A Safi, la jeunesse masculine se divise principalement en deux. Les Homo Islamicus d'un côté, et les Égarés de l'autre. Ce qui change est le rapport plus ou moins assidu à la religion.
Se trouver entre ses deux bandes n'a rien de facile. Utiliser le minaret pour déclamer des poèmes n'a rien d'une bonne idée. Ça coûte un cassage de gueule en règle à ce pauvre poète de Moncef.
On rembobine pour retracer la brève vie de Moncef, lui «
Le poète de Safi », racontée avec drôlerie par
Mohamed Nedali. Sa description de la société marocaine est pleine de coups de griffes.
On voit surtout Moncef et ses deux amis se cogner contre les murs d'une réalité sociale qui ne propose rien à sa jeunesse, et ne veut pas d'eux. D'autant plus s'ils sont poètes, ou même simplement différents. C'est un portrait parfois drôle, voire moqueur, et surtout sombre que dessine M. Nedali. A Safi comme ailleurs rêver est à peu près tout ce qui reste aux gens ordinaires qui ont envie de s'échapper de leur univers, du chemin tracé à l'avance par un déterminisme aussi tenace que buté.
« Peuple borné, peuple ignare,
Réveille-toi !
Sors de ta léthargie !
Reviens à la vie !
Renais au monde ! »
On retrouve ensuite Moncef au commissariat, en garde à vue, lui le blessé, le tabassé. La suite du portrait vire carrément au noir. Corruption, radicalisation, enfermement commencent à résonner autour de ce pauvre poète. Et surtout, le discours des policiers fait penser aux dystopies comme « 1984 » ou « Fahrenheit 451 ». L'état et surtout la religion répondent à l'ensemble des problèmes quotidiens, s'élever contre est à la fois une hérésie et un non-sens.
le huis-clos de la déposition, quand Moncef est interrogé par deux policiers, surnommés Hercule et Raffarin par l'auteur, est un beau mélange d'humour, de politique, de poésie, de bêtise, et d'éloge de la libre pensée. On se demande quand même comment cela va se terminer.
le roman n'a de cesse de balancer entre l'humour, l'ironie, et la noirceur sociale. Les amateurs d'enquête peuvent passer leur chemin. Il y a bien un crime mais pas de victime, hormis Moncef. Très vite se pose la question de son devenir immédiat,
Mohamed Nedali maintient un certain suspense jusqu'aux toutes dernières pages, tout en décochant des flèches bien acérées n'épargnant personne.