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sur 28799 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
On cite souvent 1984 et Big Brother à chaque fois que des nouvelles caméras de surveillance sont installées. J'ai l'impression que c'est la seule chose qu'on ait retenu de ce roman : la surveillance constante.

Pourtant, 1984, c'est beaucoup plus que ça : c'est un condensé de toutes les méthodes qui existent aux quatre coins du globe pour cadenasser la pensée, mise en place à la perfection : la peur constante de la délation, y compris venant de sa propre famille ; la capacité des foules à absorber n'importe quel mensonge pourvu qu'on le lui répète assez longtemps ; la falsification des faits historiques ; l'appauvrissement de la langue pour rendre impossible la formulation de certaines pensées ; la création d'un ennemi commun à haïr ; et la liste peut être encore longue.

La lecture du roman est dure, on sent que le système est parfait, implacable, que les petites victoires de Winston sont trop simples, trop faciles, et que ça va mal tourner. Et en effet, le petit grain de sable ne grippe pas la machine, mais est renvoyé fermement à sa plage.

Un livre vraiment marquant, et que je ne suis pas prêt d'oublier.
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Nombreux sont ceux qui ont entendu au moins une fois dans leur vie le nom de Big Brother. Trop nombreux restent ceux qui le confondent avec une espèce d'ordinateur gigantesque qui traque l'intimité de tout un chacun dans un futur à vrai dire si peu lointain que, pour nous, il est déjà du passé : 1984.

En réalité, Big Brother serait un dictateur issu du Parti socialiste anglais - le Labour de Tony Blair - et dont le physique (grosse moustache noire, yeux noirs, visage inexpressif, solidité terrible de l'ensemble) évoquerait plus ou moins Staline. Si j'utilise le conditionnel, c'est parce que, bien que sa photo et son effigie soient omniprésentes partout en Océania, Big Brother pourrait aussi bien (on s'en rend compte à la fin du roman) n'être qu'une création fantômatique destinée par des gouvernants invisibles à focaliser la ferveur patriotique des Océaniens.

Au delà de l'ambiguïté des régimes totalitaires connus et enregistrés au XXème siècle - tout particulièrement le nazisme et le stalinisme, seuls cités par Orwell - "1984" passe à la vitesse supérieure et dépeint un totalitarisme qui, si l'on ose dire, touche à une perfection de fin du monde.

En Océania, il n'y a ni camps de concentration, ni goulags et on ne peut pas parler vraiment de théories racistes. L'ennemi eurasien, par exemple, a certes des traits asiatiques. Mais du jour au lendemain, cet ennemi redevient un allié pur et dur ; mieux : on affirme haut et fort que jamais, au grand jamais, il n'a jamais été l'ennemi de l'Océania. L'ennemi, ce sont les Estasiens - lesquels sont de type européen.

La lutte des classes n'est pas non plus à l'ordre du jour. La société se répartit en trois groupes : le Parti intérieur (la nomenklatura), le Parti extérieur (une sous-nomenklatura) et les Prolétaires (le tout-venant). Aristocratie, bourgeoisie, capitalisme même ... Ces mots ont de moins en moins de sens. le Parti réécrit sans cesse l'Histoire de façon à effacer tout ce qui l'a précédé - le fameux virage à 180° est ici institutionnalisé.

Tous ceux qui tentent de résister finissent "vaporisés" - l'humour noir anglais selon Orwell.

Et lorsque l'ancilangue aura cédé le pas à la novlangue, il n'y aura plus personne pour se rappeler de ce que signifiaient des mots comme "mauvais", "optimiste", etc ... Toute la complexité, toute la richesse du langage - et des idées - seront noyées sous des flots de mots outrancièrement simplificateurs. Ce qui ne sera pas bon sera "inbon", ce qui sera meilleur deviendra "plusbon", les adjectifs pourront servir de verbes, l'ordre des mots deviendra d'ailleurs interchangeable ...

(Je ne sais pas pour vous, mais moi, ça me fait penser aux technocrates de l'Education Nationale française, avec leurs "espaces transparents", leurs "inappétents scolaires" et leurs "référentiels bondissants aléatoires" ...)

Avec une puissance incroyable et une amertume glacée qui forcent toutes deux l'admiration, George Orwell préfigure le comble de la société totalitaire mais non égalitaire : le nivellement de la pensée par le bas et, partant, la mise en coupe réglée des masses, populaires ou non. Si le sexe est maintenu, le romancier anglais, avec une lucidité terrible, prévoit que cette fonction ne servira qu'à assurer la survie de l'espèce et que, surtout, il ne sera pas question d'assurer le plaisir à la femme ...

