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EAN : 9782357071704
64 pages
La Fosse aux Ours (03/03/2022)
4.01/5   70 notes
Résumé :
Elle s'ennuie, pendant cet été torride, dans cette petite ville de Lorraine au bord de la Moselle.
" Le champ, notre terrain de jeu de tous les jours, nous attendait. Il séparait notre rangée de maisonnettes, toutes pareilles, toits pentus et jardinets étroits, du grand immeuble construit sur la ville d'à côté. Une barre, plus longue que haute, qui accueillait les familles algériennes."
La rencontre avec Saïd va bouleverser la vie de cette jeune fille... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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C'est le récit d'une enfant dans une petite ville de Lorraine au bord de la Moselle. Nous sommes dans les années soixante-dix. Sa famille est d'origine polonaise. Ici c'est l'industrie sidérurgique qui fait vivre les gens. On dit qu'on leur payait même le voyage pour les faire venir de Pologne lorsque la région commençait à manquer de main d'oeuvre.
Il y a des maisonnettes toutes pareilles dans cette cité ouvrière et un peu plus loin en face il y a cette grande barre d'immeuble qui domine le paysage. Et entre les deux, au milieu de rien comme un no man's land, une ligne de partage séparant deux zones frontalières, c'est un champ, une sorte de terrain vague ; c'est là qu'un jour, dans l'ennui d'un mois d'août torride, elle fait la connaissance d'un enfant de son âge, Saïd.
Saïd est algérien. Ici les Arabes, on ne les aime pas. La guerre d'Algérie est encore présente dans les mémoires. Même la famille de la petite fille ne les aime pas... Eux se disent de vrais Français, plus français qu'eux, les Arabes.
C'est dans cet univers raciste, d'un racisme ordinaire, que la petite fille grandit.
Mais elle s'en moque, elle, elle se moque des mots hostilrs des autres des siens, des quolibets, des insultes, elle le trouve sympa Saïd. Ils aiment jouer ensemble, dans les wagons de marchandise d'une usine désaffectée ou bien sur une vieille embarcation au bord de la Moselle, tout près de là...
Le temps d'un été torride, c'est le temps d'une amitié clandestine qui naît. Saïd lui parle de l'Algérie. Ils s'inventent des mondes, des paysages lointains qu'ils font revenir à eux dans leur jeu où ils invitent aussi des animaux exotiques. Quand ils regardent le ciel, ils ont même l'impression de retrouver encore un peu leurs compagnons de route dans la voilure des nuages...
Parfois un autre été, il est parti là-bas avec sa famille au bled, alors elle attend avec impatience son retour. Quand ils se retrouvent à la rentrée, leurs rêves sont demeurés intacts, celui de voyager un jour ensemble, celui de rendre le monde un peu meilleur grâce à eux.
Ce sont deux enfants qui découvrent la richesse d'être différents et rien que pour cela ils se ressemblent un peu. Dans ce récit à l'écriture emplie de douceur et de pudeur, ce sont deux mondes irréconciliables qui se confrontent : celui des adultes et celui des enfants.
La rencontre avec Saïd a bouleversé la vie de cette jeune fille polonaise. Elle ne savait peut-être pas encore qu'un jour plus tard, entrée dans le monde des adultes, elle aurait envie de nous raconter cette histoire pour faire revivre à sa manière, ces instants fugaces et fragiles de l'enfance.
M'est avis que la petite fille polonaise de l'histoire ressemble de très près à celle que fut l'autrice Fabienne Swiatly que je découvre ici pour la première fois.
Ce récit poignant raconté à hauteur d'enfant est une magnifique ode à l'altérité, à la différence. Une respiration indispensable.

LIVRE LU DANS LE CADRE DE LA SÉLECTION DU PRIX CEZAM 2023
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C'est la belle critique de mon ami Bernard, "berni_29" sur Babelio, du 26 févier dernier, qui m'a incité à lire ce bref roman ou cette longue nouvelle (d'à peine soixante pages) de Fabienne Swiatly et je lui en suis très reconnaissant, car il s'agit d'une perle littéraire.

Après mes dernières lectures relatives à un attentat manqué contre Hitler et les difficultés d'insertion professionnelle des jeunes vivant dans des grands centres urbains et à origine maghrébine, la lecture de "Saïd" s'est révélée particulièrement rafraîchissante, quand bien même si le récit aborde également les problèmes de coexistence entre communautés autochtones et celles sorties de l'immigration en France et que le lecteur aurait probablement préféré une autre fin.

