Juin 1940, mois funeste s'il en fut, est le temps où
Jean Raspail nous mêne vers «
L'île bleue », en Touraine.
Atypique dans l'oeuvre du romancier, cet ouvrage débute comme un « club des cinq », avec des jeux enfantins en 1939, puis, la puberté arrivant, avec des comédies adolescentes au printemps 1940. L'auteur s'y incarne aux cotés de Bertrand, Pierre, Zigomar, Maïté et Zazanne et nous promène de gentilhommières en propriétés dans l'univers paisible et insouciant de la bourgeoise provinciale régie par des « tantes » bon enfant. Décor qui fut celui de l'enfance de notre Jean dans ses années de scoutisme.
Arrive la débâcle qui nous projette dans une autre ambiance avec l'exode vers les châteaux tourangeaux du gouvernement, de ses fonctionnaires et de leurs dossiers. « Un gouvernement qui fout le camp dans un relent du jupon, un chef d'Etat qui ment, qui se débine, un peuple qui se débine, qui fuit, qui n'est plus qu'un chaos… ». Atmosphère que Roger Peyrefitte avait fort bien décrit dans « la fin des ambassades » en 1953 et que Raspail prolonge avec, par exemple, cette évocation « visiteur de haute taille et d'allure assez prétentieuse , coiffé d'un extravagant chapeau de feutre blafard dans le jour naissant, entouré d'une camarilla tourbillonnante de petits secrétaires excités comme des puces et de chauffeurs bien découplés débarquant d'énormes valises de luxe sur le perron, et qui lui déclara se nommer Alexis Saint Léger Léger, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères venu prendre possession, sans même éprouver le besoin de s'excuser, du château réquisitionné pour y installer ses services. » et cette claque de la mère de Maïté, « Vous avez sans doute vos raisons Monsieur, mais c'est quand même un peu léger de votre part ».
La tragédie arrive, peu après que la délégation d'armistice, conduite par le Général Hutzinger, soit passée quand Bertrand, réincarnation mythique du Connétable, sauve l'honneur.
Le lieutenant Franz von Pikkendorff récupère les drapeaux impériaux conquis en 1918 des mains du Général Dentz, gouverneur des Invalides, puis poursuit sa progression vers le sud. le 21 juin, ses blindés passent
l'île bleue et le 29 juin, « c'est fait »…
J'avoue que cette fin me navre car la « collaboration » qu'elle initie entre le soldat et la comédienne, la lâcheté quasi générale des personnages, manque pour le moins de panache et s'écarte de la droite ligne incarnée d'ordinaire par les héros de
Jean Raspail.
Ce roman méritait, à mes yeux, une conclusion plus noble. Mais, après tout, cette oeuvre est peut être plus biographique que romanesque et toute confession sincère mérite absolution.