Bien entendu, la démonstration d'Orwell, pour être efficace, ne pouvait se satisfaire de héros combattifs. Peut-être Julia, la maîtresse de Winston Smith, l'est-elle un peu plus. Mais si peu ... Et elle aussi finit par trahir - par se trahir. En bref, tous deux sont des victimes, des moutons prêts pour le sacrifice et qui donnent parfois l'impression d'y courir avec une sombre délectation.

C'est là que le bât me blesse un peu, je l'avoue. Dans une superbe crise de désespoir littéraire - la plus achevée que j'aie jamais lue - Orwell nie le facteur humain alors que, curieusement, la société océanienne ne remet pas en cause la possibilité de l'existence d'un Dieu, très loin, quelque part. Orwell nie aussi le grain de sable, cet affreux et génial petit grain de sable qui finit toujours par venir à bout des mécaniques les plus subtiles et les plus démoniaques.

Or, je sais que les grains de sable existent, j'en ai la preuve. Tandis que Dieu ... Si l'on nie les premiers, il faut nier le second. Sinon, on se retrouve dans la position du croyant qui se refuse à entériner l'existence du Mal ...

N'empêche, surtout au jour d'aujourd'hui, après le Viêt-nam, après le Cambodge, après les Talibans et avec les fous religieux de toutes sortes, sans oublier les adorateurs planétaires du Veau d'Or, il faut lire "1984." Un homme averti en vaudra toujours deux.

Si George Orwell n'y avait pas cru, jamais il n'aurait écrit "1984", vous ne croyez pas ? ;o)
Commenter  J’apprécie          2005
Big Brother ....

1984 est un des textes de science-fiction les plus connus .

Quand je vois son succès , je me demande pourquoi d'autres textes de science -fiction sont injustement méconnus alors qu'ils sont loin d'être d'une qualité moindre que 1984 .
Les textes de T. J. BASS par exemple .....

Ces textes méconnus du grand public auraient au moins l'intérêt de permettre au grand public de découvrir une littérature de qualité .
Une littérature prospectiviste à la volonté prophylactique dans certains cas , mais aussi évidement , des textes qui souvent s'élèvent simplement contre le péril déjà en la demeure , comme c'est le cas pour 1984 , qui dénonce la montée des totalitarismes européens qui s'est fait pendant l'entre-deux guerres et qui fut publié en 1949 .

Ce qui fut visionnaire , c'est qu' à cette date Orwell , postulait avec raison , la guerre froide et le péril de la guerre nucléaire de grande ampleur entre les blocs naissants à cette époque . Ce péril nucléaire fut une réalité qui culmina spectaculairement en 1962 pour décroitre progressivement jusque la fin des années 80 avec l'ouverture de la Glasnost russe . Cette épée de Damoclès a d'ailleurs littéralement façonné la science-fiction de l'après-guerre , jusqu'aux années soixante-dix .

1984 est une oeuvre de science-fiction exemplaire parce que bien qu'étant un roman à thèse , un très grand soin est apporté par l'auteur à la mise en place de l'univers , qui contribue donc de façon éloquente et active aux divers développements des thèmes traités (le totalitarisme , l' endoctrinement et la manipulation des masses principalement ) .

L'Angleterre de cette fiction sort ravagée en profondeur d'une guerre nucléaire avec l'est , la guerre continuera , reprendra , alors qu''un état scientifiquement totalitaire s'efforce d'actionner un contrôle de chaque instant sur ces populations dont même l'esprit est façonné activement par ce régime .

L'auteur a disséqué magistralement le totalitarisme invasif et conquérant qui avait ravagé le monde de son temps et qui par la guerre froide menaçait encore de le détruire radicalement .
Ces thèmes parlaient éloquemment à un public qui était encore au plus près de ces problématiques de façons intimes mais l'auteur a eu le chic de d'ajouter dans la trame narrative le sel de certains éléments aussi spectaculaires , que à haute valeur affective , pour l'Angleterre .

Des éléments qui sont au coeur de l'univers : L'ombre d'Hiroshima premier recours à l'arme nucléaire , plane sur la fondation de cet univers , la bataille d'Angleterre ( qui inspire les formes du conflit) aussi , et surtout , le Blitz également , qui lui a ravagé spectaculairement et spécifiquement Londres et y a causé la mort de dizaines de milliers de personnes ( massivement des civils ) .

