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EAN : 9782020058360
Seuil (01/04/1981)
3.84/5   34 notes
Résumé :
Comme Céline, Jean Reverzy était "médecin des pauvres". À 40 ans, pressentant sa mort prochaine, il écrit, au retour d'un voyage en Océanie, son premier roman, Le Passage. Celui -ci connaît aussitôt un immense succès, mais la gloire ne détourne pas Jean Reverzy de la médecine, car le médecin et l'écrivain vont de pair : l'un et l'autre se mesurent à la mort et y préparent.
Jamais sans doute, le métier de médecin et l'univers de la Polynésie n'ont été décrits... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je ne connaissais pas Jean Reverzy voilà encore 3 semaines. Je n'ai donc pas la prétention, subitement, de pouvoir en faire une présentation complète. Cependant, comment ne pas s'intéresser, déjà, au parcours de ce médecin, mort (« probablement », disent les sources) d'un infarctus du myocarde à l'âge de 45 ans, et dont les trois livres publiés de son vivant – trois autres textes ont fait l'objet d'une publication par la suite – comportent tous une forte composante autobiographique ? Comment ne pas prendre en compte le fait que la mémoire, la mort, la fatigue sont des thèmes qui reviennent visiblement dans tous ses écrits ?

La première chose qui frappe lorsque l'on commence ce livre, c'est son style. À la fois riche, travaillé, mais jamais pesant. Ainsi, la deuxième phrase donne le ton :

« Je besognais dans une grande pièce médiocrement meublée d'un bureau, d'un fauteuil, de quelques chaises, d'un divan poisseux de contacts humains et d'une vitrine où luisaient des instruments de verre et de métal ».

Lorsque Jean, le médecin, décrit son travail, l'écriture est profondément incarnée. Si j'ose, on est en « rez-de-chair ». La peau, les organes, les humeurs sont bien présentes – sueur, sang, salive, vomi… Les patients sont décrits au plus proche : « … il s'était séparé de vêtements ternes, usagés, empreints de sa substance, scellés à sa peau comme le pansement à la plaie vive ».

Puis Palabaud survient, et il décrit l'apparition de sa maladie, des symptômes qui ont amené à découvrir que son foie était hypertrophié par une cirrhose pigmentaire – un comble pour un hôtelier qui ne boit jamais d'alcool -. On est dans les îles, entre Papeete, Maupiti, Raiatea, mais ce sont des îles qui n'ont rien de la carte postale paradisiaque : bien au contraire, il s'agit d'îles tristes, où évoluent des maoris qui ont renoncé, des tahitiennes qui se complaisent dans le rôle de vahinés et se donnent aux européens en échange de quelques cadeaux…

Jean Reverzy nous invite à explorer l'idée de passage – titre de son livre – : passage du temps, passage des sentiments – et notamment de l'amour, condamné à s'effriter : « …tout attachement évolue vers la rupture » -, passage, finalement, de la vie ! Palabaud, résigné, revenu dans une ville qu'il a quitté par amour de la mer, croise quelques personnages qui ont émaillé son enfance, dont l'abbé qui l'a fait renvoyer du lycée…

Seule, à la fin, reste l'envie de la mer. Tout le reste ne compte plus, mais ce besoin ressenti dès l'enfance devient l'ultime pierre angulaire de la vie de cet homme qui meurt.

Il y a d'ailleurs un incroyable paradoxe à voir que cet écrivain disparaîtra lui-même très jeune, pratiquement à l'âge de ce premier héros (Palabaud meurt à 40 ans) ; dans son deuxième roman, Place des angoisses, publié en 1956, Jean Reverzy mettait également en scène un patient malade du coeur…

Je ne résiste pas à l'envie de vous laisser une dernière citation, dans laquelle il décrit celui qui fut l'un de ses maîtres, pour mettre encore en valeur ce style incroyable :

« Tyran libéral, au faîte d'une médiocrité dès longtemps triomphante, il dominait un monde aux couleurs de poussière où l'intelligence sanglote comme une captive humiliée ».

