
Cette oeuvre fut achevée d'imprimer dans la ville de Valence, le 20 novembre de l'année 1490 de la nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ."

Anacharsis gratias
Babelio gratias

Pour cette oeuvre reçue dans le cadre d'une masse critique privilégiée.

Cette chronique débute le 1er novembre de l'année 2023 de la nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Je viens de reposer mon armure dorée, frappée de rouge, et prends ma plume pour vous partager cette lecture.

Généralement, on dit qu'une lecture en appelle une autre ou en rappelle une autre.

Dans mon cas, je me suis souvenu que dans son ouvrage "Pourquoi lire les classiques ?" dont la quatrième de couverture est marquée de cette phrase « Un classique est un livre qui n'a jamais fini de dire ce qu'il a à dire. »
Pour comprendre qui nous sommes, Italo Calvino fait figurer après Homère, Xénophon, Ovide, Pline, Nizami, Tirant le Blanc, en ces mots :

"Le héros du premier roman de chevalerie ibérique, Tirant le Blanc, entre en scène endormi sur son cheval. le cheval s'arrête pour boire à une fontaine, Tirant se réveille et voit, assis près de la fontaine, un ermite à la barbe blanche, en train de lire un livre. Tirant manifeste à l'ermite son intention d'entrer dans l'ordre de la chevalerie. L'ermite, qui a été chevalier, s'offre de faire connaître au jeune homme les règles de l'ordre.

Mon fils, dit l'ermite,
l'ordre en entier est écrit dans ce
livre, que quelquefois je lis pour
me rappeler la grâce que Notre Seigneur
m'a faite en ce monde, puisque
j'honore et soutiens l'ordre de
chevalerie de tout mon pouvoir.

Dès les premières pages, le premier roman de chevalerie d'Espagne semble vouloir nous avertir que tout livre de chevalerie présuppose un livre de chevalerie précédent, nécessaire afin que le héros devienne chevalier. « L'ordre en entier est écrit dans ce livre. » À partir de ce postulat, on peut tirer beaucoup de conclusions : peut-être même celle que la chevalerie n'a jamais existé avant les livres de chevalerie, ou tout simplement qu'elle n'a existé que dans les livres.On peut dès lors comprendre que le dernier dépositaire des vertus chevaleresques, Don Quichotte, soit lui aussi quelqu'un qui s'est construit lui-même et a élaboré tout son monde exclusivement à travers les livres. Dès que Cura, Barbero, Sobrina et Ama jettent aux flammes la bibliothèque, la chevalerie n'existe plus : Don Quichotte restera le dernier exemple d'une espèce sans successeurs.

Alors après ce rappel, l'appel....
J'ai rouvert, L'ingenieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche (traduit par Aline Schulman / Éditions du Seuil) pour y relire le chapitre VI (intitulé du plaisant inventaire que firent le curé et le barbier dans la bibliothèque de notre ingénieux gentilhomme) celui où il est question de l'autodafé domestique selon les termes de Calvino :

