Pourtant, quelle merveille ! Le silence ! Pas de télévision, peu de voitures sur les routes, la tiédeur de la maison... C'est presque comme l'année où j'ai écrit l'Histoire de Tönle, quand une importante chute de neige avait fait tomber le fil électrique et celui du téléphone. A la maison, j'étais bien pourvu de tout : livres, bois, farine, pommes de terre, choucroute, viande, vin...
Voilà la clé du problème : cette "obscurité au-dehors" pourrait permettre que s'allume la "lumière au-dedans". On peut vivre sans une telle sophistication. J'en ai fait l'expérience pendant des années ; l'esprit peut surmonter les difficultés, trouver des solutions qui semblaient impossibles. Les plus grandes inventions de l'homme ont été le feu, le radeau et la roue. J'ajouterais l'imprimerie. Mais sûrement pas les téléphones portables ni la télévision.
Qui sait si un black-out aura le pouvoir de faire réfléchir les gens tellement dépendants du "progrès" ?
"Le progrès moral n'arrive pas à suivre tant de progrès matériel, et la distance entre les deux s'accroît", m'avait dit un jour à Venise le cher vieux poète Ungaretti.
L'incident de la nuit dernière devrait nous amener à réfléchir à cela. C'est la conscience des limites qui nous fait toucher le réel.
Au moment où certains animaux se sentent malades ou sont blessés, ils viennent à proximité des maisons des hommes pour demander de l’aide, et se laissent approcher, alors que cela n’arrive jamais dans leur vie normale de bêtes sauvages. Mais ensuite, quand ils perçoivent que la fin va arriver, ils se retirent dans un lieu écarté pour mourir dans la solitude. On dirait qu’ils ne veulent pas déranger, ou émouvoir par leur souffrance. Ou encore qu’ils désirent rester seuls avec leur dernier souffle de vie.
Je serai heureux si j’apprends qu’un seul des nouveaux lecteurs a compris combien il est risqué de suivre le chemin dont le point de départ est le fanatisme nationaliste et la capitulation de la raison.
… Le sens du rêve à l’intérieur du camp s’élargit jusqu’à l’universel ; il est devenu le symbole de la condition humaine, et s’identifie avec la mort à laquelle personne ne se soustrait.
Sa soif de poésie et de vérité en font un homme hors du commun qui, tout en restant dans un pauvre village d’une poignée de maisons, sait rendre compte de la période historique dans laquelle il vit. Il chante la succession des saisons en faisant alterner bonheur et tristesse, le rire d’une enfant comme une paillette d’or parmi les scories du monde,
"Altipiano ou cheminer avec Mario Rigoni Stern", Loïc Seron, éd. Rue d'ULM EDS
Un beau livre conseillé par Stéphane Nappez, co-fondateur de l'association Baraques Walden.
Entretien mené à l'Abbaye de Jumièges. (Département de la Seine-Maritime)
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