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EAN : 9782710307099
256 pages
La Table ronde (23/01/1996)
4.19/5   13 notes
Résumé :
«C'est étrange, il me semble que les touristes qui regagnent leurs véhicules m'observent comme si, soudain, une veste recouvrait mes épaules, comme si mes galoches écrasaient encore les cailloux du chemin. Car si nous ne savons pas comment s'établit en nous le contact entre passé et présent, il n'en est pas moins vrai qu'un fluide imperceptible et puissant nous traverse parfois et que la proximité de cette atmosphère inhabituelle, insolite, fait tressaillir les autr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
J'ai lu une quantité de témoignages de ce type. L'Histoire est ce qu'elle est et ce drame s'est répété de camp en camp. Je tenais à lire ce livre car je connais le Struthof. Enfin, quand je dis que je le connais, j'ai pleinement conscience que ce que j'ai pu visiter n'est qu'un dixième du camp existant. Ceci dit, cela suffit pour comprendre l'horreur de la situation. Mais ici, les descriptions restent assez générales. Je pense qu'il y a une certaine volonté de l'auteur de montrer qu'un camp, qu'il se trouve en France, en Allemagne ou en Autriche, reste un camp, avec son lot de désolation, de misère, de tortures. Et en cela, on ne peut qu'adhérer bien entendu, surtout lorsque l'on sait que le narrateur a transité par plusieurs.

Quelque chose est frappant dans ce récit. Il n'est pas larmoyant comme beaucoup. Bien sûr, il raconte les brimades, les sévices, les tortures, la peur. Cependant, Boris Pahor ne s'apitoie pas sur son sort. D'ailleurs, il met souvent en relief les autres, ses camarades. Et dans toute cette noirceur, il arrive à nous faire partager le peu d'humanité qu'il pouvait rester en mettant en avant les aides rencontrées. Voilà qui n'est guère évident. Vu l'horreur de la chose, cela indique une prise de recul de l'auteur et une volonté d'aller de l'avant. Près d'une trentaine de nationalités se sont côtoyées dans ce camp de la mort. Des gens qui ne se connaissaient pas, qui ne parlaient pas la même langue mais qui ont puisé au tréfonds des maigres ressources qui leur restaient pour venir en aide aux plus faibles. Quelle belle leçon de courage !

Si vous voulez vous rendre compte de ce qu'il pouvait se passer dans ces lieux infernaux, je ne peux que vous conseiller de lire ce livre. Bien écrit, en toute simplicité et pudeur, il est à mettre entre toutes les mains.

Je remercie Babelio et les Éditions de la Table Ronde pour m'avoir offert cet ouvrage.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Quand Boris Pahor, slovène de Trieste, revient dans le camp du Struthoff où il a été déporté (qui sera suivi par Dachau et Dora) il se sent étranger, séparé des visiteurs qui, eux, n'ont pas connu les camps.
.... les regards des touristes ne pourront jamais (j'en ai l'intime conviction) se représenter l'abjection qui frappa notre foi en la dignité et en la liberté de l'homme. p 13 14

En même temps il éprouve une «modeste satisfaction» à leur vue, se disant que «les Vosges ne sont plus le domaine secret d'une mort solitaire et lente».
Mais il ne peut pas rester en la compagnie des touristes et du guide qui les accompagne. Il s'éloigne pour retrouver silence et solitude qui lui permettront d'évoquer et revoir les ombres que sont devenus ceux avec lesquels il a partagé ces années d'enfer.
«... d'une façon générale, il faut être seul avec soi-même, ou avec l'être aimé avec qui l'on ne fait qu'un, pour parler de la mort et de l'amour. Ni la mort ni l'amour ne supporte de témoins.» p 19


Lui qui nous dit :
"... nul panneau ne pourra jamais rendre l'état d'esprit de l'individu qui pense que son voisin a obtenu un demi-doigt de plus de liquide jaune dans son écuelle en fer. Certes, on pourrait représenter ses yeux et leur donner la fixité spéciale qu'engendre la faim. Mais on ne pourrait ressusciter l'inquiétude de la cavité buccale ni l'avidité obstinée de l'oesophage. Quelle photo pourrait donc montrer dans toutes ses nuances le combat invisible dans lequel, depuis longtemps, l'éducation a succombé face à la tyrannie sans limites de l'épithélium stomacal.» p 22-23
,
va en se retirant en lui-même pour revivre «parmi les ombres» qui le hantent atteindre le lecteur au coeur et dépasser le superficiel d'une visite touristique pour pénétrer en profondeur.
Ce livre va bien au-delà du simple témoignage. Boris Pahor nous entraîne dans les visions que font naître en lui son retour dans l'enceinte de ce camp et bien que sachant que nul ne pourra partager totalement l'enfer traversé par lui et ses compagnons, il nous bouleverse et ces moments de lecture douloureux et poignants resteront inoubliables.