"DON QUICHOTTE DORMAIT encore. le curé demanda à la nièce les clefs de la pièce où se trouvaient les livres coupables de tout le mal, et elle s'empressa de les lui remettre. Tout le monde entra, y compris la gouvernante ; il y avait là plus d'une centaine de gros volumes aux belles reliures, et d'autres de taille moyenne. Dès qu'elle les vit, la gouvernante sortit en toute hâte de la bibliothèque et revint avec une écuelle d'eau bénite et un goupillon.
– Prenez ça, monsieur le curé, dit-elle, et aspergez-en toute la pièce, au cas où il y aurait ici un des enchanteurs dont on parle tant dans ces livres, et qu'il veuille nous enchanter pour nous punir de vouloir le chasser de notre monde.
Le curé ne put s'empêcher de rire de tant de naïveté, et demanda au barbier de lui présenter les livres un par un, pour voir de quoi ils traitaient, car il pouvait s'en trouver qui ne méritaient pas le supplice du feu.
– Non ! intervint la nièce. Aucun ne doit être épargné, car ils ont tous fait du mal à mon oncle. le mieux, ce serait de les jeter par la fenêtre, d'en faire un tas et d'y mettre le feu ; ou plutôt, d'allumer un bûcher dans la cour, pour que la fumée ne nous incommode pas.[...]
Et sans plus se fatiguer à examiner le reste des livres, le barbier dit à la gouvernante de prendre les plus gros et de les jeter dans la cour. Elle ne se fit pas prier, car elle préférait de loin les brûler que de tisser la plus longue et la plus fine des pièces de toile. Elle en prit huit d'un coup et les envoya par la fenêtre. Mais elle était si chargée qu'il en tomba un aux pieds du barbier, qui l'ouvrit par curiosité et lut : Histoire du fameux chevalier Tirant le Blanc.
– Dieu tout-puissant ! s'écria le curé. Est-ce possible ? Donnez-moi ce livre, maître Nicolas ; je le considère comme un trésor de bonne humeur et une mine de divertissements. On y trouve le valeureux chevalier don Kyriéléison de Montauban, et son frère Thomas, ainsi que le chevalier Fonseca ; on y raconte la bataille que le courageux Tirant livre contre un dogue, les traits d'esprit de la demoiselle Plaisir-de-ma-vie, ainsi que les amours et les intrigues de la veuve Paisible, et la passion de l'impératrice pour Hippolyte, écuyer de Tirant. Croyez-moi, maître Nicolas, c'est le meilleur de tous les romans de chevalerie : on y voit des chevaliers qui mangent comme vous et moi, qui meurent dans leur lit et qui, avant de mourir, font leur testament ; bref, toutes ces choses dont on ne parle jamais dans ces livres-là. Néanmoins, l'auteur aurait mérité d'être condamné à vie aux galères pour y avoir écrit bien des sottises qu'il aurait pu éviter. Emportez-le chez vous et lisez-le : vous verrez que tout ce que je vous ai dit est vrai."

Et vous l'avez compris dans le cas de ce livre ce sont à la fois appel et rappel qui guide la lecture....
Grâce à la preface de Marie Cosnay, qui a à son actif une sublime traduction des Métamorphoses d'Ovide, et à la remarquable traduction Jean-Michel Barber, qui y a passé près de 20 ans, on peut dire que nous avons entre les mains un classique du roman de chevalerie, mais pas seulement c'est aussi un roman d'aventures, un roman politique, géopolitique, géographique, d'éducation sentimentale et d'ascension sociale, un roman onirique, un roman comique.
Publié en 1490, il est d'une étonnante modernité, alors bien sûr, il n'échappe pas aux classiques romans de l'époque avec ses multiples répétitions, mais cela ne gâche en rien le plaisir de lecture.
On y retrouvera également comme de coutume, les allusions à la mythologie, les réflexions philosophiques, les allégories aux figures de l'Antiquité, les évocations à la religion, les libertés que prend le conteur avec l'histoire, et tout ce qui fait le sel de genre de récit, comme par exemple le passage sur le création de l'ordre de la Jarretière :

