Dans les années 60 en France, beaucoup de femmes des classes moyennes étaient mères au foyer. Coup dur pour Pauline lorsque son père décède, c'est elle qui devra faire bouillir la marmite. A dix-sept ans, à quelques mois du Bac, elle doit abandonner le lycée pour un poste de gratte-papier dans une banque. C'est son salaire qui les fera vivre, sa mère, elle et son frère de dix-neuf ans, qui lui, continue la fac. En mai 68, Pauline, employée en banlieue parisienne, fréquente un groupe d'étudiants parisiens et les accompagne dans leur combat. Ouvriers et employés finissent par se joindre à l'agitation et aux manifestations qu'ils ont d'abord considérées comme un 'problème de petits bourgeois'.
Ce "mai 68" est celui de Pauline - le mien était plus paisible : intra-utéro dans une petite ville de province. On suit la jeune fille sur quelques semaines, un parcours initiatique en accéléré : elle découvre le monde du travail, l'amour, la politique, participe à une révolution sociale. Les prémices de l'émancipation féminine sont esquissées à travers sa vie et ses aspirations. On voit également l'importance des groupes militants (plus ou moins politisés) dans les milieux étudiants et ouvriers, l'essor du syndicalisme, la concurrence et les mesquineries entre les différents mouvements dont les revendications semblent pourtant identiques.
Cet ouvrage immerge le lecteur dans les années 60. Il captivera probablement davantage ceux qui ont connu cette période que le public adolescent visé, même s'il situe bien le contexte et rend bien compte d'une agitation sociale : ambiance fébrile, excitante, festive, mais aussi violence et conséquences tragiques lorsque le mouvement se durcit et que la répression devient musclée.
Un roman intéressant qui m'a donné envie d'en savoir plus sur les événements.
Ma seule réserve : le ton fleur bleue des amourettes de l'héroïne.
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Mercredi 20 Mars 1968.
Ivan me serra contre lui pour essayer de me protéger.
« FLN VAINCRA ! US ASSASSINS ! »
Dans la bousculade, nous avions perdu les camarades. Des inconnus, le bas du visage caché sous un foulard scandaient les slogans. J'avais trop peur pour participer. Un fracas de verre brisé me fit me recroqueviller de terreur.
— Les vitrines de l’American Express ! Vite, il faut filer !
Ivan me broyait la main. Il fallait vite se dégager de la foule des manifestants et fuir. Impossible de descendre dans la station Opéra noire de monde. Nous avons couru droit devant nous dans l’espace dégagé du boulevard des Italiens jusqu’à Bonne Nouvelle.
— Je n’en peux plus ! Si j’avais su, je ne serais jamais venue à cette manif !
Dans le métro, à bout de souffle, je m’écroulai sur un strapontin.
— Tu crois que tout le monde a réussi à se sauver ?
— Je n’en sais rien. J'ai vu des CRS !
— Tu savais ce qui nous attendait, toi ?
— Pas vraiment. Mais j’aurais dû m’en douter. Trop bizarres tous ces rendez-vous différents ! En tout cas, pas question que tu rentres seule. Je vais à Soisy avec toi.
— Ton studio va s’ennuyer !
Nous avons ri. Mon frère, je l’adorais.
— Pourvu qu’ils n’en parlent pas à la télé. Maman serait trop inquiète !
Était-ce cela la vie ? Comme chaque jour de travail, j’étais arrivée au bureau à huit heures et demie. Après avoir suspendu mon manteau dans mon vestiaire et enfilé ma blouse, j'avais signé la feuille de présence, serré la main de mes collègues et m’étais installée à mon bureau. Mes affaires sorties, j’avais pris la pile d’ouvertures de comptes distribuée par la chef pour tout codifier.
Je ruminais. Quand la banque m’avait embauchée, j’avais effectué un stage de trois mois à l’école de dactylographie. J’aimais bien. Les quarante mots à la minute atteints, l’examen en poche, j’avais été affectée à ce service. Mais je ne tapais jamais à la machine ! Une semaine par mois, je perforais des fiches, le reste du temps je codifiais des ouvertures de comptes et des rectificatifs d’adresses. Travail automatique. Quand, par chance, le client était d’une nationalité peu courante, je consultais des fiches