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EAN : 9782807000384
M.E.O Editions (01/06/2015)
4/5   3 notes
Résumé :
Peu après la chute du Mur, deux jeunes femmes de Budapest, l’une juive et l’autre non, amies d'enfance avec tout ce que cela comporte d'ambiguïtés et de non-dit, émigrent en France à l'insu l'une de l'autre. Deux errances, dans lesquelles l'une d'elles usurpe l'identité de l'autre, et qui convergent dans l'amour doublement illusoire d'un autre errant.
« Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles ? », ces femmes sans illusions, ces hommes errants, ces âmes ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Attention : Coup de cœur pour ce livre reçu lors de la dernière masse critique ! ! En clair : je vais essayer de ne pas être trop dithyrambique, pour n’être accusée ni de complicité avec la maison d’édition, ni de connivence avec l’auteure. Voilà ! Les choses sont dîtes.
Je ne vous la ferais pas à : « la lecture est exigeante » : Je déteste. D’une, autant dire clairement au lecteur qui n’accroche pas qu’il est plutôt limité en neurones et de deux, cela clôt le débat et personnellement j’ai plutôt envie d’en parler que pas. J’y viens.

Ce qui pourrait en laisser certains sur leur faim, c’est que l’auteure construit son récit par « touches ». On suit des traces qu’il nous faut relier, interpréter. Daniella Pinkstein (Pinkstein ! Un nom prédestiné pour écrire un livre pareil !) ne nous livre pas les tenants et les aboutissants de ce qui se joue devant nous. A nous de relier tous ces points et de construire l’histoire (notre vécu, notre sensibilité y participant à plein).
Autre particularité : La féminité est le fil d’Ariane de ce récit, celle de son auteure, celle de ses personnages ancrés sur le sol d’une « mère » Europe, plutôt Kronos que Gaïa.

Deux jeunes hongroises, Emma et Blanche, amies d’enfance, vont chacune de leur côté fuir à Paris, les fantômes de la dictature et tout ce mal être que leur ont transmis le(ur)s pères.
Pendant la seconde guerre mondiale, environ 80 % des juifs hongrois ont été envoyés dans les camps. Certains seulement sont revenus et ont repris leurs places : bourreaux, dénonciateurs et victimes à la même table, dans un silence lourd de haine et de peur, gommé par les nécessités d’un vivre-ensemble subi et dicté par l’oppression de la dictature nationale. Chaque famille s’est inscrite dans un possible : résister, accepter ou collaborer au système communiste.

En 1989, le rideau de fer qui isolait la Hongrie, après tant d’années de régime communiste, tombe. Sans lui, nait l’espoir d’une autre vie, d’un ailleurs fait de promesses de richesse et de liberté. Mais comment faire fi des années de rancœur, des conflits des pères qui coulent dans les veines des enfants et qui finissent par les séparer ?
Ces valises transgénérationnelles vont coller aux basques d’Emma et Blanche, telles des passagères clandestines cachées dans les méandres de leurs rêves et de leurs espoirs pour pourrir le peu de ce qui leur reste de beau.

Nous sommes là, impuissants. Nous assistons à leur déliquescence, sans pouvoir intervenir, comme ces femmes de Loth, pétrifiées pour avoir bravé l’interdit, le regard posé sur la destruction en marche.
Il y a cet espoir, fou, vivace qui colle à leur peau et auquel elles s’accrochent. Nous qui assistons au combat, qui regardons tout cela de haut (de loin) savons que tout est vain. Mais nous laissons faire. Nous laissons espérer et lutter. Comme à un chien auquel on jetterait un os à ronger.

L’Europe de l’Ouest fait rêver celle de l’Est. L’Europe fait espérer. Les lendemains qui chantent et les ciels étoilés. Mais pour qui ? Quels sont les élus de cet Eldorado doré qui charrie tant de larmes et d’ordures et broie en elle tout ce qui n’est pas « assimilable » et « exploitable » ?
Tous ces hommes et ces femmes vidés et meurtris par un passé qui « ne passe » pas, issus des États dévastés par un totalitarisme acerbe, happés comme les papillons par les lumières du consumérisme et son mythe mortifère : La quête de ce Graal nommé « Europe ».

Le style est emprunt d’une poésie, belle et explicite, qui tranche avec la dureté, la froideur de la réalité décrit. Ce n’est pas ce qui est dit qui fait « mouche », mais la façon de le dire. C’est ce «détachement», cet « àquoibonisme » qui suintent à chaque page, qui nous susurrent à l’oreille, quand la lecture fait résonner en nous ces si jolis mots : tout cela ne sert à rien, tout est déjà joué, écrit, et Emma, Blanche, Mehdi et les autres ne sont que les noires et blanches d’une partition jouée mille et une fois, dans les sous-sols de cette belle et grande Europe.