"— Voilà que l'année plus un jour était expirée et que l'on avait fini de célébrer les fêtes ; sa majesté le Roi fit alors prier tous les états de bien vouloir attendre quelques jours, car il voulait faire publier une confrérie qu'il venait tout juste d'instituer, formée de vingt-six chevaliers, tous sans reproche ; chacun accepta bien volontiers de rester. La cause et l'origine de cette confrérie, Seigneur, ont été vraiment celles que je vais dire, d'après ce que moi et les chevaliers ici présents avons entendu de la bouche même du Roi : un jour où la cour se divertissait et dansait joliment, le Roi s'arrêta à un bout de la salle pour se reposer ; la Reine prit quelque répit à l'autre extrémité, avec ses demoiselles, tandis que les chevaliers évoluaient avec les dames. le sort voulut qu'en dansant avec un chevalier, une demoiselle s'approchât de l'endroit où se trouvait le Prince ; elle virevolta, ce qui fut cause que sa jarretière se détacha de son bas. de l'avis de tous, ce devait être celle de la jambe gauche, et elle était taillée dans du ruban. Les courtisans qui se trouvaient près du Roi virent par terre la jarretière qu'elle avait perdue. Cette jeune fille s'appelait Chèvrefeuille. Ne croyez pas, Seigneur, qu'elle fût plus belle qu'une autre, ni que rien de ce qu'elle montrait fût gracieux : elle a quelque allure, danse d'un pied assez léger, montre de la vivacité dans sa conversation et chante honnêtement. Toutefois, Seigneur, on en trouverait trois cents de plus belles et de plus gracieuses qu'elle ; mais les goûts et les penchants des hommes sont infiniment variés. Un des chevaliers qui étaient dans l'entourage du Roi l'avertit :
« — Chèvrefeuille, vous avez perdu les armes de votre jambe. Il me semble que vous avez eu un page maladroit, qui n'a pas su vous les nouer.
« Elle, un peu honteuse, cessa de danser et alla pour la ramasser ; mais un autre chevalier fut plus prompt qu'elle et s'en saisit. le Roi, qui vit la jarretière entre ses mains, l'appela à l'instant et lui demanda de la lui attacher à la jambe, sur le bas du côté gauche, au-dessous du genou.
« Cette jarretière, le Roi l'a portée plus de quatre mois, sans que la Reine lui fasse la moindre remarque ; plus le Roi s'habillait, plus volontiers il l'arborait aux yeux de tous. Il ne se trouva personne, pendant tout ce temps, qui osât lui en faire observation, sauf un domestique, grand favori du Prince, qui vit que cela durait trop. Un jour qu'il se trouvait seul avec le Souverain, il se lança :
« — Sire, si votre majesté savait ce que je sais, si vous étiez informé des médisances de tous les étrangers, et même de vos propres sujets, sans compter la Reine et toutes les nobles dames !
« — Et de quoi ? s'étonna le Roi. Dis-le-moi sans tarder !
« — Voici, Sire : tous sont étonnés de ce si extravagant hommage que votre altesse a voulu rendre à une demoiselle insignifiante, vile et de médiocre condition, peu estimée de ses compagnes, en portant sa marque sur votre royale personne, à la vue de tous pendant si longtemps. Si encore elle était reine ou impératrice pour qu'on la distinguât autant. Comment, Sire ! Votre altesse ne trouvera-t-elle pas dans son royaume des jeunes filles bien mieux nées, plus belles plus gracieuses, plus savantes et parées de bien plus de qualités ? Les bras des rois sont très longs : ils touchent où ils veulent.
« le Roi répondit :
« — Ainsi donc, la Reine en est mécontente ? Les étrangers et mes sujets s'en étonnent ? Eh bien, déclara-t-il alors en français, Honni soit qui mal y pense ! Ici même je promets à Dieu, poursuivit le Prince, d'instituer et de créer sur ce fait un ordre de chevalerie, et tant que le monde durera, les hommes se souviendront de la fraternité d'armes que je vais fonder."

Après tout, il fait une légende de la légende, à chacun de trouver la version qui lui sied...

Mais on le sait le but ultime est de construire un héros avec tout ce qu'il peut avoir de gloire, de panache, et ce afin de construire sa renommée et de figer pour toujours son prestige....
Alors Tirant, passera par un certain nombres d'épreuves "initiatiques" qui feront de lui, ce héros attachant et attaché d'abord à la cour d'Angleterre, puis au côté du Roi de France en Tunisie, avant de rejoindre Constantinople, et plus largement l'empire grec, et enfin en Berbérie. Ces aventures lui feront gagner en valeur.
Il saura se montrer fin stratège, rusé et prudent. Il se muera en un chef respecté de ses hommes, même ses ennemis lui trouveront nombre de qualité. Il est bon, dans le sens le plus auguste du terme. Il est désintéressé dans le sens le plus noble du terme. Il est fort, capable en un coup d'épée de réduire un assaillant en miettes, au propre comme au figuré. Il est endurant, attaquant sans cesse l'ennemi...
Alors le curé dans Don Quichotte avait raison : on y voit des chevaliers qui mangent comme vous et moi, qui meurent dans leur lit et qui, avant de mourir, font leur testament.
Tout y est, les passes d'armes, les sentiments, le panache, les revers arrangés ou non, les coups du destin qui n'en sont peut-être pas....

Et que dire de la manière dont Tirant quitte ce monde, certainement les plus belles pages du livre :

"Bien que la mort soit certaine, l'homme ignore l'heure à laquelle elle arrive. On attend du sage qu'il prenne ses dispositions pour que, arrivé au terme du chemin dans ce misérable monde, au moment de retourner à son Créateur, il puisse rendre compte et raison des biens qui lui ont été confiés.

Pour l'amour de cela, moi, Tirant le Blanc, du lignage de Roque Salée et de la maison de Bretagne, chevalier de la Jarretière et prince et césar de l'Empire grec, atteint d'une maladie dont je crains de mourir, mais sain d'esprit, entièrement maître de mes mots, en présence de mes seigneurs et frères d'armes, le roi Scarian, le roi de Sicile et mon cousin germain, le roi de Fez, ainsi que beaucoup d'autres rois, ducs, comtes et marquis, au nom de mon seigneur Jésus-Christ, je fais et ordonne le présent testament et mes dernières volontés.

