Fils de républicains espagnols réfugiés dans le sud de la France lors de la guerre d'Espagne,
Serge Mestre est l'un de ces auteurs qui ne font pas la une des plateaux télé.
Mais il est surtout capable de vous faire ressentir une forme de douleur permanente qu'il a dans le coeur, une nostalgie de l'enfant d'émigré, un amour de son pays d'origine, la haine toujours vive envers ceux qui ont causé le départ de ses parents.
Un scénario simple, apparemment, pour "
La lumière et l'oubli": deux jeunes filles de 18 et 14 ans, Julia et Esther, arrivent dans une gare à tromper la vigilance des soldats franquistes chargés de les surveiller lors d'un transfert entre deux orphelinats, et à rejoindre la France grace au hasard de leurs rencontres.
Et nous allons suivre ces jeunes filles, de leur naissance à leur age adulte... Trois périodes qui se croisent, se télescopent, des retours en arrière, des bonds en avant. Pas toujours faciles à suivre.
Ce qui donne à "
La lumière et l'oubli" deux formes : une forme romanesque, du fait des rencontres de Julia et Esther, des coïncidences de leurs vies depuis leur naissance jusqu'à l'époque actuelle et une forme historique, qui fait découvrir les turpitudes du régime franquiste et surtout de l'Église espagnole de ses curés et bonnes soeurs. C'est elle le troisième "personnage" du livre.
On perçoit chez
Serge Mestre un coté "bouffeur de curé" qu'il doit être, la haine que ses parents républicains ont du avoir pour cette Église, une haine qui a sans doute construit sa personnalité...
Une Église qu'il dénonce
Oui, l'Église haïssait ces Rouges, c'était elle qui motivait les actes et l'idéologie du pouvoir, du coup d'État franquiste, qui faisait et défaisait les grands et petits chefs de l'Espagne. Une Église présente dans les prisons, connaissant les actes de torture, présente aux moments des exécutions. C'était elle qui enlevait les enfants des jeunes mères "Rouges" accouchant dans les prisons, juste avant leur exécution, enfants qu'elles confiait à des familles bien pensantes, ou à des orphelinats qu'elle gérait afin qu'ils puissent devenir séminaristes et curés ou bonnes soeurs. Curés et bonnes soeurs allant jusqu'au viols pour dresser les gamins, leur apprendre à obéir. "Hispanité, valeurs de l'Église, cela revient au même ! Non ? Vous n'êtes pas d'accord ?" (P. 198)
Le coté romanesque du livre, les coïncidences de vie, la fin un peu tirée par les cheveux servent surtout à décrire les atrocités et le vice de cet État franquiste, une atrocité difficilement supportable parfois, les tortures physiques ou morales infligés aux opposants pas les tueurs phalangistes, tueurs venant jusque dans le sud de la France pour éliminer les opposants, les grands et petits actes odieux commis par ce régime, les souffrances du peuple espagnol et de tous ces réfugiés et également à traduire la reconnaissance de ces réfugiés pour leur pays d'accueil:
Julia dit: "La France n'est pas mon premier nid [..], c'est surtout celui à partir duquel je me suis lancée, à partir duquel j'ai eu la chance d'apprendre à voler, celui qui m'a recueillie, apprivoisée presque, sans s'en apercevoir, jamais à mon insu [..]; encore enfant, c'est moi qui ai adopté ma famille ; ce n'est pas l'inverse." (P. 358)
Une actualité toujours présente.
"
La lumière et l'oubli" a fait partie en 2009 de la sélection pour le prix Goncourt
On connait ce qui s'est passé en Allemagne dans les années 40 et on méconnait ce qui se passait au sud : l'Espagne
Les salons du livre de Narbonne a eu le grand mérite de me faire découvrir
Serge Mestre.. Il présentait à Narbonne les livres de
Manuel Rivas qu'il avait traduits et les siens, des livres écrits notamment afin de ne pas oublier toute cette période noire de l'Histoire, d'Espagne et de France.
Je ne regrette pas cette rencontre et je vais poursuivre cette découverte
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