S'attacher aux détails : Mise en perspective, l’évocation de ces cadrans et ces montres, qui n’affichent plus rien et dont les aiguilles se figent, de ses sacs noirs qu'on trimballe à plein dos, de ces bouts de tissus épars, chutes rapiécées dont on vêtit les hommes, et toutes ces clefs rouillées sans serrures..., je les ai débusqués au fil des pages.

« Il fallait, sans tomber, cheminer entre les perspectives ». C’est exactement le sentiment que l’on a à la lecture de « Que cherchent-ils au ciel tous ces aveugles ? ». Daniella Pinkstein nous fait entrer dans l’histoire, juste ce qu’il faut pour apercevoir la trame, découvrir les enjeux et deviner les silhouettes qui s’ébattent au milieu de tout cela. Elle nous tient à distance, en quelque sorte, de ses personnages (comme nous le sommes dans la vraie vie face aux migrants, non ?) : Ces aveugles qui cherchent la lumière au ciel parsemé d’étoiles du drapeau européen. Puis elle nous plonge la tête dans cette réalité putride : les ruines sur lesquelles s'est construite l'Europe, autoproclamée réconciliée avec les peuples qui la composent, les deux pieds sur un sol jonché des mémoires des morts.

Aveugles. Ne le sommes-nous pas tous tout autant ?

Merci à Babelio et aux éditions MEO...
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Le titre vient de Baudelaire, le roman est placé sous l'égide de Kafka, ses chapitres se font précéder d'exergues de Sophocle ou de Rilke (quand ce n'est pas le poète hongrois Attila József ou l'écrivain autrichien Jean Améry, Par-delà le crime et le châtiment), on a de l'Éluard et du Yeats dans le corps du texte, un prophète au moins est nommé (Ezéchiel), et la Bible est aussi invoquée par les Psaumes et l'Ecclésiaste (le Qohélet). Mais c'est une sorte de « Livre de Daniel » que le livre de Daniella. Ou encore, je provoque, imaginez un film (vous le visionnerez forcément en lisant, le texte, aussi éblouissant et étincelant – coruscant – qu'il soit, ne nous aveugle pas, il fait voir), un film dont les deux héroïnes, Emma et Blanche, usurperaient l'identité l'une de l'autre, useraient de perruques, voleraient des souvenirs, graviteraient autour d'un même homme, le magnifique Mehdi, et séduiraient de multiples (et abusés) anonymes. Car seul compterait ce miroir. Elles deux – ou elles une. Ce serait, tourné par David Lynch, un Mullholland Drive encore plus énigmatique et qui confinerait au mystique, une blonde (tantôt brune), une Blanche qui se refuse à ce que l'Histoire écrive sur sa peau. Et pourtant. C'est un Mullholland Drive Est-Ouest (Budapest-Paris) où les boulevards Lénine viennent tout juste de se renommer les boulevards de tel ou tel roi ou reine sinon chemins de la Liberté. Et pourtant. La faute aux pères, pour certains absents, d'autres vous inculquant des idéaux qui ne sont pas de ce monde, et eux aussi interchangeables. Des objets-fétiches, bribes d'héritage, des clés, des sacs, des lettres abondent et circulent entre les personnages comme une circulation sanguine commune. La solution viendrait des mères, en tout cas des femmes, mais quand ? Ces quelques touches pour vous dire, suivez Daniella Pinkstein dès ce premier roman flamboyant, mais ne la croyez pas. Enfin, si, car la sincérité ici se donne jusqu'à la nudité des vérités les plus douloureusement absolues, mais ne croyez pas le début de paragraphe dans le chapitre 1 (il y en aura, épilogue compris, 11) : « C'est une histoire quelconque, dans un lieu commun. Une histoire ordinaire. » le démenti sur 174 pages dont l'originalité frôle parfois le délire ou l'extravagance. Un érotisme apocalyptique. le hasard en scénariste fou. Une acuité intellectuelle et politique (vous fleurirez là le tombeau de l'Europe). Et un style. Mais quel style ! Des images, des phrases d'une poésie pure. Allez, je referme le livre et rouvre pour en recopier humblement quelques citations. Pour un cliché, c'est un cliché, je le risque à mes périls : on aimerait tout citer. Mais qu'est-ce à dire ? On aimerait recommencer la lecture, Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles ?, voilà, vous avez là un texte puissant qui gagne encore à la relecture.

Lien : http://www.jewpop.com/cultur..
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Alors, je ne pensais pas du tout être sélectionnée pour faire une Masse Critique sur Babelio. le but est, si nous sommes choisi, il faut lire un livre choisi par nos soins parmi une liste et faire une critique dans un délai d'un mois. Je leur remercie de leur confiance et de m'avoir permis de découvrir une auteure que je ne connaissais pas.