Pour ce faire, je désigne comme exécuteurs testamentaires la vertueuse et excellente Carmésine, princesse de l'Empire grec, mon épouse,et l'illustre Diaphébus, duc de Macédoine, mon cher cousin germain, je les supplie tous les deux de prendre soin de mon âme [...]

L'Empereur fut submergé de douleur, et tint ces mots :
”«Moi seul, Empereur abandonné, dois célébrer des funérailles d'une telle tristesse. le soleil doit s'effacer à nos yeux ; cet épais brouillard et ces nuages doivent l'obscurcir, afin que sa claire lune ne puisse briller. le monde doit être plongé dans les ténèbres et une noire soubreveste doit le recouvrir. Les vents doivent secouer cette terre ferme et les hautes montagnes doivent s'effondrer. Les fleuves doivent cesser de couler et l'eau des sources doit se mêler au sable Pour abreuver la terre grecque, triste comme la tourterelle abandonnée par Tirant, son époux. Tout cela pour marquer la douleur qui nous accable. L'océan doit vomir les poissons. Pendant ce temps, chantez, belles sirènes, les grands maux qui étreignent la terre! Chantez et pleurez la mort de celui qui était un phénix parmi les vivants! Les bêtes doivent hurler, les oiseaux doivent interrompre leurs chants mélodieux ; ils doivent se retirer dans les forêts désertes! Il me faut mourir, pour descendre dans le royaume de Pluton. Mon ambassade sera si triste qu'Ovide émaillera de ses vers héroïques mon Tirant ! Arrachez-moi mes trésors dorés, enlevez des palais les riches pourpres, passez-moi à l'instant un âpre cilice! Que tous revêtent de la serge grossière, rêche et noire ! Toutes les cloches doivent sonner de façon désordonnée ! Que chacun se plaigne d'une si grande perte, dont ma bouche est incapable de rendre compte !"[...]

La Princesse l'en remercia infiniment, Puis elle se tourna vers le secrétaire et lui dit de rédiger son testament en ces termes:
Toutes les choses de ce monde sont transitoires et glissantes, et aucun de ceux dont le corps est de chair ne peut échapper à la mort. Celle-ci est inéluctable. le sage doit prévoir et régler son avenir, afin que, lorsque son voyage dans ce misérable monde sera fini et qu'il retournera à son Créateur, il puisse se réjouir de lui présenter son âme sans rougir
Et pour l'amour de cela, moi, Carmésine, fille du Sérénissime Empereur de Constantinople et princesse de l'Empire grec, atteinte d'un mal dont je suis certaine et contente de mourir, mais cependant saine d'esprit, femme, entière et la parole claire, en présence de sa majesté messire l'Empereur, mon père, et de la sérénissime Impératrice, ma mère, et avec leur libre volonté: au nom de mon seigneur Dieu Jésus-Christ, je fais et ordonne le présent testament et exprime mes dernières volontés.
Je choisis pour exécuteurs testamentaires l'illustre Diaphébus, duc de Macédoine, et l'illustre Stéphanie, Son épouse, que je supplie de bien vouloir accepter que je leur recommande mon âme.
Je supplie également les dits exécuteurs et leur demande, par le salut de leurs âmes, de mettre mon corps avec celui de Tirant, en ce même endroit où il a ordonné que l'on dépose le sien. Car ainsi, puisque nous n'avons pas pu être ensemble de notre Vivant au moins nos corps seront-ils unis dans la mort, jusqu'à la fin des temps.

Et puis finalement si ce livre n'était qu'une immense boucle de quelques 1000 pages encore une fois je cite le curé de Don Quichotte pour qui la chevalerie se transmet par les livres, d'où son autodafé, que font les compagnons de Tirant le pensant perdu dans les bois : "Ils se demandaient s'il ne s'était pas égaré dans la forêt, et bon nombre des siens s'en retournèrent pour le chercher. Ils le trouvèrent sur la route, en train de lire les aventures chevaleresques qui étaient rapportées dans le livre ..."

