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EAN : 9782221218716
240 pages
Robert Laffont (23/08/2018)
3.92/5   218 notes
Résumé :
Paris, an II. La France vibre sous le souffle de la Terreur.
Jane, une jeune anglaise cachée dans l’appartement d’aristocrates émigrés, Théodose, un moine qui a renié sa foi par peur de la guillotine, Marthe, la lingère de Marie-Antoinette emprisonnée au Temple, David, le fameux peintre et député de la Convention, ou encore une Normande du nom de Charlotte Corday, tout juste arrivée à Paris... Ils sont nombreux, ceux qui tournent autour de la rue des Cordeli... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (83) Voir plus Ajouter une critique
3,92

sur 218 notes
"David écume. Il voudrait être écrivain. [...] Ah oui, par exemple, les choses sont diablement plus claires quand on tient une plume !"
Encore faut-il avoir comme Gwenaële Robert le sens de la formule, la manière de tourner le mot et de façonner un récit.
Dans ce livre, le tableau de David et la scène du musée Grévin ont eu envie de liberté, de cette liberté que seul le roman peut offrir à L Histoire.
"Le dernier bain" est donc un roman, un roman historique écrit par Gwenaële Robert, et paru, en août 2018, dans la collection "les Passe-Murailles" des éditions Robert Laffont.
Toutefois en voudrait-t-on à Gwenaële Robert si elle avait un peu tordu L Histoire officielle ?
Marat est mort, assassiné par Charlotte Corday.
Le ballet s'ordonne, s'organise.
La tragédie se donne des allures antiques.
Les personnages prennent corps et s'extirpent du brouillard du temps passé.
A l'épilogue de ce roman, ils se retrouveront tous avant de s'effacer une nouvelle fois dans les brumes de l'Histoire.
Réels ou imaginaires, ils sont revenus à la vie un instant, le temps d'une lecture de quelques 230 pages, et y sont plus vrais que nature.
La plume de Gwenaële Robert possède un secret, celui d'écrire autrement, d'une manière à la fois classique et originale.
Ce qui donne à chacun de ses livres une saveur originale, un cachet inimitable.
La diligence d'Evreux a laissé sur la chaussée une jeune fille de Caen.
Elle n'est pas de Paris.
Elle s'appelle Marie Charlotte Corday ...
Mais il s'en faudra de peu qu'elle ne se fasse voler la vedette par Jane Ashley qui, elle aussi, a un compte de vengeance ouvert au nom de l'ami du peuple, de celui qui hume le sang des ennemis de la République.
Une des deux femmes était moins déterminée que l'autre ...
Tragediante !
Tous les personnages de ce roman sont peints avec précision, finesse et sensibilité.
Lorsque la tragédie éclate, on ne peut se retenir ici d'un petit moment d'émotion.
Elle est là, la réussite de Gwenaële Robert, d'avoir imprimé du mouvement à cette scène figée dans les manuels et dans les souvenirs d'écolier.
Jamais l'Histoire n'a paru aussi tangible, aussi accolée à la vie.
Cependant le récit est découpé en scènes courtes, très courtes, parfois trop courtes pour s'y plonger.
Et, ce sera certainement là le seul petit défaut qui, tout en hachurant un peu la lecture, imprime pourtant à cette alternance de scènes une impression de simultanéité et de rapidité très visuelle et cinématographique.
"Le dernier bain" est donc un roman historique très réussi qui, à mon sens, marque un tournant dans un genre qui avait tendance à s'affadir et à ronronner dans d'interminables rebondissements d'Histoire et de pages plus ou moins romancées, plus ou moins captivantes ...


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Nous sommes à Paris, sous l'an II. Nous sommes le 11 juillet 1793 et Paris s'apprête à célébrer dans trois jours les commémorations de la prise de la Bastille. Inutile de vous rappeler que nous sommes dans la période la plus sanglante de la révolution française, la Terreur.
Le dernier bain est le second roman de Gwenaële Robert, il m'a permis de connaître cette jeune auteure, professeure de lettres vivant à Saint-Malo.
Le récit se défend d'être une oeuvre historique, c'est une pure fiction dans laquelle la dimension romanesque vient se faufiler au plus près de la Grande Histoire en y apportant un nouvel éclairage.
