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EAN : 9782070249756
280 pages
Gallimard (21/12/1931)
3.62/5   8 notes
Résumé :
Charles Péguy (1873-1914) a probablement écrit Clio dès 1909 et l'a repris en 1912, mais ce traité en forme de dialogue n'a paru qu'après sa mort, en 1917. Il donne la parole à la muse de l'Histoire, peinte comme une incarnation dérisoire des méthodes historiques modernes. La réflexion de Péguy, à partir du thème du vieillissement, se concentre ensuite sur la création littéraire et artistique, des poèmes homériques aux Nymphéas de Monet, des Châtiments de Hugo à Bea... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Péguy, la torche et l'incarnation du Verbe

Charles Péguy est un auteur unique, ce à quoi bien peu peuvent prétendre. Il est un écrivain aux multiples facettes et n'est jamais là où on l'attend. Péguy surprend toujours.
Son langage est une ritournelle entêtante, pleine de profondeur.

Avec "Clio", c'est l'Histoire que Péguy convoque à son écritoire. Il y martèle et déroule des phrases admirables sur le passé ; sur l'âme d'une terre, celle de France ; et porte témoignage de la belle amitié qui l'unit à Daniel Halévy (à moins que ce ne soit dans un autre de ses ouvrages, je ne sais plus).

Et quelle subversion salutaire ! Péguy n'hésite pas à dire que le christianisme a pu naître grâce au paganisme. Si ma mémoire ne me fait pas trop défaut, il a cette formule : « Pour un temps, refaites-vous une âme païenne. »

Il nous invite à regarder en arrière et à constater que tout est inextricablement lié et que le socle de l'Église prend sa racine sur les ruines du paganisme ; ruines que Péguy ne veut pour rien au monde enfouir plus profondément, mais bien plutôt les exhumer, afin de prendre connaissance du chemin parcouru et ne pas renier ce qui fut.

Fort heureusement, Charles Péguy ne pourra jamais être récupéré par aucun parti politique, de quelque bord que ce soit.

Péguy est un irrécupérable, un incorrigible, un homme libre. Dès qu'on pense le saisir, il nous file entre les doigts par l'une de ces phrases de laboureur du Verbe dont il a le secret et qui creusent toujours en nous bien plus de sillons qu'on ne le croit.

Péguy est une braise qui rougeoie sans cesse dans la nuit et sa parole brûle et mord ceux qui tentent de l'éteindre. Par ces temps de froidure – tant climatique que spirituelle –, Péguy est un feu auprès duquel il fait bon venir se réchauffer l'âme et le corps dans un même élan.

Pourquoi parler de lui au présent ?

Parce que chaque fois qu'un homme ou qu'une femme de bonne volonté se plonge dans son oeuvre, Péguy ressuscite.