Ce fut en tout cas une fabuleuse lecture..
J'ai cédé à l'appel de Tirant.... Et nul doute que je m'en rappellerai...
Quand je vous disais qu'un livre était un appel ou un rappel...
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Lorsque j'ai reçu la proposition de masse critique privilégiée pour ce livre, j'ai été un peu hésitante. D'un côté, je me disais « chouette, un roman de chevalerie » mais d'un autre, j'étais un peu effrayée à l'idée de devoir lire un pavé de plus de 900 pages datant du 15ème siècle. Je ressors de ma lecture plutôt très contente même si ça n'a pas été une lecture facile et qu'elle n'a pas été non plus totalement enthousiasmante.

J'ai mis quasiment un mois à lire ce livre, et non sans difficultés. Ce n'est pas vraiment dû à l'écriture, contrairement à ce que je craignais le texte est assez accessible. « Tirant le Blanc » est l'oeuvre de Joanot Martorell, un chevalier à la vie mouvementée. Par nécessité, il a dû confier son manuscrit à un prêteur sur gages. de là à imaginer qu'il ne s'agit que d'un premier jet, il n'y a qu'un pas que je n'hésite pas à franchir. Je pense qu'il s'agit d'un travail que son auteur n'a pas pu vraiment aboutir. Cela se perçoit notamment dans les incohérences ou les redites qui parsèment le récit. Ce sont ces redites qui m'ont rendu la lecture parfois difficile et j'avoue même m'être parfois un brin ennuyée. Il y a indéniablement des longueurs dans le roman, près de 1000 pages c'est trop pour raconter l'histoire de Tirant, quand bien même celui-ci a une vie riche en péripéties. Mais celles-ci sont parfois répétitives.

Malgré cette pointe d'ennui ressentie à certains moments de ma lecture, « Tirant le Blanc » m'a tout de même globalement séduite. C'est une lecture intéressante à plus d'un titre. Tout d'abord, si certains passages sont un peu ennuyeux, d'autres sont absolument formidables, l'auteur déployant un style riche, lyrique et épique tout en n'omettant pas une petite dose d'humour bien agréable. Au passage, je salue le travail de traduction de Jean-Marie Barbera, dont on sent bien qu'il s'agit là d'un travail de passionné qui a demandé énormément de recherches et de réflexion. Ensuite, ce récit, pour peu que l'on s'intéresse à la chevalerie, est extrêmement riche sur le sujet. Les principes qui régissent ce monde de la chevalerie y sont parfaitement dépeints et j'ai trouvé cet aspect passionnant. Enfin, le dernier aspect qui m'a beaucoup plu, c'est qu'il s'agit aussi, et avant tout, d'un roman courtois. J'avais déjà eu l'occasion de constater lors de ma lecture des « Lais » de Marie de France qu'amour courtois ne rime pas forcément avec amour platonique dans la littérature médiévale. « Tirant le Blanc » vient confirmer cette impression. Il y a un côté très sensuel dans ce livre qui frôle même l'érotisme. Certaines scènes sont même assez piquantes. Je pense notamment au passage dans lequel, l'air de rien, Tirant se retrouve au lit avec sa dulcinée et une de ses demoiselles de compagnie. S'il n'est pas fait mention réellement de triolisme, la scène s'avère néanmoins très audacieuse. Lorsque je dis que le roman est avant tout un récit courtois, c'est bien parce que l'amour y est finalement l'enjeu principal. Bien sûr, il y a de nombreux combats, duels, actes héroïques et la reconquête de l'empire chrétien d'orient reste un enjeu important du récit et de ses personnages. Mais j'ai trouvé très amusant que cet objectif martial soit mis sur le même plan, voire soit considéré comme plus anodin, que l'objectif amoureux. En effet, Tirant semble vivre bien plus mal les difficultés à conquérir Carmésine que les dangers de la bataille. Il semble souffrir d'avantage des refus de sa belle que des blessures infligées par l'ennemi. D'ailleurs, la conquête amoureuse est tout autant une guerre que la lutte contre les Maures. le héros doit batailler ferme, négocier, prendre des risques pour parvenir à ses fins. Et ce n'est pas là chose aisée tant Carmésine résiste aux assauts amoureux du chevalier qu'elle aime pourtant d'un amour passionnel. L'empereur, aveugle à ces joutes amoureuses, tente bien à plusieurs reprises de remettre la reconquête territoriale au centre des enjeux mais sans y parvenir vraiment. Certes, Tirant va faire son devoir et batailler contre les Maures, s'éloignant pour cela de sa belle, mais en gardant toujours à l'esprit son objectif de conquête amoureuse. On a presque l'impression que la guerre lui est plus facile que l'entreprise de séduction.

