Le n°13 de la rue Marlot appartient à la première génération du genre polar. Je ne parle pas de celle de
Simenon. Ici, on est au XIXème. C'est aussi un roman judiciaire parisien. C'est le premier tome d'une trilogie avec le détective William Dow.
René de Pont-Jest, né en 1829 et mort en 1904, est le grand-père de
Sacha Guitry. Il s'est mis à la littérature après une carrière d'officier de marine. Il fut aussi journaliste au Figaro, chargé de la chronique judiciaire.
Sacha Guitry l'évoque dans les termes suivants : «
René de Pont-Jest, ancien officier de marine, romancier, chroniqueur, homme très distingué, esprit fin, fine lame, aimant les femmes, aimant le jeu - type disparu du Parisien à guêtres blanches sous pantalons à carreaux» .
On pourra trouver un intérêt dans l'immersion en une époque qui nous est étrangère aujourd'hui. On y considère un homme de 60 ans comme un vieillard. La visite détaillée de la morgue donne une idée des moyens de conservation des corps, et nous fait presque basculer dans le genre steam punk. Les poursuites se font en voiture à cheval. Certains traits ont toutefois des résonnances très actuelles, comme par exemple le zèle et la brutalité de fonctionnaire, ou l'évocation de problèmes d'autorité en France. Il y a page 13 un paragraphe qui mérite d'être médité par nos gouvernants à l'autoritarisme excessif.
Le détective, William Dow, est un américain. Il loge à l'hôtel du Dauphin. Celui-ci fait face à l'immeuble où a lieu le crime, au 13 de la rue Marlot. William Dow est aussi médecin et pratique la contre-autopsie.
René de Pont-Jest n'est pas avare de détails qu'il énonce dans un style dépourvu d'émotion.
«DONNEZ-NOUS DES MAISONS, UNE NOURRITURE MEILLEURE, DES LOIS PLUS HUMAINES ET N'ÉCRIVEZ PAS «PRISONS» DE QUELQUE CÔTÉ QUE NOUS NOUS TOURNIONS." écrit Dickens dans
les Carillons. Si le n°13 de la rue Marlot est loin du roman engagé,
René de Pont-Jest s'approche quelque peu de la pensée de
Charles Dickens.
La deuxième partie du roman verse dans un style roman feuilleton à l'eau de rose. le personnage de Rumilly se rapproche des vieux pères jaloux, possessifs et autoritaires des comédies de
Molière.
En dernière partie, l'auteur apporte un regain de tension avec rebondissement aux Assises lorsque William Dow réapparait.
Dans l'ensemble, le n°13 de la rue Marlot se lit avec intérêt. le mystère est soutenu. L'écriture classique est agréable et fluide, bien qu'elle porte la marque de son temps.