© Thibault Marconnet
le 03 avril 2013
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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Un texte spécial conçu comme un dialogue en forme d'analyse historique de son époque,assez agréable à découvrir et à lire le style est superbe, sans longueurs inutiles , un bon moment.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
quand nous sommes malades, et alors seulement, et seulement de ces sortes de maladies, qui laissent la tête libre et saine, et cependant forcent à garder le lit, et interdisent formellement de travailler, alors par exception, par une sorte de respect, imposé, temporairement, par une sorte de trêve, provisoirement (au lieu qu'il faudrait que ce fût essentiellement) nous redevenons momentanément ce qu'il ne faudrait jamais cesser d'être, des lecteurs ; des lecteurs purs, qui lisent pour lire, non pour s'instruire, non pour travailler ; de purs lecteurs, comme il faut à la tragédie et à la comédie de purs spectateurs, comme il faut à la statuaire de purs spectateurs, qui d'une part sachent lire et d'autre part qui veuillent lire, qui enfin tout uniment lisent ; et lisent tout uniment ; des hommes qui regardent une œuvre tout uniment pour la voir et la recevoir, qui lisent une œuvre tout uniment pour la lire et la recevoir, pour s'en alimenter, pour s'en nourrir, comme d'un aliment précieux, pour s'en faire croître, pour s'en faire valoir, intérieurement, organiquement, nullement pour travailler avec, pour s'en faire valoir, socialement, dans le siècle ; des hommes aussi, des hommes enfin qui sachent lire, et ce que c'est que lire, c'est-à-dire que c'est entrer dans ; dans quoi, mon ami ; dans une œuvre, dans la lecture d'une œuvre, dans une vie, dans la contemplation d'une vie, avec amitié, avec fidélité, avec même une sorte de complaisance indispensable, non seulement avec sympathie, mais avec amour ; qu'il faut entrer comme dans la source de l'œuvre ; et littéralement collaborer avec l'auteur ; qu'il ne faut pas recevoir l'œuvre passivement ; que la lecture est l'acte commun, l'opération commune du lisant et du lu, de l'œuvre et du lecteur, du livre et du lecteur, de l'auteur et du lecteur ; comme le spectacle est l'acte commun, l'opération commune de l'œuvre dramatique et du spectateur, de l'auteur dramatique et du spectateur ; comme la contemplation de la statue, la représentation de la statuaire est l'acte commun, l'opération commune de l'œuvre et du spectateur, de l'auteur statuaire et du spectateur. Une lecture bien faite, une lecture honnête, une lecture simple, enfin, une lecture bien lue est comme une fleur, comme un fruit venu d'une fleur ; (elle est comme le duvet sur la pêche, disait l'ancien) ; elle est comme un spectacle bien vu, bien regardé ; comme une statue harmonieusement vue, eurythmiquement regardée ; la représentation que nous nous donnons d'un texte est comme la représentation que l'on nous donne d'une œuvre dramatique (et aussi que nous nous donnons) ; elle est comme la représentation que l'œuvre nous donne (et que nous nous donnons aussi) d'une œuvre statuaire ; elle n'est pas moins que le vrai, que le véritable et même et surtout que le réel achèvement du texte, que le réel achèvement de l'œuvre ; comme un couronnement ; comme une grâce particulière et coronale ; comme une ombelle à l'achèvement d'une tige ; comme un fronton mis sur les colonnes du temple ; comme un fronton placé, harmonieusement posé ; comme un fronton mis, placé à l'achèvement du temple ; comme une fructification mise et poussée à point, comme une maturation, un point de maturité, une fois posé, une fois choisi, une fois abouti ; comme un complètement ; comme un point rare, unique, singulier ; comme une singularité ; comme une réussite ; comme un point une fois obtenu, une fois réussi ; comme une atteinte ; comme une nourriture et un complément et un complètement de nourriture ; comme une sorte de complètement d'alimentation et ensemble d'opération. La simple lecture est l'acte commun, l'opération commune du lisant et du lu, de l'auteur et du lecteur, de l'œuvre et du lecteur, du texte et du lecteur. Elle est une mise en œuvre, un achèvement de l'opération, une mise à point de l'œuvre, une sanction singulière, une sanction de réalité, de réalisation, une plénitude faite, un accomplissement, un emplacement ; c'est une œuvre qui enfin emplit sa destinée.
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L'ancien régime, au moins n'avait pas commis cet abus d'être uniquement, inexpiablement le règne, le régime de l'argent. Des puissances spirituelles existaient encore, balançaient encore-la puissance de l'argent. Des puissances intemporelles balançaient encore les puissances temporelles. Parmi les puissances temporelles mêmes il y en avait encore qui balançaient la puissance temporelle de l'argent. Dans le monde moderne, ce n'est pas même un abus. C'est l'exercice même et l'institut pour ainsi dire et la substance du monde moderne que cette implacable, que cette épuisante omnipotence de l'argent.