Ce qui renforce notre empathie c'est aussi le décalage dans le temps qu'évoque l'auteur au coeur de son récit. Se sentant troublé par la proximité des visiteurs il nous dit :
«On dirait que je ne suis pas arrivé cet après-midi du monde extérieur mais que je les ai attendu ici, et pour moi comme pour tous les prisonniers, chaque information est une miette de vie réelle. C'est pourquoi je m'approche à nouveau pour entendre le guide.» 
p 215
Malgré la tentative de partage il reste à la fin cette ultime douleur de celui qui sait que la barrière semble infranchissable entre lui et tous ceux qui ont été séparés du monde des humains et les touristes que nous sommes tous :
"Je suis dans un cimetière silencieux dont j'ai été l'habitant, d'où je suis parti en congé et où je reviens maintenant. Je suis l'habitant de cette région et je n'ai rien de commun avec les gens qui sortent par la porte grillagée et qui, sous peu, détailleront les événements, partageront les heures et morcelleront les minutes. Ici se trouve le poste de garde d'un monde anéanti qui s'étend à perte de vue et qui ne peut rencontrer nulle part le monde des humains, qui n'a aucun point commun avec lui." p 219
La générosité, la douceur, la sérénité qui émane de Boris Pahor et sa foi en l'homme qu'il conserve envers et contre tout nous atteint profondément. Nul ne peut sortir indemne d'une telle lecture qui, à mon avis, est largement au niveau de «Si c'est un homme» de Primo Levi.
Merci aux Editions de la Table Ronde et à Babelio qui m'ont permis de découvrir cet auteur qui aura 100 ans cette année, dont je n'avais encore rien lu et que je vais continuer à découvrir.
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Revenant sur les lieux de son martyr français, l'auteur y cherche les mânes de ses camarades morts en déportation. La vie ayant repris ses droits, il raconte, pour retrouver les ombres zébrées qui furent, un jour, des hommes. Son travail d'interprète, d'infirmier, la mort si présente. Les corps malades, maigres, qui résistent. Les rencontres, parfois une sorte d'amitié, brève souvent, indispensable. le voyage à travers la mort pour la survie.
Sans colère ni pathos. Digne, il ne se met pas en avant, s'arrête sur les personnes qui l'ont aidé dans le camp, lui qui ne faisait pas de politique ni résistance ici, qui voulait rester humain, le plus possible.
La vie qui revient, qui n'abdique pas efface peu à peu les hommes ; ne restent d'eux que les os humiliés et les cendres. A nous de faire ce qu'il faut pour qu'ils ne disparaissent pas dans la nuit et le brouillard.
(Boris Pahor, 100 ans en 2013, a eu le triste privilège d'être interné, entre autre, dans le seul camp sur le sol français : Natzweiler-Struthof, dans les Vosges alsaciennes).
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Survivant des camps de concentration, l'écrivain slovène Boris Pahor, revient quelques quarante ans plus tard, comme en pélérinage, dans le camp de Natzweiler-Struthof. C'est l'occasion pour lui de "revivre" certains épisodes qu'il y a connus. La présence de touristes, avec lesquels il est en décalage, lui laisse des sentiments contradictoires. "Un malaise confus s'éveille en moi, une résistance due au fait que ces montagnes qui sont partie intégrante de notre monde intérieur sont maintenant ouvertes et mises à nu; à cette répugnance se mêle un sentiment de jalousie, non seulement parce que des yeux étrangers se promènent en ces lieux qui furent témoins de notre captivité anonyme mais parce que les regards des touristes ne pourront jamais (j'en ai l'intime convictionà se représenter l'abjection qui frappa notre foi en la dignité et en la liberté de l'homme. Mais en même temps, eh oui, venant d'on ne sait où, une mdoeste satisfaction, inattendue et un peu inopportune, s'insinue en moi, celle de savoir que les Vosges ne sont plus le domaine secret d'une mort solitaire et lente mais qu'elles attirent les foules nombreuses qui, bien que manquant d'imagination, n'en sont pas moins prêtes à compatir au destin incompréhensible de leurs fils disparus."

J'ai lu de nombreux témoignages de rescapés de camp de concentration mais celui-ci est différent. Boris Pahor ne décrit pas, contrairement à ses camarades, l'organisation du camp. Il ne s'est jamais intéressé à sa politique intérieure. Pas de longues descriptions de torture non plus Son seul intérêt et ses seuls souvenirs concernent les ombres des malheureux qu'il y a rencontrés. Et c'est cela qui rend le livre intéressant.

