Lettres à une amie vénitienne

J'ai trouvé par hasard ce délicieux petit recueil ( 91 pages ) de lettres adressées par Rilke à une amie vénitienne, une " chère et belle amie ". Peu connu, il mérite la découverte.
Délicatesse surannée, tendresse des mots et des formules amicales, ces lettres écrites en français, permettent de s'imprégner de la poésie de Rilke et de ses préoccupations récurrentes : la poésie, la vie, la mort, la maladie...sans le filtre d'une traduction pas toujours pertinente.

Lu d'une seule traite, ce livre m'a fait poétiquement rêver pendant un voyage en train, qui du coup m'a paru beaucoup moins long et ordinaire, magie du talent poétique.

J'aime les lettres de Rilke comme l'extension immédiate de sa poése. Car souvent, et c'est bien le cas ici, elles sont le lieu où il exprime sa façon d'être poète, ses doutes, son travail, son engagement dans l'art de la poésie. Alors qu'il écrit ces lettres à une amie vénitienne, l'amour tendre qu'il exprime ("J'emporte votre âme et la montrerai à Dieu et aux Anges") semble le contrepoint de son acharnement au travail. Peut-être est-elle sa Muse lorsqu'il écrit : "Oui, je viendrai un jour à Venise pour y travailler. Vous me donnerez une chambre et vous garderez ma tranquillité et mes labeurs". Mais souvent il semble s'infliger la souffrance de l'amour contrarié pour s'engager pleinement dans la nécessité de son oeuvre poétique. Ces lettres sont courtes, semblent simples mais sont de la veine de Rilke, une poésie douce, fragile, et tremblante.

Sur un ton emphatique voire ampoulé, le poète écrit à une amie très chère, sans jamais dire les mots de la passion, ni d'ouvrir son coeur (délicatesse de poète?), en tournant sans cesse autour du pot.
Du charme suranné.