Les thèmes du roman font froid dans le dos , car nous savons qu'ils furent mis en oeuvre efficacement pour détruire concrètement la vie de nombreuses personnes ( avant et après la parution de ce texte ) : le contrôle social , la stratégie du bouc émissaire et celle de la haine organisée de groupes sociaux bouc émissaires , la propagande , les atteintes à l'esprit des administrés par le façonnage du langage et par là même , celui de la pensée .

La caractérisation , le rythme sont au top . L'intrigue est parfaitement soignée souvent elle est surprenante . Ce bouquin est poignant , avenant , très soignée et surtout à aucun moment la thèse ne prend le pas sur fond romanesque . En fait c'est plus compliqué la thèse est magistralement animée et elle est de ce fait au coeur du texte . Elle est nichée , diluée , fondue , dans les moindres détails et dans des formulations chocs incontournables .

Et c'est pour cette raison aussi que 1984 est un excellent roman de science-fiction , mais qu'il est aussi un excellent roman tout court .
Un texte éloquent , vivant et touchant qui est à lire absolument .

D'autres textes dystopiques de cette époque et d'après sont aussi à découvrir , ces textes sont assez nombreux et beaucoup sont excellentissimes .
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Voilà, j'ai enfin lu ce livre qui prenait la poussière dans le fin fond de ma bibliothèque, acheté d'occase à la fin des années 80, une soixantaine de pages lues puis abandonné.

Et là, j'ai adoré...

Sans doute, la première lecture a trop souffert du parallèle avec le film “Brazil” de Terry Gilliam pour lequel je voue une admiration sans borne (rien que d'y penser me mets dans un état nirvanesque). Mais la vision est assez différente, le cynisme ne se situe pas au même plan et l'objectif n'est pas le même.

Dans ce roman, l'action, l'aventure n'est pas au centre de l'histoire, elle n'est que le support, et le point de vue n'est pas du tout kafkaïen, les condamnations n'ont rien d'absurdes, au contraire, et c'est bien ce qui est glaçant ici. C'est avant tout un roman de politique fiction, le sujet du roman, c'est bien l'anihilation de la pensée autonome, la description du totalitarisme, ses moyens de mise en oeuvre par une culture de l'ignorance, rabotée, lissée, réduite au strict nécessaire. Ici le terme de Dystopie par opposition à l'Utopie y prend toute son ampleur, elle n'est pas là pour mettre du piment à l'action comme dans les dystopies actuelles pour ados (le labyrinthe de Dashner, Divergente, Hunger Games...) mais bien au contraire, décrite comme envisageable. C'est un roman qui paraît presque réaliste, on ne peut s'empêche de penser à Hitler, Staline, la révolution culturelle en Chine, Pol Pot, et actuellement Kim Jong-un, au point de se demander s'il n'a pas servi de modèle à l'un d'entre eux.
La description de ce régime totalitaire est très approfondie, chaque direction prise par le régime est froidement justifiée, la guerre, la pénurie... Et c'est un roman qui donne quelques clés sur certain moyens utilisées en politique de nos jours et c'est à se niveau que se situe son cynisme. le livre fini par nous happer totalement, nous angoisser, non pas par empathie pour le héros, on sait très vite que ça finira mal, mais par la noirceur réaliste de l'humanité représentée.

À noter que les ventes de 1984 au Etats-Unis remontent en flèche depuis l'élection de Donald Trump et les rapprochements entre les “Faits alternatifs” de sa conseillère et la novlangue du roman fleurissent chez les journalistes et les réseaux sociaux. Notre Marine le Pen nationale, avec par exemple son « UMPS » est aussi une adepte de la novlangue.

Ce qui fait de ce livre un incontournable, c'est son intemporalité, c'est un livre terrible dans tous les sens du terme.
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N'étant pas fan de science-fiction, je n'avais pas encore lu ce grand classique signé George Orwell et j'ai eu grand tort car « 1984 » est une dystopie tellement visionnaire que ce texte datant de 1948 fait froid dans le dos, tellement on y retrouve des éléments de notre quotidien.