Nous suivons Blanche et Emma, deux Hongroises qui vont fuir leur pays pour s'installer à Paris. Mais, elles ne sont pas au courant l'une de l'autre... Et elles vont vivre une aventure passionnelle avec Mehdi, un autre immigré. L'une des amie va usurper l'identité de l'autre et mentira à tous ses proches.

Quand j'ai lu le résumé, j'ai eu très envie de le lire, car je trouvais intéressant d'apprendre la vie des Hongrois alors que l'Europe est séparé en deux. Mais, je n'ai pas été emballée par l'histoire et j'avoue à avoir beaucoup de mal à lire un livre si je ne suis pas plongée dans le récit. Souvent je décrochais et je me sentais perdue dans ma lecture. Bien que la plume de l'auteure soit fluide et facile à comprendre, on a un peu de mal à savoir si le personnage principal est Blanche ou Emma, car on a l'impression qu'elles ne forment une seule et même personne. Et les aventures amoureuses de nos héroïnes sont également très floues : nous comprenons seulement à la fin qu'elles avaient un amant commun.

Même si ce livre ne m'a pas plu, je ne pourrai pas le conseiller de ne pas le lire car dans la vie il faut être curieux, mais ce n'est pas un coup de coeur.
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Personnellement, je ne suis pas arrivée à entrer dans ce livre car l'on passe d'un personnage à l'autre à travers un style narratif très particulier.
Le même protagoniste peut être narrateur ou à l'écoute du témoignage d'un autre, et cela rend le tout confus, à mon sens.
Je suis déçue car le descriptif du livre sur le quatrième de couverture me donnait vraiment envie de rentrer dans cette vision certes noire de l'Europe de l'Est ou plutôt de ce qu'elle est devenue, mais je ne m'attendais pas à un récit aussi métaphorique. C'est du moins ainsi que je l'ai perçu.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Si sous cette vaste forêt, il n'y avait eu qu'un souffle familier, je n'aurai rien distingué des ombres qui traversaient tes mains. Pas la moindre résonance n'aurait transmis à ton corps leurs chants. Mais j'avais si peur, et il faut bien faire quelque chose, n'est-ce pas, quand la peur vous oppresse. L'épouvante de me dissiper à jamais dans l'immuable transparence si je ne t'arrachais pas à ce vent, à ce frémissement sinistre, fut telle que je t'ai empoigné. Comme un géant sorti des eaux. Je t'ai amené à la terre, à l'intérieur de moi, au centre de l'entaille, de cet espace vacant dans lequel s'engouffrait alors, en désordre, l'Europe, la nuit, le mensonge, l'espoir et son irrépressible contraire. Si tout ce tourbillon, si cette forêt n'avait pas été là, oui, je suis sûre que je me tiendrais encore debout, debout parmi ceux qui péniblement prétendre avancer.
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Personne au fond n'avait compris pourquoi les juifs étaient revenus. Morts et quelques vivants. Certains, comme mon père qui ne cachait pas sa franche répugnance, interprétèrent leur retour comme une perfidie de plus, mais la plupart obstruèrent leur porte, par crainte de la vengeance imminente des gazés, brûlés, noyés, disséqués. A la vitesse d'une superstition, ils se mirent à prier en cachette. Pour ne pas soigner au grand jour les plaies du dernier supplicié, l'Europe, encore parmi les décombres, se ravisa. Brandissant un nouveau sacre païen, elle devint sceptique.
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Pères maudits ! Que de bruit, de chaos, de chemins de traverse pour vous éviter. Vous étiez ces individus perdus dans la houle, balancés par les courants destructeurs de l'Histoire. Que pouvions-nous sauver ? Une civilisation ?
Enfants couards, nous avons préféré à vos présages la camelote au sommet de sa perfection technique. A vitesse irrésistiblement plus véloce, nous avançons ignares dans la nuit, tremblant devant l'inconnu, mais défiant son immanence.
Eux, qui ne se détournaient point, nous contemplent aujourd'hui sidérés devant une si vulgaire déchéance qu'une cacophonie d'insatiables jactances recouvre de son néant - ces aînés déchus pour moins qu'un plat de lentilles.
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Pendant ce temps, pour nous, jeunes femmes aux penchants gravides, l'histoire nous fertilisait d'une chrysalide morte figée au centre d'un utérus vorace. Chaque soupir qui écartait nos lèvres étroites donnait à ce ventre en gésine l'illusion d'une croissance éternelle d'où, un jour, au rebord de nos bouches, apparaîtraient des ailes. Mais la chrysalide restait froide. Combien d'étreintes, combien d'oublis fallait-il traverser, sans entendre une fois le froissement léger du papillon !
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La "précarité de l'emploi" rajoutait un piment exquis à la féconde propension humaine aux paradis postiches. Survivre par des veules compromis, des soumissions inquiètes, survivre par paliers, pour descendre sous des eaux sans vie ni jour - et demeurer inébranlable dans l'espoir d'une promotion.
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