Dans une petite ville de Lorraine, la narratrice, une gamine rouquine (voire la photo sur la couverture) dont on ignore le prénom, s'ennuie fermement, jusqu'à sa rencontre avec le gamin d'origine algérienne, qui lui a bien un prénom, celui du titre de l'histoire.

Pour "Carotte", comme on la surnomme, Saïd représente l'évasion d'une mère éternellement épuisée par le comportement problématique de ses frères jumeaux, qui "la font devenir chèvre" , et d'un père souvent absent et qui, lorsqu'il est à la maison, s'occupe davantage de sa voiture plutôt que du vélo de la petite.

Notre petite héroïne du coup rêve d'une Algérie avec ses palmiers, ses chameaux et charmeurs de serpents, qu'elle préfère de loin à la neige et le brouillard de la Pologne de sa mère, et qui, à l'école, se résumait à Auschwitz.

Avec Saïd, elle entreprend des expéditions le long de la Moselle et projette de réaliser un film intitulé "Amazonie" dans lequel des méchants hommes rivaliseraient avec des crocodiles, hippopotames et super-dangereux piranhas.

Lorsqu'elle elle est seule dans sa chambre, elle se voit à bord d'une superbe voiture de sport décapotable, comme Françoise Sagan.

Contemplant la triste réalité qui les entoure, le jeune couple imagine gentiment un monde qui ira mieux, grâce à eux.
Seulement cet univers-là est, hélas, encore fort loin, et entretemps...

L'auteure, Fabienne Swiatly, qui est née à Amnéville, entre Metz et Thionville, de mère Polonaise et de père Allemand, a parfaitement bien reconstitué son petit microcosme cosmopolite à la frontière de l'Allemagne et du Grand-Duché de Luxembourg. Une région qui me tient pour des raisons personnelles à coeur.

Le portrait que brosse l'auteure de sa petite héroïne est tout simplement merveilleux : une enfant charmante à l'imagination fascinante.

Je termine par citer un passage qui reflète parfaitement l'atmosphère de l'ensemble. "Tout le temps on parle et on parle comme des amoureux, même si c'est dangereux d'être des amoureux selon maman..."
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Chez cette petite fille d'origine polonaise, en Lorraine - comme partout ailleurs à cette époque -, on ne se mélange pas avec les 'Arabes'. Même si les parents sont immigrés, eux aussi, on est beaucoup plus Français, on est blancs, chrétiens...
Il faut dire que dans les années 1970, la guerre d'Algérie continue de marquer les esprits. On a alors tous un père, un frère, un oncle, un cousin qui l'a "faite", de gré ou de force, en tant qu'appelé. Pendant, il n'était pas question de guerre mais de 'maintien de l'ordre' ; après, on n'en parlait guère...
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Cet été, la fillette est seule, elle s'ennuie tandis que tous ses camarades de classe sont partis en vacances. Alors elle sympathise avec Saïd. Ils sont enfants, puis pré-adolescents, c'est un premier amour qui ne dit pas son nom, mais le coeur palpite...
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Ce roman minimaliste a le format d'une nouvelle (60 pages). Il m'a fait penser à 'Du vent dans mes mollets' de Raphaële Moussafir, l'espièglerie et l'énergie en moins.
On se traîne entre les pages, on s'y ennuie un peu et on déprime, comme pendant des grandes vacances monotones.
Une belle image : la maman qui donne des gâteaux "aussi pour la famille".
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Question, pour ceux qui ont lu cet ouvrage.
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Lu dans le cadre du prix Cézam 2023.
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Dans ce sobre récit à la première personne, la narratrice revient sur son amitié avec Saïd, l'un des Arabes de la cité d'à côté, le temps de quelques étés.

Nous sommes en Lorraine, à la fin des années 70, dans une zone pavillonnaire populaire et ouvrière, en bord de Moselle. le terrain de jeu de la jeune fille rousse au nom polonais, c'est « le champ », zone partagée entre les enfants « français » d'un coté, et les Arabes, les « bicots », les « crouilles » de l'autre. Les enfants ne se mélangent pas et ont intériorisé le racisme ambiant des parents et des autres adultes, post guerre d'Algérie.

Dans ce contexte hostile, la jeune fille fait connaissance avec Saïd, en plein mois d'août, alors que les deux se retrouvent désoeuvrés, les copains étant partis en vacances. Quelques passes de ballon se transforment très vite en une belle amitié clandestine, loin du regard des autres et surtout de ses deux demi-frères jumeaux, turbulents et violents. La petite rouquine se met à rêver d'Algérie, de sable et de désert, de chameaux et de thé, images inventées par son imagination, qu'elle se crée à partir des publicités, des films et des contes orientaux.