Alors, certes, George Orwell y décrit un régime totalitaire proche d'une perfection que l'on espère utopique, mais les ingrédients que l'on y retrouve sont d'un réalisme assez effrayant. du contrôle des médias à la destruction de la pensée autonome, en passant par le contrôle social, l'appauvrissement de la langue, la surveillance constante, l'entretien d'un climat de peur et de haine, la création d'un ennemi commun, l'endoctrinement et la manipulation des masses, « 1984 » donne parfois l'impression de placer le monde actuel devant un miroir…pas si déformant que ça.

À l'heure où des caméras de surveillance sont installées à chaque coin de rue, où l'Internet enregistre chacun de nos clics et où notre téléphone portable contient toute notre vie, le « Big Brother » imaginé par George Orwell il y a 75 ans semble presque prophétique. Et que dire de la nouvelle orthographe visant à simplifier la langue française, voire du langage SMS de nos jeunes, ne font-ils pas écho à ce « néoparler » de George Orwell visant à abrutir les foules et à les rendre incapables de formuler certaines pensées ? Quant à la capacité de faire gober un mensonge à une grande majorité de la population, je crois qu'avec Poetin et Trump nous en sommes déjà presque à la version 2.0 d'Orwell.

Et oui, on ne pourra pas dire que George Orwell ne nous avait pas prévenus !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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« Les meilleurs livres, pressentait-il, sont ceux qui vous disent ce que vous savez déjà. »

Ce que vous ne savez peut-être pas — je l'ai appris en tombant sur cette édition Agone sortie en 2021 — c'est que le livre le plus lu de votre bibliothèque, dont vous ne savez même plus si vous l'avez vraiment lu en entier, ou bien si vos souvenirs sont issus de la culture populaire, n'aurait pas jusqu'alors bénéficié de toutes les attentions éditoriales qu'il mérite.

En effet, la traduction référence chez Gallimard est restée la même durant plus de 60 ans, alors qu'elle comportait beaucoup d'erreurs, de contre-sens, et d'inexplicables coupes.
Et comme ce texte allait tomber dans le domaine public, Gallimard s'est finalement décidé, en 2018, d'en commander une nouvelle version à la traductrice de Philip Roth, Josée Kamoun.
Le résultat a été salué tout en laissant un goût d'inachevé à ceux qui, depuis longtemps déjà, tentaient de défendre un texte trop longtemps cantonné dans la case « roman populaire » — voire d' « oeuvre à proles », pour employer un peu de novlangue, que cette dernière traduction massacre inexplicablement en « néoparler » — négligeant la très grande profondeur, ainsi que l'insaisissabilité politique d'un texte qu'il est urgent de redécouvrir.

Mais il vaut mieux bien choisir sa traduction, car en plus des deux déjà mentionnées, six autres ont suivi ces trois dernières années. La page wikipédia consacré à 1984 les compare succinctement sur quelques mots emblématiques de novlangue, que Philippe Jaworski pour la version Pléiade des oeuvres d'Orwell s'échine à transcrire en « néoparle », lui qui nous a même francisé Big Brother… à l'heure où la nouvelle carte d'identité française adopte même l'anglais… curieux…

Une version semble déjà se démarquer du lot, nous venant d'une maison canadienne : les éditions de la rue Dorion, confiant en 2019 à Celia Izoard, journaliste (très) engagée et traductrice d'ouvrages critiques sur la technologie ( dont Chomsky et Howard Zinn ), le soin d'en livrer enfin une version de synthèse, la plus fidèle à ce texte trop souvent dévalué par nombre d'intellectuels.

Agone, à Marseille, a encore attendu deux années pour nous la rendre disponible en France, alors que son fondateur, Thierry Discepolo semble être à la base de ce projet trans-atlantique, lui qui en signe la passionnante et longue postface, scellant définitivement et de manière inter-objective le choix sur LA Version à lire et à posséder, rappelant que nous avons bien entre les mains un chef-d'oeuvre, confirmant que cette maison étiquetée à gauche sait dépasser les carcans idéologiques qui se resserrent de tout côté, illustrant cette pseudo-bascule théorétique amorcée par la « French Theory », d'où l'humanisme des Lumières n'y retrouvera plus ses petits :

