« Sabina pensa qu'elle avait dû s'égarer quelque part entre ses inventions, ses histoires, ses caprices et son être véritable. Les frontières s'étaient effacées, les sentiers avaient disparu, elle marchait au hasard dans un univers chaotique. »
Plus j'y pense et plus je me dis que j'ai beaucoup aimé cette écriture, plus encore que l'histoire qui pourtant est touchante. Mais
Anaïs Nin a une écriture spéciale, les mots sont poétiques et sa manière de relater des évènements est particulière. J'ai été à me demander si la narratrice était perdue dans un songe. Et après ces quelques pages, je pense que c'est une volonté de montrer que les différentes étapes de son cheminement, relatées de manière si imbriquée, forment un tout qui constitue une femme pour
Anaïs Nin. Une femme dont on découvre qu'elle est pleine de facettes et qu'elle ne peut être elle-même que lorsqu'elle est libre de montrer l'intégralité d'elle (de ses envies, de ses désirs, de ses blessures), des côtés qui ne sont habituellement visibles que par l'un ou l'autre des hommes qu'elle rencontre. Elle ne montre qu'un aspect d'elle à chaque fois. Je me pose juste la question de savoir si un homme voudrait voir toutes les facettes de Sabina. Est-ce un réel choix de sa part ou répond-elle à ce que l'autre attend ? Mais elle est consciente du fait que les hommes ne voient qu'une part d'elle et se morfond dans un doute, une culpabilité vis-à-vis de chacun d'eux. Comme si elle leur cachait une partie de la vérité, une partie d'elle. Sa conscience la taraude constamment. Et puis heureusement, il y a les amis... et leurs bons conseils à prendre à dose homéopathique.
« Mais Sabina, excitée par les rayons de lune, sentit bientôt naître en elle le pouvoir d'étirer le temps, de le ramifier dans des myriades de vies et d'amours, d'allonger le chemin jusqu'à l'infini en d'innombrables détours qui étaient comme les dépositaires d'innombrables désirs. Les rayons de lune avaient fécondé en elle les semences de multiples femmes parce qu'ils étaient fils de cette nuit sans limites dont nous n'avons conscience que dans les songes. La nuit a des racines qui plongent jusqu'aux richesses du passé, afin de les mettre au présent et de les projeter dans le futur. »