Adepte des histoires de vengeance, j'ambitionnais depuis longtemps de lire ce bref roman de
Charles Portis, considéré comme un petit classique de la littérature américaine. Las, bien que publié en 1969, le roman n'a guère trouvé son public en France et c'est vite retrouvé en rupture de stock. Il m'a fallu donc attendre l'adaptation des frères Cohen en 2010 et sa réédition tardive pour pouvoir enfin mettre la main dessus. L'attente en valait-elle le coup ? Oh que oui ! Sans rentrer non plus dans la catégorie des chefs d'oeuvre, «
True Grit » est un petit roman admirablement rythmé, du genre qui se dévore en un ou deux jours, une excursion revigorante et dynamique dans le Far West mytique, celui où sévissent encore Jesse James,
Calamity Jane et les frères Dalton (les vrais, hein ! Pas ceux de Lucky Luke).
« C'est très beau tout ça, mais de quoi ça parle ? » demande-tu, ô toi, lecteur avisé. Eh bien, ça parle de Mattie Ross, une jeune fille de quatorze ans à la tête dure comme le fer, vivant dans l'Arkansas en 1870. A peine sortie de l'enfance, celle-ci décide de venger son père, lâchement assassiné alors qu'il se rendait à Fort Smith pour acquérir une douzaine de poneys. le meurtrier, Tom Chaney, a pris la fuite, se réfugiant dans les territoires indiens où pullulent les desperados de toutes sortes et où la loi n'a pas plus de valeur qu'une vieille chaussette. Pour pousser la justice à se lancer à sa poursuite, il faut de l'argent et Mattie n'a pas plus de 100 dollars en poche, une somme bien dérisoire pour acheter les services d'un marshal. Elle parvient pourtant à engager un vieux shérif, Rooster Cobburn, un homme brutal, doublé d'un ivrogne, mais que la hargne de la jeune fille parvient à toucher au point d'accepter de la laisser se joindre à lui dans sa traque de Chaney. Ne tarde pas à les rejoindre un arrogant ranger texan, Laboeuf, lui aussi bien décidé à mettre la main sur Chaney. Flanquée de ces deux hommes rustres et lancée dans sa dangereuse quête, Mattie va bientôt quitter le monde de l'enfance, de la façon la plus brutale et la plus définitive qui soit.
Roman très court – à peine 200 pages – «
True Grit » séduit par la pureté de son intrigue, un récit si simple, si dépourvu de fioritures que l'on croirait presque lire un témoignage pris sur le vif. le Sud-Ouest d'après la guerre de Sécession y est décrit avec beaucoup de réalisme et une acidité surprenante dans la bouche d'une adolescente si jeune. Il faut reconnaître que Mattie, la narratrice, n'est pas une héroïne comme les autres : si sa volonté et son courage exceptionnels forcent le respect et l'affection, elle surprend aussi par son extrême dureté, son côté terre-à-terre et son caractère buté. Pas la moindre trace de romantisme dans son récit : tout est raconté avec un pragmatisme et un sérieux non dénués d'humour involontaire. En face d'elle, le marshal Rooster Cobburn est un anti-héros, un justicier vieillissant, aigri et inculte que l'on ne peut considérer pourtant sans sympathie tant son attachement à cette gamine trop vite montée en graine semble sincère et désintéressé. Deux personnages bien éloignés de la mythologie de l'Ouest mais qui séduisent justement par leur réalisme et leur humanité.
Beau roman d'aventure, dépaysant et passionnant à souhait, «
True Grit » est à conseiller à tous les amateurs de Westerns ! (Et n'hésitez pas non plus à visionner l'adaptation des frères Cohen très fidèle et formidablement interprétée)