Merci à Babelio pour ce livre (masse critique)
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Un témoignage sur la vie dans un camp, un de plus mais chaque témoignage, je trouve, apporte une touche de plus pour avoir une vague idée de ce qui y a été vécu. Nous sommes ici dans un camp alsacien sous domination allemande et avec un prisonnier Slovène. Ce témoignage nous parle donc de la place des Slovènes dans la politique italienne et d'un camp dont j'ignorais absolument tout .

L'auteur retourne au camp, devenu un lieu de mémoire. Autour de lui, des visiteurs d'aujourd'hui qui viennent voir et imaginer le camp et lui qui lit au-delà du guide, au -delà des restes du camp, nous emmène pour une visite guidée bien différente. Il convoque ses souvenirs,rien de réjouissant dans cette visite, la vie de camp, la survie physique et mentale, la faim,l'anesthésie psychique, les doutes, la maladie, la mort ...

Ce n'est peut-être pas le livre le plus émouvant sur le sujet mais l'objectif n'est pas de séduire mais de témoigner et ce témoignage vaut d'être lu.
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Toutes les fois que, dans la matinée, ils descendaient quelqu'un par les escaliers qui donnaient du côté du four, un vide sourd se faisait en nous. André était encore plus pâle que d'habitude, il ne savait même plus qu'il était médecin bon et dévoué, il était comme impotent dans le froid qui soufflait de la terrasse du bas. En tant que médecin, il savait - il le voyait - que le SS accompagnait un groupe de gars à la visite. Entlassung. Ce qui signifie licenciement, renvoi ainsi que congé et même finalement adieu. Et c'était adieu sa véritable signification. Le médecin devait certifier le bon état de santé des renvoyés. Les gars avaient des yeux fixes et hagards mais le SS s'emportait contre celui à qui il manquait la jambe droite à partir du genou. "Tu n'es pas en bonne santé ? Tu ne veux pas être renvoyé ?" Pendant ce temps, Leif agitait nerveusement la main dans laquelle il tenait son stéthoscope ; la sinistre comédie devant laquelle il était impuissant lui répugnait mais il ne pouvait refuser quand on lui ordonnait d'examiner les gars. Or, pour ça, il était médecin. André n'aimait pas Leif mais lui n'aurait pas pu faire autrement. Seuls les gars qui avaient en main le fichier des convalescents du bloc n°2 réussissaient de temps à autre à sauver l'un des marqués. Ils risquaient alors le tout pour le tout car, si on les avaient découverts, c'est eux qui, un matin, auraient descendu les escaliers jusqu'aux crochets. Franc, par exemple, un grand et chaleureux ljubljanais, constamment agité, bourré d'ingéniosité et d'un humour obstiné, pouvait le faire. Quand le SS arrivait avec une liste de Entlassung, commençait le sauvetage fiévreux d'au moins un des condamnés, parfois de deux mais c'était exceptionnel car il fallait éviter d'éveiller le moindre soupçon.Il s'agissait en effet de placer sur l'orteil d'un cadavre étendu sur le sol des lavabos - du Waschraum -, qui attendait qu'on le porte en bas, un papier avec le numéro du condamné au lieu du vrai, du sien. Le gars sauvé changeait de nom et de numéro et il fallait aussi vite que possible lui faire quitter le camp avec n'importe quel convoi de travail.
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Tout autour, les gens se sont levés sur la pointe des pieds pour voir les cendres et les morceaux d'os dans les pots, quant à moi, il me semble toujours aussi inconcevable qu'on puisse, devant ce four si imposant, demander de quoi il s'agit; en même temps, cette légèreté me calme car elle me confirme dans l'idée que la conscience s'éveille à un rythme désespérement lent. C'est-à-dire que je suis plutôt satisfait de constater que le monde des camps est incommunicable même si je ne peux pas dire que cette idée me soulage.
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En cet instant, j'aimerais dire quelque chose à mes anciens camarades mais j'ai l'impression que tout ce que je leur dirai en pensée sera faux. Je suis vivant, voilà pourquoi mes sentiments les plus sincères sont quelque part impudiques.
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Evidemment, aujourd'hui, je pense aussi aux longues files qui partaient à la carrière et en revenaient et je me rappelle qu'il y a deux ans, j'avais soudain ru l'impression que j'allais rencont(rer une colonne zébrée marchant d'un pas lourd qui apparaîtrait au détour d'un virage et que cette appréhension avait engendré un éclair terrifiant. La peur de les rencontrer m'avait saisi, j'étais effrayé par eux alors qu'ils sont toujours avec moi et moi avec eux.
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Celui qui ne craint pas ses voisins, ne ressent aucunement le besoin de les détruire.
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Videos de Boris Pahor (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Boris Pahor
Teaser 4'23" de "Boris Pahor,portrait d'un homme libre", un film de Fabienne Issartel
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