« Cette “philosophie ordinaire“ est justement celle qu'attaqueront, à partir des années 1980, les penseurs raffinés de la tradition postmoderne pour qui, au bout du compte, le vrai et le faux dépendent de l'état des rapports de force sociaux (pour le dire comme Michel Foucault) ; et qu'il vaut mieux (comme le suggère Richard Rorty) remplacer l'objectivité (cette illusion dangereuse) par l'obtention du “plus grand accord intersubjectif possible“. Mais de telles conclusions, en rendant impossible toute distinction entre ce qui est vrai parce que conforme à des faits extérieurs et ce qui passe pour être vrai parce que produit d'un consensus social, rend impossible l'application du concept ordinaire de “vrai“. Ce qui est précisément le projet de l'inquiétant O'Brien. Sa conception de la vérité — n'est vrai que ce que les intellectuels à la tête du parti intérieur tiennent provisoirement pour vrai — fait ainsi de lui un philosophe post-moderne avant l'heure. Un constat qui remet en cause l'idée largement répandue que les seuls philosophies appropriées à la démocratie libérale sont des variations plus ou moins sophistiquées ou radicales du thème “à chacun sa vérité“. La lecture d'Orwell replace plutôt au coeur de la démocratie les conditions de possibilité d'une vérité objective extérieure à la société. » (extrait de la postface de T. Discepolo)

Car ce texte n'a pas pris une ride, et c'est à sa pluralité d'approches qu'on doit cette résistance au temps qui passe, comme si les idéologies ayant pris ombre de ce pointu manifeste s'étaient perclus de rides à son contact.
Le communisme stalinien est bien mort, mais ce serait rater quelques marches que d'y voir son unique cible, bien qu'elle semble évidente.
L'exemple du relativisme post-moderne a déjà été posé…. On pense bien-sûr à ces dictatures au contrôle ultra-technologique, la Chine en tête de proue, le « Land of Freedom » à la vigie, toujours prêt à faire le contraire de ce qu'il prétend, manufacture mondiale de la post-vérité…

Mais le texte d'Orwell pousse encore plus loin, jusqu'à l'absurde, plongeant le lecteur dans un bloc sombre et compact duquel il sortira un peu ce qu'il en veut, signe probant d'une véritable réussite.

Il évoque même ce signe troublant de notre modernité, faite de misère sexuelle de plus en plus affirmée, paradoxe que seule une modification civilisationnelle viendrait expliquer :
« Il ne s'agissait pas seulement de faire la chasse à l'instinct sexuel parce qu'il créait un monde à part, échappant au contrôle du parti. Surtout, la privation sexuelle produisait de l'hystérie, et cette hystérie pouvait avantageusement être transformée en ferveur belliciste et en culte des dirigeants. »
…même si c'est au religieux qu'incombe surtout cette tâche…

Le seul bémol vient sans doute de la non-prise en compte de l'entropie dans la perpétuation de ce système ; les limites à la croissance n'étaient pas encore passées par là…
Mais c'est oublier que ce livre, dystopie par excellence, est surtout un essai philosophique, camouflé de manière astucieuse et volontaire dans une science-fiction qui a su embrasser la catégorie la plus difficile pour passer à la postérité : la littérature populaire.
Car Orwell le disait si bien, par la bouche de son Winston Smith : « l'avenir appartenait aux proles ».

Livre plus qu'indispensable, d'où la meilleure version est aussi celle issue de maisons d'éditons réellement indépendantes, LVMH n'étant jamais loin de Lovagouv ou de Vérigouv…
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Avec le temps qui passe, ce chef d'oeuvre de l'anticipation est de plus en plus flippant. Ce qui était visionnaire il y a 40 ans est maintenant la norme, dans une perspective extrêmement pessimiste de l'évolution de notre monde. Primauté des enjeux économiques, avec les guerres comme buts et moyens, pour maintenir le peuple dans une dépendance débilitante, disparition des libertés, avec une exploitation incessante des données de surveillance, pour étouffer dans l'oeuf toute déviance.

Le plus choquant est peut-être le contrôle du langage que les élites s'appliquent à réduire à un minimum fonctionnel, interdisant à tout jamais la moindre velléité de réflexion, et sapant ainsi la dimension artistique et poétique de cet outil humain merveilleux.

Au coeur de cet univers cauchemardesque, Winston lutte, imaginant échapper au laminoir, avec une jeune femme qui partage ses illusions, et qui lui permet de vivre un amour inespéré (bien entendu, ces sentiments et les pratiques qui en découlent sont des crimes sévèrement punis).

C'est toujours aussi efficace, même si les raisons ne sont pas les mêmes en 2018, par rapport à une lecture dans les années 70.