Un jour, au petit-déjeuner, la photo de Saïd est dans le journal. Son père lui demande si c'est bien « son Arabe ». C'est bien lui, il s'appelle Saïd. Et un caillou dans la gorge l'empêche dès lors de parler.

Un très court texte, qui se lit en quelques instants, mais qui résonne longtemps en nous. Une belle histoire qui sonne terriblement vrai, racontée à hauteur d'enfant et qui sait capter une époque et son atmosphère et nous rend compte des émotions de la jeune fille avec justesse et nostalgie.

Je découvre la plume de Fabienne Swiatly avec ce texte. Je pense lire rapidement « Boire et plus » également publié à La fosse aux ours.

Lisez-le, une fois, deux fois, trois fois. Un moment de poésie et d'humanité ne se refuse pas !

Sélection prix Cezam 2023.
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Ce court récit autobiographique de 70 pages nous raconte dans un langage simple l'histoire mélancolique de la rencontre entre deux enfants d'immigrés, la narratrice d'origine polonaise et le jeune algérien Saïd. Ils habitent le même quartier d'une petite ville en Lorraine, sont plus ou moins voisins, mais ne se seraient jamais rencontrés si, en été, leurs copains respectifs n'avaient pas déserté les lieux pour aller en vacances. C'est ainsi qu'ils ont commencé à jouer ensemble, en communiquant par signes, car aucun ne comprenait la langue de l'autre. Pourtant, une entente de prime abord jugée improbable entre cette petite polonaise rousse pâle et frêle et le petit algérien basané et aux cheveux noirs et crépus ne tarda pas à devenir une tendre complicité, puis un amour toujours chaste, le tout à l'insu des parents respectifs, qui n'auraient jamais autorisé cette amitié. Jusqu'au jour où…mais je ne veux pas en divulguer davantage.

Ce petit récit est une ode à l'entente entre les peuples. Il montre, par un exemple simple, qu'une telle entente est possible et il prend une importance particulière dans ces temps difficiles où le racisme est plus virulent que jamais.
Un joli petit livre à découvrir.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
L'Algérie. Ils en parlaient peu. Ils la nommaient peu. L'Algérie, c'était là-bas. C'était avant. L'ailleurs qui se résumait à la photo du cousin, jeune appelé parti presque deux ans dans un bled en Afrique du Nord. (...)
Pas un mot, pas un souvenir pour agrandir l'image. (...) Le cousin s'était fait photographier dans un bled et je croyais que bled c'était le nom du lieu.
Parfois il était dit à la fin d'un repas dominical, quand l'alcool déverrouillait la parole, que le cousin avait eu de la chance d'en être revenu : 'C'est que ça vous tranchait la gorge ces types-là... Et les couilles aussi...'
(p. 9-10)
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La Pologne était une terre éternellement sombre et gelée, une terre dure que mon grand-père avait quittée pour venir travailler dans les mines de fer. L'industrie française avait alors besoin de main-d'oeuvre, tant de jeunes gens morts et ensevelis dans les terres boueuses de l'Ardenne. (...)
Cracovie - Berlin - Metz. L'industrie payait le voyage à toute la famille, ça, mon père le racontait souvent, n'en revenant pas qu'une usine puisse offrir le train à des pauvres, des étrangers de surcroît.
(p. 14)
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Ce serait l'Amazonie, il y aurait des crocodiles et des hippopotames. On serait des explorateurs poursuivis par des méchants. On pêcherait du poisson pour vivre. Puis il y aurait une tempête avec du courant très fort. Le bateau tanguerait, il faut s'accrocher au bord. Ne pas tomber dans l'eau à cause des piranhas qui vous dévore en cinq minutes, reste plus que les os. On s'invente des histoires qui ressemblent au film du dimanche soir.
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Ma mère, quand elle se rendait au Prisunic de la ville d'à côté, longeait la barre d'immeuble, tête haute, défiant par son port rapide les hommes qui s'installaient dehors dès que le temps le permettait. Pas un regard vers eux mais, moi, je cherchais tous les détails, toutes les différences visibles, car ils étaient la preuve vivante que d'autres pays existaient, que le monde était grand et surtout qu'il était différent au pays d'ici.
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Plus tard on voyagera l'un avec l'autre. On aidera les pauvres et on soignera les éléphants. On imagine un monde qui ira mieux grâce à nous.
On dirait que...
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Videos de Fabienne Swiatly (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Fabienne Swiatly
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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