Comme beaucoup d'entre nous rencontré
Yasmina Reza grâce à ses écrits théâtraux, «
Art » et puis «
le dieu du carnage ». Puis sont venus d'autre livres me laissant à chaque fois d'excellents souvenirs. Il en sera de même de celui-ci.
Il s'agit cette fois d'une fiction sans aucun doute largement inspirée de ses rencontres et observations quand elle travaille avec comédiens et comédiennes,
Yasmina Reza étant également metteuse en scène.
Anne-Marie et Giselle sont comédiennes, amies de longue date. Giselle a connu le succès et la gloire,
Anne-Marie est toujours restée second rôle ou même simple figurante.
Au crépuscule de sa vie, après les funérailles de Giselle,
Anne-Marie se remémore leur existence passée.
Il s'agit d'un monologue, j'imagine très bien une vieille dame assisse dans son vieux fauteuil usé, une tasse de thé posée sur la table basse, l'après-midi n'en finit pas, et ses souvenirs remontent à la surface, en vrac. Comme on tire sur un morceau de ficelle et c'est la pelote tout entière qui se déroule, la première évocation en appelle une autre, la mémoire est capricieuse, le cheminement de la pensée erratique, et parfois même redondant.
J'ai trouvé ce texte terriblement attachant, émouvant, drôle aussi. Il y a de l'amertume, un peu de jalousie dans ses souvenirs évidemment. Elle aurait aimé être aussi célèbre que son amie, elle avait plus de talent qu'elle mais le destin a fait qu'elle n'a jamais réussi à être au bon endroit au bon moment.
Comme les petits vieux avec lesquels il m'arrive de parler,
Anne-Marie se répète, mais ce radotage n'est pas lassant, il apporte au contraire une certaine légèreté au texte, plus de crédibilité encore.
Elle mélange anecdotes et souvenirs anciens aux situations actuelles, aux remarques faites par son médecin ou par son fils, c'est savoureux de lucidité, même dans la perte de repères elle arrive à rebondir et à encore donner le change, pour combien de temps ?
Il semblerait que ce texte ait été joué au
théâtre, par un homme,
André Marcon, à qui le livre est dédié. J'aurais adoré le voir interprété. Un seul en scène sans grand fracas mais incarnant toute la puissance de la mémoire fluctuante et la tendresse que l'on peut avoir pour une personne qui sombre inexorablement tout en ayant encore des moments de fulgurances et de vigueur.
Un petit texte court, deux heures d'une après-midi passée en compagnie d'
Anne-Marie, un excellent moment de lecture.