Dans « Tirant le Blanc », on s'évanouit à la moindre émotion forte, on est même au bord de la mort. Les sentiments sont exaltés de façon totalement outrancière et cet aspect m'a aussi beaucoup amusée. Tout comme les longues tirades des personnages sur le point de rendre l'âme. Malgré les petits passages à vide, le roman est assez réjouissant et amusant.

Je remercie vivement Babelio et les éditions Anacharsis (qui ont un catalogue très alléchant) pour m'avoir permis de lire cet ouvrage. Cervantès (qu'il faudrait que j'ose enfin lire d'ailleurs) tenait en haute estime ce roman qui l'a sans doute influencé. C'est dire s'il s'agit là d'un livre majeur de la littérature mondiale. J'avoue que je serais également curieuse de lire, si cela existe en français, une biographie de Martorell, qui semble avoir eu une vie peut-être encore plus extravagante que celle de son héros.
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Je viens de terminer la lecture de Tirant le Blanc et je n'en suis pas mécontente ! J'ai même l'impression d'avoir atteint le Saint-Graal, tant cette lecture fut éprouvante.

Ce n'est pas vraiment le texte médiéval de Joanot Martorell, un chevalier écrivain du XVe siècle et traduit de façon si talentueuse par Jean-Marie Barberà qui m'a rebutée. Il est plutôt d'un abord aisé et se lit sans trop de peine.
Ce qui a été vraiment ardu, ce fut plutôt les propos relatés. L'histoire est longue. Très longue.
J'ai eu d'abord beaucoup de mal à apprécier ce héros des temps chevaleresques et pourtant, j'adore cette période historique ! Mais, je pense que j'ai appréhendé cette lecture au premier degré. Et croyez-moi, c'était du genre lassant.
Notre fameux Tirant est présenté comme le héros parfait ! Il est courageux, vaillant et surtout il est toujours victorieux ! Et ça, c'est plutôt agaçant et tellement répétitif qu'il finit par ne plus y avoir de suspens. Quoiqu'il se passe, il s'en tire toujours. En héros et en vainqueur.
Avec un sacré paquet de morts sur son passage. Et c'est là qu'il vaut mieux prendre du recul avec cet ouvrage et se dire qu'il a été écrit au XVe siècle par un chevalier catalan et sans doute très fervent catholique. Car, ici, on se fiche bien des morts puisque la plupart sont des Maures.
Puisqu'on se bat au nom de la "Sainte Eglise", il est bien normal d'occire les Infidèles.

Bien sûr, cet ouvrage authentique donne un aperçu historique très intéressant sur la chevalerie, ses moeurs et ses motivations fort pieuses, mais se farcir pendant 1000 pages ce genre de propos m'a fait endurer le martyr.

Mais, Tirant le Blanc n'est pas qu'un récit d'aventures épiques et héroïques, c'est aussi un roman où l'amour courtois a une très grande place. Et là, encore, que de palabres amoureuses, que d'atermoiements, que de discours flamboyants !
Sachez que notre fameux Tirant, amoureux de sa Princesse qui joue avec lui au chat et à la souris, n'a de cesse de s'emparer du coeur de sa belle Carmésine mais pas que du coeur, si vous voyez ce que je veux dire. Et ça n'en finit pas de se tourner autour, de minauder, de feindre, de se vexer pour un oui pour un non et de tomber en pâmoison à tout bout de champ ! Pour un guerrier invincible face à ses ennemis, cela paraît bien risible.

Finalement, les deux personnages qui ont réussi à me redonner le sourire et l'envie de continuer ce roman, ce sont plaisirdemavie et la Veuve Reposée. la première est pétillante, franche et pleine de ressources. La seconde est une jalouse, prête à tout pour arriver à ses fins. Grâce à elles deux, j'ai trouvé de la saveur à ce roman et c'est aussi sans doute grâce à elles que je lui octroie trois étoiles et demie.

Ma critique est sans doute un peu acerbe et je m'en excuse auprès de Babelio et des éditions Anacharsis qui m'ont proposé la lecture de ce livre et que je remercie.
Je ne regrette pas de l'avoir lu car c'est un ouvrage témoin de l'époque médiévale qui donne un éclairage somme toute passionnant si on parvient à prendre suffisamment de recul. Je suis même fière d'être parvenue jusqu'à la fin mais ce fut un véritable sacerdoce !


