Sans doute l'un des plus violents textes qui puissent être lus, «
Ultimatum » est une charge assassine contre les personnages publics, qu'ils soient politiques, artistes ou intellectuels, contre leur pouvoir dérisoire, leur manque de discernement, leur erreur de n'être qu'une seule et unique personnalité. Car ce texte, ce n'est pas directement
PESSOA qui l'a écrit, mais l'un de ses plus célèbres hétéronymes,
Alvaro de Campos, également « auteur » entre autres du flamboyant « Bureau de tabac » ou autre « Odes maritimes ». de Campos, le seul hétéronyme de
PESSOA qu'il a lui-même « rencontré » alors que les autres ne l'ont pas « connu ».
Car ils sont plusieurs dans la tête de
PESSOA, tous écrivent (différemment), possèdent une biographie (
PESSOA n'a jamais « tué » de Campos né le 15 octobre 1890 et donc « forcément » mort le même jour que
PESSOA le 30 novembre 1935), des convictions, un style d'écriture particulier.
Alvaro de Campos débâtit dans ce texte ô combien sulfureux les convictions idéologiques de l'humain possédant un poids dans le monde. Il plaide pour une « réadaptabilité » de la sensibilité, contre le christianisme qu'il oppose à la science, selon lui nécessaire pour parvenir au but ultime.
Puis vient ce qui pourrait être un manifeste, un programme de vie. Et
PESSOA/Campos se livre sans toutefois se découvrir trop, mais tout de même : « En art : Abolition du dogme de l'individualité artistique. le plus grand artiste sera le moins défini et celui qui écrira dans le plus grand nombre de genres avec le plus de contradictions et de dissemblance. Aucun artiste ne devra avoir une seule personnalité. Il devra en avoir plusieurs, chacune consistant en la réunion concrétisée d'états d'âme qui se ressemblent, détruisant ainsi la fiction grossière qu'il est un et indivisible ». Cela vous rappelle quelqu'un, non ?
« S'ils ne veulent pas partir, qu'il restent et se lavent la figure ». La plume est acérée, volcanique, comme dans un excès de nihilisme violent, le texte est clamé telle une agression directe, forte et hurlée sans aucun ménagement, dans laquelle il est question de philosophie, de métaphysique. Ces quelques pages paraissent uniques dans la vertigineuse oeuvre de
PESSOA dont de Campos est ici le porte-parole, ou plutôt non :
PESSOA a inventé ses divers personnages pour leur faire dire ce que lui pouvait personnellement condamner avec force, ou au mieux ce qu'il pouvait éventuellement penser, mais en l'exagérant selon le caractère et la pensée de son hétéronyme. «
Ultimatum » semble ne plus avoir été réédité seul depuis les années 1990. Pourtant il est à découvrir, ne serait-ce que pour ce style dynamiteur et irrévérencieux. Pour les propriétaires de liseuse, sachez qu'ils existe en ebook pour la modique somme de 1 (oui, un !) euro.
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