Paolo Nori, écrivain italien , spécialiste de littérature russe,nous parle avec franchise et simplicité de son expérience
Dostoievski , qui débute à l'adolescence avec son premier roman russe lu “
Crime et Chatiment”. À vrai dire c'était aussi mon premier russe, toujours à l'adolescence, avec les mêmes ressentis, « Ce livre, comme les livres mémorables que j'ai rencontrés dans ma vie, a fait de chaque moment parmi les innombrables moments que j'ai passés au cours des quelque cinquante-six années que j'ai vécu dans le monde, un moment inoubliable, un moment dans lequel j'ai eu conscience du fait que j'étais au monde pendant un instant lorsque j'ai senti le sang palpiter dans mes veines ». À quinze ans il tombe sous le coup de la question que se pose Raskolnikov, : « Mais moi, suis-je comme un insecte ou suis-je comme Napoléon ?" , du coup il se pose la même question qui ouvrira une plaie béante dans son âme et esprit, une plaie qui saigne encore à ses cinquante six ans.
Le sujet principal de ce livre semble être
Dostoïevski , mais ne l'est pas vraiment . Ce n'est pas la biographie d'un écrivain célèbre, plutôt presque un roman de formation, dont le protagoniste n'est pas exactement
Dostoïevski, mais un homme qui, quand il était enfant, est devenu adulte en lisant
Dostoïevski et pas seulement. Et là on a une toute autre histoire où on lit Nori comme un ami qui nous ferait des confidences ,« J'ai lu
Crime et Châtiment alors que j'avais peut-être quinze ans, quarante-et-un ans se sont écoulés et, de ce moment où j'ai rencontré
Crime et Châtiment , je me souviens de tout ; je me souviens de la pièce où j'étais, ma petite chambre au dernier étage de notre petite maison de campagne, je me souviens comment j'en étais tout retourné, je me souviens de l'heure de la journée, je me souviens de l'étonnement de ce que je vivais, je me souviens que je me demandais dans ma tête "Et moi ?” ». Nori est stupéfait du fait qu'il s'identifie facilement aux personnages de Dosto bien qu'ils sont à des années lumières de lui et commettent des actes que théoriquement auxquels il ne pourrait jamais s'identifier , comme penser tuer une usurière 😊. “Qui sait pourquoi ?” dit-il En faites c'est tout le miracle de sa littérature qui élimine naturellement la distance entre le sujet ( le lecteur) et l'objet ( l'auteur), et qui le rend si familier. Impossible aussi d'échapper au côté sombre de Dosto, pas très reluisant 😵💫,qui finalement pose simplement la question du bien et du mal présent dans chacun de nous . Lui qui se présentait comme un homme merveilleux , son humanité était malheureusement seulement mentale et littéraire.
Nori s'y éclate non seulement avec une plongée dans la vie et l'oeuvre du grand écrivain russe mais aussi dans celles d'autres écrivains russes de son temps comme
Pouchkine,
Gogol, à travers des anecdotes croustillantes, tantôt ironiques, tantôt tragiques . J'apprends que le russe fut d'abord une langue parlée avant d'être écrit, et l'alphabet russe n'apparu qu'au IX iéme siècle , et que jusqu'au XVIII eme siècle, ce dernier inclus, la Littérature russe était pratiquement inexistante, tout simplement parce que la classe cultivée ne parlait pas russe mais français; le peu qui existait alors était une littérature imitative du modèle français. Étonnamment pour un russe écrire un roman à l'époque était une activité exotique , personne ne voulait être un écrivain russe car il n'y avait pratiquement pas d'écrivains russes, aucuns modèles à imiter' , ce n'est qu'au siècle suivant qu'apparaîtront les grands auteurs .
Pouchkine en en parlera dans une note intéressante publiée en 1824, intitulée « Sur les causes du cheminement lent de notre Littérature » dont Nori nous en rapporte ici les principales lignes .
Finaliste du grand prix littéraire italien Campiello, ce livre inclassable vient d'être traduit en français, et le conseille à toutes les curieuses et curieux. le style de Nori est particulier, il semble souvent s'amuser avec nous avec une pose très simple avec ses suppositions, ses confidences, ses questions et son ironie le mêlant à un contexte érudit . Mais à mon avis il est très sérieux 😁, un sérieux doté d'une grande humilité , donc je serais curieuse d'avoir vos opinions. Pour moi c'était un délice de lecture , il pourrait aussi bien être le vôtre 😊. Pour terminer, suis navrée pour
Nabokov, qui a relu maintes fois
Crime et Châtiment , son obsession montre bien qu'il était loin de le trouver médiocre , je dirais même qu'il lui vouait une haine passionnelle 😊, perso je pense que Dosto est génial !
“Sono pessimista ma me ne dimentico sempre”
Je suis pessimiste mais je l'oublie toujours 😊