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critiques presse (1)
LeMonde
22 décembre 2023
Il plonge le lecteur dans les aventures constellées de combats et d’érotisme courtois d’un chevalier breton que son errance amène, entre autres, à reconquérir Constantinople, à peine tombée aux mains des Turcs en 1453.
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COMME le montre de toute évidence l'expérience, la faiblesse de notre mémoire nous fait oublier facilement non seulement les actions que le cours du temps a vieillies, mais aussi les événements récents de notre temps. C'est pourquoi il a été très opportun, utile et convenable de mettre par écrit les actions et les histoires anciennes des hommes forts et vertueux qui sont de clairs miroirs de vertu, des exemples et une doctrine de vertu pour nos vies, comme dit le grand orateur Tullius Cicéron.

Nous lisons dans les saintes Écritures les histoires et les pieuses actions des saints Pères, du noble Josué et des Rois, de Job et de Tobie, et du puissant Judas Maccabée. De son côté, Homère, illustre poète, a chanté les batailles des Grecs, des Troyens et des Amazones ; Tite Live, celles des Romains : de Scipion, d'Annibal, de Pompée, d'Octave, de Marc Antoine et de beaucoup d'autres. Nous trouvons écrites les batailles d'Alexandre et de Darius, les aventures de Lancelot et autres chevaliers, les fables poétiques de Virgile, d'Ovide, de Dante et autres poètes, les saints miracles et les actions admirables des apôtres, martyrs et autres bienheureux, la pénitence de saint Jean-Baptiste, de sainte Marie-Madeleine et de saint Paul ermite, et de saint Antoine, et de saint Onuphre, et de sainte Marie l'Égyptienne. Beaucoup d'autres exploits et d'innombrables histoires ont été compilées afin que l'oubli ne les effaçât point de l'esprit des hommes.

Ils méritent honneur, gloire et renom, les hommes vertueux ; nous devons en garder fidèle mémoire, surtout de ceux qui, pour l'intérêt général, n'ont pas hésité à soumettre leurs personnes à la mort, afin que la gloire leur donnât la vie éternelle. Nous lisons aussi qu'on ne peut gagner l'honneur sans accomplir de nombreuses actions vertueuses ; de même, on ne peut atteindre le bonheur sans pratiquer les vertus. Les vaillants chevaliers eurent à coeur de mourir au combat plutôt que de fuir honteusement. Judith, cette sainte femme, animée d'un courage viril, osa tuer Holopherne pour délivrer la ville de son oppression. Mais on a écrit et compilé de livres sur Ies gestes et histoires anciennes que l'intelligence de l'homme serait insuffisante pour les comprendre et les retenir.

Jadis, l'ordre militaire était si vénéré qu'on ne revêtait des honneurs guerriers que l'homme fort, vaillant, sage et grand expert dans l'exercice des armes. La force du corps et la hardiesse doivent exercées judicieusement ; en effet, quand elles s'appuient sur le discernement et l'habileté des combattants, il n'est pas rare que les moins nombreux l'aient emporté sur les plus nombreux ; la science et l'astuce des chevaliers ont suffi à renverser les armées ennemies. Voilà pourquoi les anciens ont instauré joutes et tournois, nourrissant les jeunes enfants d'exercices martiaux, afin que dans batailles ils soient forts et braves, et non pas saisis de terreur à la vue des ennemis. On se doit d'estimer hautement la dignité militaire, car sans elle les royaumes et les villes ne pourraient se maintenir en paix, ainsi que le dit le glorieux saint Luc dans son Évangile. Il mérite donc honneur et gloire, le vertueux et vaillant chevalier, renommée ne doit point s'éteindre de longtemps. Parmi les insignes chevaliers dignes de glorieuse mémoire se trouve le très valeureux chevalier Tirant le Blanc, que le présent livre rappelle spécialement à notre souvenir : on y fait donc singulière et expresse mention de lui-même, tout comme de ses remarquables vertus et de ses prouesses, ainsi que le rapportent les histoires qui suivent.