Bien entendu pas question de lire la nouvelle version proposée, celle qui justement remanie la traduction, manoeuvre qui flaire la récupération de droits d'auteur, pour un ouvrage qui tombe dans le domaine public.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Amis dictateurs, chers tyrans, bien-aimés présidents élus à 99,98 %,

Vous aimez le pouvoir à la démesure ?
Vous rêvez de faire de votre peuple un grand peuple, d'être un grand de ce monde ? Vous rêvez d'être adulé par toute la nation, qu'elle vous vénère à tout jamais, maintenant et bien après votre mort ? Vous souhaitez peut-être être éternel ? C'est possible. On peut faire en sorte que la foule le croit. C'est facile.

Bien chers despotes, vos rêves ne sont peut être après tout que vénaux, vous rêvez simplement d'amasser richesse, fortune, bonnes grâces à la sueur des travailleurs. C'est bien normal. Un peuple reste un peuple. Ils n'ont qu'à se faire élire à 100 % ou 103 %.
Hélas, en ces temps modernes d'idées saugrenues comme la démocratie, la paix dans le monde, l'ONU, les gens espèrent participer au pouvoir, comme si celui-ci pouvait se partager alors qu'il vous va si bien Votre Majesté.
Il vous faut réduire à néant toute tentative de manifestation, étouffer dans l'oeuf tout essai d'une quelconque révolution, même l'idée d'un renversement politique ne doit jamais effleurer le moindre neurone d'un quelconque partisan.

Pour que le peuple ne revendique rien, il est nécessaire qu'il soit heureux. C'est de loin la meilleure solution. Et pour cela, Orwell prodigue d'excellents conseils.
Pour faire d'une masse d'hommes et de femmes une masse de prolétaires pleinement heureuse, il faut absolument bannir toute culture, toute réflexion, toute idéologie, tout soupçon d'intelligence. Ah qu'il est dommage que vos illustres prédécesseurs n'ont pas connus la télé réalité, les grandes chaînes télévisuelles ou radiophoniques qui vident l'esprit, ôtent la moindre lueur de vivacité et remplissent leur boite crânienne d'un vide abscons mais si gratifiant : pensez donc ! On ne pense plus ! Quel bonheur ! Je ne pense pas donc je suis !

Bannissez livres, musées, associations, unions, oeuvres d'art, musique, tout art … Tout ce qu'il vous plaira.

Une bonne guerre pour consolider les liens, pour ne pas se plaindre d'un manque de confort. Et une fausse bonne nouvelle fait croitre un élan d'ivresse. Imaginez qu'on annonce une victoire ! Un recul du nombre de cancéreux ou de tuberculeux. Même si on ignore le comment du pourquoi, entendre une bonne nouvelle donne un sentiment de cohésion nationale, tous unis pour la même cause, un élan patriotique. C'est comme les deux minutes de haine, mais si ! ce moment rituel de la journée où on s'en prend à un ennemi. On affiche sa photo et on le crie dessus, on l'invective, s'il tombait entre nos mains, à cet instant, on le tuerait de nos mains nues, sans vergogne, sans la moindre culpabilité. Qui est –il au fait cet ennemi ? Bof, qu'importe. L'important, c'est de se croire unis, tous ensemble, tous égaux, tous heureux.
Glorieux despotes, vous devez posséder l'Histoire ! L'inventer même et pouvoir la changer. Comme bon vous semble. Il est nécessaire de la changer pour gérer la servitude du peuple. 1984 vous dira comment y parvenir. Une bonne amnésie collective et personne ne se souviendra que vous avez augmenté les impôts ou tué femmes ou enfants. 1984 est comme un précieux livre de recettes du bien être du dictateur.
Pour bien faire, le peuple doit être docile mais cruel avec les traitres, qu'il les chasse eux même, les dénoncent, ou les livrent et les tuent – qu'importe. La justice est un vieux mot qui n'existe plus. Supprimé ! Brave novlangue. Une langue plus simple est indéniable pour contrôler le peuple.
En fait, biens chers Kaisers idolâtrés, tuer un ennemi du peuple aussi sommairement, cela ne grandira pas votre pouvoir. Affermir votre pouvoir serait de transformer l'ennemi en ami prolétaire. Quelle victoire dans ce cas ! Faire changer de camp un déséquilibré en un loyal membre du parti, un critique en un simple d'esprit ! 1984 décrit avec ingéniosité les mécanismes politiques et psychologiques du totalitarisme.
Enfin amis oppresseurs, je garde le meilleur pour la fin.
Big brother is watching you. Imaginez cher autocrate le pouvoir de surveiller à chaque instant, absolument tout le monde, où qu'il soit, tel qu'il soit. Quel inimaginable pouvoir de contrôle ! Tout enregistrer, tout voir, aucune liberté n'est permise. Là est la force !
Parti intérieur, police de la Pensée, ministère de la Vérité, de l'amour (ne vous fiez aucunement sur les noms, le nom de « ministère de la torture » serait plus judicieux) nombreux et immenses slogans placardés partout, même chez l'individu

