Ce roman de l'écrivain tchadien est le quatrième livre de sa production littéraire. Cette fois, Ndjékéry nous entraine dans une trajectoire de vie tchadienne avec l'histoire d'un jeune homme Seydou, professeur de gymnastique qui succombe aux charmes de son élève Dendo, une pucelle de seize ans qui ne tarde pas à montrer tous ses charmes de séduction au point de faire perdre à l'homme impassible toute sa sérénité. Alors ce qui devait arriver, se produisit tel un choc électrique attirant deux corps de valence différente, le couple s'installa dans une passion dévoratrice de tous les sens au point de faire de ce couple le centre de l'intrigue romanesque. du reste, la figure de Seydou, viendra hanter tous les amants de Dendo dans sa dérive des moeurs plus loin dans le parcours de son itinéraire.
Dendo et Seydou s'installèrent alors en ménage après une demande en bonne et due forme de la main de sa dulcinée. Ce qui scella les deux familles au-delà de deux individus.
Comme dans toute idylle, un grain de sable vint l'arrêter avec le drame de l'accident qui tua Seydou. Alors la trame ou touche policière du roman est introduite par une série d'hypothèses allant du crime politique, du meurtre passionnel, du sacrifice rituel.
Nous apprenons ainsi les pratiques culturelles comme la « diya » qui est une dette de sang contractée par celui qui verse le sang d'une autre personne ou donne la mort à ce dernier. le meurtrier de Seydou envoie des émissaires avec son économie qui devrait lui servir à faire le pèlerinage à la Mecque. Dendo refuse cette offre. Une analepse vient rappeler les liens de Seydou avec Kamis Ngambor. Ces lettres sont comme des intertextes dans le récit et installent une atmosphère d'intrigues qui font pencher le roman dans l'univers du polar africain.
Ensuite, le roman nous plonge dans la vie de Dendo qui finit par accepter sa situation de veuve. Elle essaie de continuer ses études mais la situation étant très difficile, elle finit par opter pour le commerce. Elle se trouve aussi contrainte de rencontrer des hommes et de fréquenter des milieux malsains. Elle rencontre ainsi Roxane qui devint sa meilleure amie. Mais cette dernière, qui changeait fréquemment d'amants finit par tomber sur un prince charmant suisse et elle s'exila définitivement avec lui en Suisse. Entre temps, Dendo décida d'explorer un autre univers, elle réussit à avoir un visa pour aller faire des achats en France. Elle se fait aider dans cette entreprise par un soupirant de Roxane, Orémus le Garrec, un diplomate français en poste au Tchad.
Finalement, le commerce de Dendo prospéra et elle faisait donc fréquemment le voyage de Paris. Cependant, lors d'un de ses voyages, elle fut arrêtée par le chef de la sécurité de l'aéroport de Ndjamena qui cherchait à abuser d'elle. Elle put esquiver le piège et finit par prendre le vol et rejoignit Paris où l'attendait Freddy, son homme de confiance qui l'aidait à acheter les marchandises. Elle fut contactée par Roxane qui la fit venir en Suisse où elle se retrouva au Solstice, un chalet alpin, avec son amant Bastien. Ce dernier, sous le couvert d'un organisme de charité qui venait en aide aux enfants en Afrique, en Asie et en Amérique latine entretenait un trafic mafieux de drogue et de prostitution de luxe.
Après les fièvres des retrouvailles entre les deux amies, Dendo remarqua que Roxane vivait dans une bulle car elle se droguait pour oublier sa solitude et sa phobie des Noirs car Bastien lui faisait croire qu'elle était suivie par les hommes de main du réseau mafieux tchadien qu'elle avait trahi en s'exilant.
Des accélérations dignes d'un film policier
En fait, Bastien était vraiment tombé amoureux de Roxane et ne voulait pas la livrer à la mafia russe qui attendait impatiemment sa barbie noire. le roman prend dès ce moment des accélérations dignes d'un film policier avec le jeu de cache-cache de Bastien, des faiseurs de cosmonautes (russes). Finalement, Bastien décide de présenter Dendo, la
Mosso, à des riches hommes d'affaires, elle l'amène pour refaire sa garde robe. C'est sur ces entrefaites, qu'elle se confie à Judith, une vendeuse, qui lui fait des révélations sur la double vie de Bastien, des filles qu'il a déjà eues comme amantes, des Asiatiques, des Africaines, Roxane venait rallonger la longue liste. Judith finit par lui donner un portable pour la contacter en cas de danger. C'est finalement ce téléphone qui permit à Dendo d'alerter Judith qui finira par ameuter la police. Celle-ci viendra intervenir au Chalet Solstice et arrêtera Bastien et tout son groupe de trafiquants. Entre temps, Orémus le Garrec, en fin de mission à Ndjamena, décide de rejoindre Roxane après que Gamagar lui eut donné l'adresse du chalet Solstice en Suisse. C'est lui qui viendra en Suisse. L'ancien diplomate se rue sur place, va épier Roxane et se fait prendre par Bastien qui lui fera subir les pires tortures. Cet amour platonique d'Orémus est le déclic qui permet de dénouer l'intrigue du récit. Orémus est ensuite conduit à l'hôpital où il est soigné. Entre temps, Roxane sombre dans une profonde dépression après l'arrestation de Bastien. le récit se nourrit ainsi de la technique de récit du polar noir avec des situations inattendues, des accélérations, des suspens, des flash-back, des prolepses (anticipations) qui donnent au récit une truculence.
Ecrit dans une belle langue
On peut dire que l'ouvrage de Nétonon Noël Ndjékéry est écrit dans une belle langue avec des descriptions, des tournures de langue, des images, de l'humour, qui montrent que le romancier maitrise parfaitement toutes les techniques de dramatisation de son récit. L'imagination a une grande place aussi dans ce roman car les personnages qui gravitent depuis le début du roman se retrouvent au milieu ou à la fin du roman dans des situations qui permettent de dévider l'écheveau de l'énigme. Ainsi l'accident de Seydou avec son image dans la tête de Dendo, tel le fantôme du père de Chaïdana dans le célèbre roman de
Sony Labou Tansi1, ne connait aucune élucidation malgré les hypothèses données dans la diégèse.
On peut dire que
Mosso est un roman du suspense, du rire, du destin, du polar africain. A ce niveau, le roman innove dans une nouvelle forme de narration du roman africain.
Alain Joseph SISSAO
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