J'espère que vous l'aurez compris, mais je préfère l'écrire : ce livre est un coup de poing. Si les bons livres sont ceux qui ne vous laissent pas indemnes, qui vous transforment, alors le passage est un excellent livre, un livre qui marque la vie d'un lecteur.
Lien : https://ogrimoire.wordpress...
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« Je suis revenu pour crever ».
Lorsque la médecine est arrivée au bout de ses capacités et que le verdict tombe, il n'y a plus qu'à attendre sa dernière respiration. L'auteur conte dans une langue parfaitement maitrisée, avec des mots simples et imagés, les derniers jours d'un malade, Palabaud, confronté à l'inéluctable. Impuissant devant le terme pratiquement échu d'une vie légère et insouciante, presque animale, le condamné à mort, être peu réfléchi et simple, n'a pas le regard anxieux, perturbé et révolté qu'une personne plus occidentalisée aurait, se rebellant devant la plus grande injustice de la vie : la mort. Au contraire, comme il l'a fait tout au long de sa vie dans ces îles paradisiaques entourées d'une mer tant rêvée, il prend les choses comme elles viennent. N'est-ce pas là le véritable bonheur ?
Tant d'espoirs sont confiés à la médecine qu'il est inconcevable qu'elle soit si décevante selon Jean Reverzy, docteur des pauvres, à tel point que le narrateur de son roman en vient à abandonner son ami dans les mains d'un confrère qui aura l'indifférent courage de prononcer la sentence à sa place.
L'écriture parfaite de l'auteur atteignant l'équilibre subtil entre action et réflexion, livre un témoignage poignant sur la fin d'une vie.
Jean Reverzy signe avec son premier roman « le passage » un très beau texte à redécouvrir.
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Une cirrhose tenace s'agrippe au foie vieillissant et surmené de Palabaud. Au bout du rouleau, l'homme va laisser son exil polynésien pour chercher en métropole quelque répit grâce la médecine scientifique. Roman dans lequel Jean Reverzy, médecin et écrivain, flétrit deux grands mythes; le paradis des mers du sud et la médecine; on en espère beaucoup, ils déçoivent presque toujours. Palabaud qui semble revenu de tout, trouve dans sa mélancolie la sagesse de n'espérer rien de ses deux illusions sinon un peu de cette humanité (l'amour facile d'une tahitienne, l'attention rituelle du médecin) qui aide à faire le passage vers la mort un peu plus sereinement.
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critiques presse (1)
Actualitte
01 avril 2019
Curieusement, malgré son sujet, le roman est d'une grande douceur, car l'idée centrale de Reverzy est que l'agonie n'est effrayante qu'aux yeux des vivants, de ceux justement qui sont encore en pleine santé, et ne comprennent pas cette résignation qui saisit les grands malades.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Un grand médecin:
"Cet homme exerçait la profession assez peu commune de grand médecin. On ne s'étonne pas qu'en notre siècle, à côté des miracles de Lourdes et des guérisseurs, le grand médecin, au fond très anachronique, survive encore et prospère. Tout juste parfois, éprouve-t-on quelque surprise en constatant chez lui si peu de science, de cette intelligence et des rares qualités attribuées à l'idéal disciple d'Esculape. C'est qu'en réalité son prestige tient plus de la superstition que de la science. Il est né à l'époque où la médecine encore informe, imprégnée de sorcellerie et de merveilleux, semblait appartenir à quelques hommes étonnamment doués, marqués par un génie mystérieux, qui furent les grands médecins de leur temps. Au siècle dernier, du progrès de la science naquit devant les foules émerveillées un autre surhomme: le grand savant. Le grand médecin ne perdit rien car la confusion se fit avec le nouveau venu. Depuis lors il est allé de succès en succès et la légende du docteur au diagnostic infaillible et dépassant ses confrères de cent coudées n'a cessé de s'enrichir. Il répond en réalité à un besoin de merveilleux et de miracle et, par là, l'héritier du thaumaturge et du sorcier est à l'encontre de la science. Cependant ce personnage anachronique n'est pas à condamner: il symbolise encore le côté divinatoire de son art; cette croyance est peut-être nécessaire au prestige de la médecine. Et bien qu'il ne puisse que confirmer l'avis des son confrère plus humble ou en partager les incertitudes, il reste par l'autorité de son oracle bienfaisant pour le malade."
pp. 187-188
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Celui qui meurt a perçu l'écoulement, le passage, l'effacement total du passé et, dans la lucidité prémonitoire du vide futur, n'a rien à demander à la philosophie ou à la religion; il quitte ce monde sans appréhension de ce qui va ou plus exactement de ce qui ne va pas survenir. A leur dernière heure, les grands croyants perdent leur foi, car la question religieuse est un passionnant débat à l'usage des vivants et non des moribonds. Et puis Dieu n'assiste pas à la fin des hommes; ceux qui l'invoquèrent toute une vie s'aperçoivent de cette absence et s'en plaignent amèrement: "Mon Dieu, mon Père, pourquoi m'avez-vous abandonné?" Mais Dieu se tait; il n'a pas de raison d'être à coté de ceux qui n'ont plus rien à apprendre ou à redouter: il n'était qu'une projection de l'angoisse des vivants.
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Polynésie:
"Palabaud pensait que, pour tout nouvel arrivé, la Polynésie, malgré sa splendeur indescriptible, ne réserve que des déceptions auxquelles Alain Gerbault n'avait pas échappé. Dégouté de l'existence affolante de l'Europe, on débarque là-bas avec l'espoir de renaître à une autre vie de calme, d'équilibre et de beauté et dés les premier pas, se lève une odeur de mort et de désolation, désolation d'immenses et verts paysages indistincts, mort d'une race encore magnifique expirant dans l'hébétude et le silence."p. 47
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"La connerie humaine, si évidente soit-elle, aimait-il à redire, ne se définit pas.
Ca m'a souvent fait réfléchir. Je pensais à tous ceux qui, à tort ou à raison, m'ont pris pour un con, et il y en a. Mais je pensais aussi à tel ou tel devant qui je ne peux m'empêcher de dire: "c'est un con". Je me demandais alors pourquoi Pierre ou Paul, à mon sens, étaient des cons et pourquoi se disaient-ils en me regardant: "Lucien est un con." Tout cela n'est pas facile à comprendre... Cependant, une chose ne se discute pas: un individu parfaitement immobile et silencieux est toujours moins con que celui qui remue et parle; la connerie humaine se définit et se mesure à l'agitation du monde."
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Qu'importait maintenant que sa dépouille se décomposât dans un cimetière de banlieue, loin des océans, que pas un humain ne se souciât de son souvenir ? Parce qu'il est mort, quelque chose manquera aux mers du Sud. Là-bas, en scrutant les soirs, on devinera une absence, un vide ou un passage. Et s'il existe une autre vie de châtiments et de félicités, il lui sera beaucoup pardonné parce qu'il a beaucoup aimé la mer.
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Video de Jean Reverzy (3) Voir plusAjouter une vidéo

Prix Goncourt pour Simone de Beauvoir et Renaudot pour Jean Reverzy
Attribution du prix Goncourt à Simone DE BEAUVOIR pour son livre "Les Mandarins" et du prix Renaudot à Jean REVERZY pour son livre "le passage" : Plans des résultats donnés par le jury
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