" L'ignorance, c'est la force ",

systèmes de caméras et de télécrans perfectionnés, tortures légitimes, organisations formidables de répression ou de rééducation, tout un arsenal pour maitriser la pensée du peuple, pour instituer une pensée unique. Un monde de moutons, quel bonheur ! Quel progrès ! Une seule et unique pensée.
2 et 2 font 5 si le ministère de la Pensée le dit. le croire, le penser, et le voir. Tout est possible dans le plus parfait monde totalitaire, le votre,… le notre… ?
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Orwell était un visionnaire. Comment, à partir du stalinisme, Orwell a-t'il pu imaginer notre société actuelle ? Bien sûr, tout ne s'y retrouve pas. Mais l'essentiel y est déjà. La technologie ne cesse d'être à la solde du Pouvoir, afin d'accroître notre surveillance. Au point que l'on ne pense même plus à se révolter. On accepte absolument tout, même si l'on n'est pas d'accord. Les fichiers informatiques enregistrent nos moindres déplacements, nos moindres centres d'intérêt, nos moindres désirs, sans la plus petite tentative de rébellion de notre part. La déshumanisation s'accélère et n'étonne plus personne.
Je dirais bien qu'il faut lire ce livre absolument, mais dans quel but ? Puisque de toute façon, rien ne changera plus. Notre société est devenue "orwellienne" et tout le monde s'en fout. Ce monde m'écoeure !
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Ma première lecture de 1984 à la fin des années quatre-vingt, dans la très belle traduction d'Amélie Audiberti, a été un choc, un vrai, un uppercut littéraire comme on reçoit finalement peu dans une vie de lecteur.

Tout commence par la difficulté à appréhender le monde totalitaire d'inspiration stalinienne, dans lequel évolue le « héros » Winston Smith, quadragénaire valétudinaire affublé d'un ulcère variqueux, dont le métier est de réécrire ad nauseam le passé, qui se lance en secret dans l'écriture d'un journal intime, l'acte fondateur de sa rébellion contre le régime omnipotent qui règne sur l'Océanie.

Progressivement la magie romanesque opère, j'ai pris fait et cause pour le malheureux Winston, je lui ai pardonné une forme de lâcheté imputable au caractère inextricable de la situation d'un homme pris au piège de la machine totalitaire, j'ai été séduit par la finesse de sa compréhension du dessous des cartes.

Au coeur de l'obscurité d'un univers où règnent la misère et la peur surgit la lumière : Winston rencontre l'audacieuse Julia. L'acte d'amour, d'un érotisme étonnant, devient un acte de révolte contre le système, et avec Winston j'ai entrevu la possibilité d'une libération.



Deux déceptions allaient pourtant suivre la lecture du chef d'oeuvre de George Orwell.

La première, un peu enfantine, tenait à mon attente déçue de retrouver dans 1984 une forme de génie anticipatoire : l'époque avait tellement peu à voir avec l'horreur totalitaire décrite par l'auteur et le communisme, le vrai, semblait sur le point de s'écrouler.

La seconde eut lieu lors la lecture de « Nous », dystopie dénonçant le Léninisme écrite en 1920 par Eugène Zamiatine, qui contient plusieurs idées novatrices développées dans 1984.

Le célèbre télécran qui place chacun sous surveillance permanente, semble ainsi inspiré de l'idée lumineuse de Zamiatine : construire une ville absolument transparente, dont tous les bâtiments sont entièrement en verre, éradiquant toute possibilité d'intimité. le rôle crucial de Julia dans la tentative de rébellion de Winston évoque lui aussi d'une manière troublante le surgissement fondateur de la séduisante « I-330 » dans la tentative d'émancipation de « D-503 », le héros de « Nous ».

Lorsqu'une nouvelle traduction, signée Josée Kamoun, a été publiée en 2018, je n'ai pas résisté et j'ai relu le roman de George Orwell.