(INCIPIT)
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La flotte quitta le port de Palerme et mit le cap sur la Berbérie. En longeant la côte, les vaisseaux atteignirent Malaga, Oran et Tlemcen; ils passèrent le détroit de Gibraltar, allèrent à Ceuta, el-Ksar-el-Kebir et Tanger. Au retour, ils continuèrent par l'autre côte, celle de Cadix et Tarifa, Gibraltar puis Carthagène, car à cette époque, tout le littoral était sous domination mauresque. De là, ils passèrent par les îles d'Ibiza et de Majorque, puis ils allèrent débarquer au port de Marseille.
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La peine extrême que mon âme ressent vient de ce que j'aime et que je ne sais pas si je serai aimé. De tous les multiples maux que je ressens, c'est celui qui m'afflige le plus, et mon cœur est devenu plus froid que la glace, car je n'ai nul espoir d'atteindre ce que je désire ; la fortune a toujours été contraire à ceux qui aiment profondément. Ne savez-vous pas que dans toutes les passes d'armes où je me suis trouvé, jamais personne n'a pu prendre le dessus sur moi ni me vaincre ? Et la seule vision d'une demoiselle m'a vaincu et jeté terre sans que j'aie pu lui opposer la moindre résistance. Si elle est cause de mon mal, de quel médecin puis-je espérer guérison? Qui me peut donner vie ou mort, ou le vrai salut, sinon elle ? Où puiserai-je le courage et où trouverai-je les mots qui me permettront de parler et de l'induire et mouvoir à miséricorde, quand par sa position princière elle est supérieure à moi en toutes choses, je veux dire en richesse, en noblesse et en seigneurie ? Et si l'amour, qui tient balance égale, qui nivelle les inclinations, ne fait pas pencher son cœur haut et généreux, je suis perdu, car il m'apparaît que toutes les voies qui peuvent me conduire au salut me sont fermées ; aussi ne sais-je quel conseil prendre dans un si grand malheur.
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- Oui, Seigneur. Nous savons maintenant, et c'est avéré, qu'après le supplice et la destruction des Templiers, on institua un nouvel ordre, celui de Saint-Jean de Jérusalem ; et que lorsque la Cité fut perdue, les hospitaliers peuplèrent l'île de Rhodes ; dès lors, le temple de Salomon resta vide. Ce furent des Grecs et bien dautres nationalités qui s'établirent dans cette île. Quand la ville et le château furent bien fortifiés, le sultan du Caire l'apprit et fut irrité de ce que des Chrétiens se soient installés dans l'île. La nouvelle que le Sultan faisait de grands préparatifs parvint aux Génois ; voyant que le port de Rhodes était excellent, que le pays était généreux et qu'il offrait des marchandises en abondance, et considérant d'autre part que leurs navires se rendent très souvent Alexandrie et Beyrouth et qu'il leur serait donc très utile d'avoir là un bon port où relâcher en sécurité, ils en débattirent en conseil devant leur Duc. L'assemblée opina que l'on pourrait s'emparer sans grande difficulté de la ville et du château ; la décision fut donc prise et l'on passa aux Ils armèrent vingt-sept vaisseaux d'hommes nombreux et de qualité.
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Au milieu de la lice, il y avait une grande estrade, entièrement couverte de draps de brocart. Au centre se dressait un grand siège très richement orné, posé sur un axe sur lequel il pouvait tourner. La sage Sybille était assise en haut, dans de magnifiques atours, montrant toute sa magnificence. Elle tournait sans discontinuer de côtés. Et en bas du siège étaient assises toutes les déesses, le visage couvert, parce que dans les temps anciens, les païens disaient que c'étaient des corps célestes. Autour des déesses étaient assises toutes les dames qui avaient bien aimé, comme la reine Guenièvre, qui aima Lancelot; et la reine Iseult, Tristan ; la reine Pénélope, qui aima Ulysse; Hélène, Pâris ; Briséis, Achille ; Médée, Jason; la reine Didon, Énée; Déjanire, Hercules; Ariane, Thésée; et la reine Phèdre, qui tenta de séduire Hippolyte, son beau-fils. Et il y en avait bien d'autres, qu'il serait fastidieux de nommer ici, qui à la fin de leurs amours furent trompées parleurs amants, comme fit Jason qui berna et détruisit la noble Médée ; comme agit Thésée envers Ariane, qui l'enleva à la maison du roi son père et qui, l'emportant sur la mer, l'abandonna ensuite sur une île déserte, où elle finit sa douloureuse vie. Et des dames comme celles que je viens de vous citer, il y en avait pléthore.
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