Extrait d'une lettre de Consuelo à Antoine de St Exupéry datant de 1943 :
Mon Tonnio,
Je suis dans ton petit salon de Bevin House. Le "Petit prince" est là sur la table où il est né. Mon aimé. Quand reviens-tu ? Je sais mal t'écrire, j'enlève mes lunettes à chaque phrase, à cause des larmes, mais ici, dans ton bureau, je te tiens plus près de moi. Toi chéri, demande à tes étoiles amies de nous protéger, de nous réunir. J'écris beaucoup mais une fois les lettres dans l'enveloppe je les déchire elles ne peuvent pas dire tout ce que je veux te donner. Mon Tonnio je ne veux pas que vous soyez triste, je ne veux pas que vous soyez seul comme un papillon qui n'a pas de fleurs. Mon bien aimé puisque vous me donnez le pouvoir de régner dans ton cœur, dans ton corps, prends tout mon parfum toute mon âme. Fait avec une brise qui rafraîchisse ton visage qui caresse tes mains que j'aime tant ! Chéri, moi aussi dans l'éternité je t'attendrai sagement si je pars la première. Mais Dieu est bon et il veut nous voir ensemble parce que je lui ai tant demandé : la paix et l'amour pour ma maison. Notre maison. Aussi humble qu'elle puisse être dessous un arbre, avec mon mari et mon chien, je chanterai son nom les soirs et les jours et je serai bonne pour les passants. Et tu arracheras aux étoiles des poèmes de justice et de lumière pour les peuples anxieux ou inquiets. J'aime tes lettres. Je rentre dans le plus beau de moi même, dans les plus divines que le ciel m'a permis de goûter. Tu reviendras mon époux guerrier. Tu reviendras à moi, tu reviendras à la vie, aux amis, à faire un beau livre que tu m'offriras pour tes anniversaires sans fin que nous aurons encore sur cette planète. J'ai trouvé dans ta lettre le ton, la note l'odeur de nos premières joies, de nos premières rencontres de nos premières afflictions et surtout l'amour complet que tu voulais bien me donner dans nos premières années de mariage, merci mon mari. Reviens me le donner. Et si le ciel m'aide je saurai le garder. Et je n'aime pas t'envoyer des vieilles lettres écrites dans les nuits veuves. Je te chante ma seule chanson mon seul chant d'amour. Pour toi. Je t'embrasse d'un si long baiser jusqu'à ton retour. Ta femme.
Ecrivain, historien, ancien élève de l'école normale supérieur, ancien directeur de la Culture des Musées des Lettres et Manuscrits de Paris et de Bruxelles, Jean-Pierre Guéno est un "passeur de mémoire" qui aime retrouver les manuscrits, les sources, et les partager.
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