Une mise au point s'impose : écrit en 1948, deux ans avant la mort de l'auteur, 1984 est un roman à thèse qui utilise le genre dystopique afin de dénoncer toute l'horreur du stalinisme, un régime considéré, faut-il le rappeler, avec un regard étonnamment bienveillant par une majeure partie de l'intelligentsia française de l'époque.

Afin d'ouvrir les yeux de son lectorat sur l'impasse liberticide du communisme, Orwell pousse les curseurs à leur maximum, situe son intrigue dans un horizon qui, en réalité, importe peu (84 est l'inversion de 48), et si la trame narrative emprunte probablement à sa lecture du roman de Zamiatine, le génie orwellien est ailleurs. Il se situe dans la peinture extrêmement pointue de ce qu'est une dictature collectiviste : un régime dont l'objet est d'exercer une emprise complète sur les esprits, où chacun est constamment surveillé, où le passé est constamment réécrit car celui qui contrôle le passé, contrôle le présent et celui qui contrôle le présent contrôle l'avenir.

Le but ultime de la caste dirigeante du monde orwellien est d'anéantir toute éventualité de rébellion. La mise au point de la novlangue à laquelle l'auteur consacre une longue annexe et dont l'aboutissement est prévu en 2050 a ainsi pour objet de créer un langage interdisant la possibilité même de toute pensée hétérodoxe.

En supprimant les mots subversifs, en simplifiant syntaxe et grammaire, en « traduisant » les chefs d'oeuvre du passé (Shakespeare, Milton etc.), en inventant un nouveau champ lexical absolument conforme à la doctrine du parti, les apparatchiks orwelliens entendent tuer dans l'oeuf l'expression de toute idée « non conforme », et assujettir ad vitam aeternam la population.

Si Winston, né avant l'avènement de la novlangue est en mesure de penser « contre » le système, c'est à ses risques et périls dans la mesure où toute pensée inappropriée constitue un « crime de la pensée ». C'est d'ailleurs ce qui justifie sa terreur permanente d'être démasqué par la Police de la Pensée, notamment durant les célèbres deux minutes de la haine.

Relire 1984 trente plus tard est un choc qui tient moins à l'extrême noirceur du roman qu'à ce constat hallucinant : 1984 c'est MAINTENANT.

L'aspect le plus spectaculaire de réalisation de la « prédiction » orwellienne est évidemment l'émergence de la possibilité d'une surveillance constante de chacun par le biais du Big Data, cet amoncellement inouï de données personnelles collectées avec notre consentement par les GAFAM. « Big Google » a supplanté « Big Brother ». Pour la première fois de notre histoire, « quelqu'un » nous regarde, un ogre insatiable se nourrit de nos photos, de nos déplacements, de nos goûts, de nos comptes en banque, de nos échanges... Des caméras nous filment dans chaque centre-ville, tandis que des drones voltigent dans la nuit, et le « cloud », un mot sorti tout droit de la novlangue orwellienne, est devenu ce lieu improbable où sont stockées pour l'éternité des parcelles numérisées de nos vies.

« Big Brother is watching you » : le caractère sensationnel de la réalisation de la célèbre prophétie de 1984 ne doit pourtant pas occulter l'accomplissement d'autres prédictions plus insidieuses et plus inquiétantes encore.

Déculturation, relecture de l'histoire à l'aune des idéaux de l'époque, réécriture simplifiée et édulcorée de classiques de la littérature jeunesse, appauvrissement de la langue au profit de l'émergence du « globish », jargon universel qui évoque la novlangue, influence croissante des nouveaux censeurs de l'empire du politiquement correct, la liste des anticipations orwelliennes qui se réalisent sous nos yeux incrédules est infinie et s'allonge de jour en jour.

1984 est un cauchemar éveillé, un labyrinthe dont on ne sort pas indemne. Vous vous en rendrez compte un matin brumeux, lorsque les ricanements fielleux d'un humoriste « bien-pensant » vous feront songer aux deux minutes de la haine. Vous le réaliserez le jour où un proche vous reprochera votre goût prononcé pour la musique country, et que vous vous demanderez si cette appétence douteuse s'apparente à un crime de la pensée. Vous y penserez chaque fois qu'un drone dansera au-dessus de votre tête tel un faucon égaré dans le crépuscule rougeoyant du couvre-feu montmartrois.
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