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— J'ai fait, dit-elle, (comme) soucieuse, et se parlant à elle-même tout en commençant de m'adresser la parole ; ruminante en soi-même ; mâchant des paroles de ses vieilles dents historiques ; marmottante ; marmonnante ; mâchonnante ; soucieuse, ayant pris soudain un air sérieux, comme pour de rire, les sourcils froncés, le front froncé, j'ai fait ce travail moi-même. On n'est jamais si bien servi que par moi-même. J'ai (donc) fait cette recherche. C'est mon office et mon métier et ma raison d'être et mon ministère. C'est ma force et ma joie et mon pilier d'airain ! Faire une recherche, faire des recherches, mots voluptueux ; tout pleins, tout gonflés des promesses ultérieures. J'ai tant prescrit de recherches, j'en ai tant fait faire à ces jeunes hommes, mes jeunes hommes, qu'il fallait bien que j'en vinsse à mon tour à en faire encore une moi-même. Sombre fidélité pour les choses tombées. Après ce sera peut-être ma fin. Mots voluptueux, tout pleins de mémoires, tout pleins de souvenirs, tout gonflés des anciennes promesses, des voluptés anciennes, des anciennes promesses (à développement) ultérieures. Je me croirais encore autant de ma vieillesse. D'autres se croiraient encore au temps de leur jeunesse. Mais je suis si vieille que ma vieillesse même se perd dans la nuit des temps. Vous croyez toujours que je plaisante, et vous le dites, que je fais des plaisanteries, qui seraient sottes. Que vous faites stupides. Quand vous les rapportez. Si vous saviez combien je suis malheureusement triste, et quelle détresse masquent toutes ces facéties. Je suis une pauvre vieille femme sans éternité : moins que rien ; une loque ; un vieux chiffon de femme. Orgueilleuse, et creuse, de tant de passé, à ce que je dis, je suis donc sans (aucun) avenir. Les regrets de la belle hëaulmiere, c'est moi qui fus la belle heaumière ; La belle qui fut hëaulmiere, dit le texte. Qu'est-ce qu'une femme, une (pauvre) vieille femme sans son éternité ? Qu'est-ce qu'il en reste ? C'est moi qui fus la belle Clio, si adulée. Comme je triomphais au temps de mes jeunes réussites. Puis l'âge vint. Moi aussi j'ai connu les victoires de la maturité, les victoires aux hanches lourdes. J'ai mis tout mon bien en viager. Combien d'autres, qui ont moins triomphé, touchent à l'âge où elles auront tout, où elles toucheront tout. Et moi je touche à ce même âge où je n'aurai plus rien. Alors j'essaie de me tromper.
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Que serait-ce quand il faut dans un livre, dans du livre mettre de la réalité. Et au deuxième degré quand il faut dans la réalité mettre de la réalité. Qu'arrive-t-il toujours. Le soir tombe. Les vacances finissent. Il me faut une journée pour faire l'histoire d'une seconde. Il me faut une année pour faire l'histoire d'une minute. Il me faut une vie pour faire l'histoire d'une heure. Il me faut une éternité pour faire l'histoire d'un jour. On peut tout faire, excepté l'histoire de ce que l'on fait. Je ne peux pas conter une histoire, on ne voit jamais que le commencement de mes histoires premièrement parce que toute histoire n'est pas limitée, parce que toute histoire est tissue dans l'histoire infinie, deuxièmement parce que, dans leur système, toute histoire elle-même est infinie. Il me faut une éternité pour faire l'histoire du moindre temps. Il me faut l'éternité pour faire l'histoire du moindre fini. Voyez ce qui nous est arrivé aujourd'hui. Sous le nom de Clio nous n'avions pas assez de fiches pour établir même une pauvre petite thèse complémentaire. Nous n'avions, je pense, que deux fiches. Mais sous le nom de l'histoire nous allions à tant de fiches que par l'autre bout d'impossibilité il nous devenait impossible d'établir même peut-être une grosse thèse. Permettez, dit-elle, que je voie ici encore un symbole, s'il est encore permis d'employer ce mot. Sous mon nom de Clio je n'ai jamais assez de fiches pour faire de l'histoire. Sous mon nom de l'histoire je n'ai jamais assez peu de fiches pour faire de l'histoire. J'en ai toujours de trop. Quand il s'agit d'histoire ancienne, on ne peut pas faire d'histoire parce qu'on manque de référence. Quand il s'agit d'histoire moderne on ne peut pas faire d'histoire parce qu'on regorge de références. Voilà où ils m'ont mis, avec leur méthode de l'épuisement indéfini du détail, et leur idée de faire un infini, à force de prendre un sac, et d'y bourrer de l'indéfini.
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Être d'un lieu, et en même temps d'un autre lieu ; être d'un lieu, et si je puis dire en même lieu être d'un autre lieu, voilà toute mon ambition, dit l'histoire. Vous voyez qu'elle est simple. (Toute mon ambition géographique). (Et par suite toute mon ambition historique). Être d'un temps et en même temps être d'un autre temps, voilà tout mon programme, dit-elle, vous voyez qu'il n'est pas compliqué.
En somme c'est toujours ceci : ne pas vieillir. Ne pas accepter le vieillissement. Le vieillissement est tout. Le vieillissement est dans tout. Vieillir c'est précisément devenir d'un autre temps, d'une autre génération. Mais il faut encore bien s'entendre sur le vieillissement, dit-elle. On croit savoir ce que c'est et on ne le sait pas du tout.
Vieillir ce n'est point être (devenu) d'une autre génération. Ce n'est point être passé dans la territoriale et dans la réserve de la territoriale. Ce n'est point être devenu d'un autre temps. Ce n'est point être d'une deuxième génération et ne plus être de la première. Ce n'est point être d'un deuxième temps et ne plus être du premier.
Vieillir c'est passer. C'est passer d'une génération à l'autre d'un temps à l'autre. C'est passer de cette première génération à cette deuxième, de ce premier temps à ce deuxième. C'est devenir d'une autre génération, d'un autre temps ; de cette première génération à cette deuxième, de ce premier temps à ce deuxième.
Vieillir ce n'est pas avoir changé d'âge ; c'est changer d'âge ou plutôt c'est avoir trop persévéré dans le même âge.
C'est pour cela qu'il faut bien faire attention, dit-elle, à ce qui représente, à ce qui traduit pour nous le vieillissement, à ce qu'il exprime.
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