Gwenaële Robert assume dès le préambule de ce livre son parti pris : visiter le dessous de l'Histoire, faire vaciller les statues trop bien vissées sur leurs socles immuables. Elle écrit notamment : « Peut-être faudrait-il, pour connaître l'histoire, savoir parfois baisser les yeux. La vérité n'est pas toujours au-dessus, mais en-dessous. En levant la tête, on ne rencontre jamais que les tribunes officielles, les estrades, les frontons, les arcs de triomphe. Pour savoir, il faudrait descendre sous la fine croûte terrestre qui sépare les héros des damnés de la Révolution. L'histoire est aussi là, dans les culs-de-basse-fosse, dans les caves, les cachots, les égouts où l'on s'est caché. »
En l'occurrence, ici il ne s'agit pas de dévisser une statue mais d'égratigner un tableau, celui peint par le peintre Jacques-Louis David pour rendre hommage et immortaliser la mort de son ami Marat, député de la Convention, « Ami du Peuple » tel qu'on le surnommait et assassiné par Charlotte Corday le 13 juillet 1793. David, lui-même député, en a en effet dressé la figure d'un martyr, d'un supplicié. Tout le monde connaît ce tableau célèbre pour l'avoir vu au moins une fois dans les manuels scolaires. L'homme est dans sa baignoire. Charlotte Corday vient de lui asséner un coup mortel sur le côté droit à l'aide d'un couteau pointu. Nous voyons une figure presque christique, un visage doux, presque apaisé, les yeux clos, la tête penchée en arrière...
Gwenaële Robert nous rappelle de manière ironique qu'en général cette reproduction figurait dans les manuels scolaires tout à côté de celle de la Déclaration des droits de l'Homme...
Mais sous le vernis du tableau il y a quelqu'un d'autre qu'un être doux, qu'un héros, qu'un saint. Gwenaële Robert nous invite à gratter un peu la peinture du culte, à soulever le rideau, passer de l'autre côté, dans l'envers du décor, loin de la lumière des estrades et des commémorations... À découvrir qui était réellement Marat... Découvrir le monstre.
C'est par ellipses que nous approchons pas à pas du 30 rue des Cordeliers. C'est en effet à cette adresse que vit le député de la Convention et c'est au premier étage, depuis cette fameuse baignoire, immergé dans un bain de soufre parce qu'il souffrait d'une maladie incurable, qu'il découvre chaque jour les nombreux courriers de dénonciation des présupposés ennemis de la République, il s'en délecte, assoiffé de sang et c'est là aussi qu'il signe avec hargne et jubilation les listes à n'en plus finir des têtes à découper.
Gwenaële Robert nous entraîne dans le tourbillon des trois jours qui précédent la mort de Marat. Pour cela, elle convoque plusieurs personnages qui ont tous en commun de détester « l'Ami du Peuple ». Pire, ils sont animés d'une haine commune qui les pousse à vouloir tuer Marat. Pourtant, ils ne se connaissent pas et le dessein qui les anime est bien différent pour chacun d'eux. En même temps, la haine ne leur ressemble pas, ils sont attachants, d'une grande humanité...
Ces personnages que nous dessine avec justesse et émotion Gwenaële Robert, nous deviennent brusquement proches, au fur et à mesure que nous entrons dans leur quotidien, effleurons leurs gestes, leurs rêves meurtris, tâtonnons avec eux dans la lumière éphémère du jour. C'est comme un chassé-croisé dans les quartiers de Paris, où chaque personnage avance durant trois jours dans l'accomplissement de son destin, parfois avec détermination d'autres fois avec résignation, ballottés par les tumultes et les cris de la Révolution qu'on croit entendre à chaque coin de rue.
Il y a une anglaise, Jane Ashley, qui se cache dans l'appartement d'aristocrates émigrés. Il y a Marthe Brisseau, lingère à la Conciergerie où sont enfermées la reine Marie-Antoinette, sa soeur et l'enfant Louis Capet et qui s'est prise de compassion pour le sort de ses prisonniers hors du commun. Il y a Théodose Billot, prêtre défroqué, lâche, qui a renié simplement sa foi par peur de la guillotine et qui se cache dans une pension, terrorisé par son ombre.
Et enfin il y a bien sûr une certaine Charlotte Corday, jeune fille à la fois fragile et déterminée, tout droit venue de Caen, qui loge dans une chambre d'hôtel rue Racine. Notre coeur bat pour elle. Mais si cela n'avait pas été elle, les autres auraient-ils pu mener à bien leur dessein jusqu'au bout, jusqu'à la fameuse baignoire ?
Je me suis senti totalement embarqué dans l'itinéraire de ces personnages, ils sont peints avec beaucoup d'acuité et de réalisme et la reconstitution historique en toile de fond donne beaucoup d'épaisseur à la narration. Charlotte Corday est particulièrement émouvante par sa jeunesse, son sacrifice, sa candeur et son intégrité. Car les valeurs de la République, elle y croit, elle y est attachée, mais pas à la façon dont les conçoit Marat, c'est-à-dire pas dans la terreur ni la répression.
L'auteure nous fait par ailleurs une description cocasse mais juste de la fameuse baignoire. Il s'agit plutôt d'une sorte de cuve noire, haute et profonde, en cuivre, en forme de sabot qu'il fallait presque escalader, à l'aide d'un escabeau, avant de la pénétrer par une sorte de trou d'où seul pouvait jaillir le buste. Rien à voir avec l'image d'une baignoire classique ni encore celle peinte par le peintre David pour immortaliser la scène fatale. Une façon de remettre les choses à l'endroit...
Cette baignoire connut divers aléas, suite à la vente des biens de Marat. Elle finit par se retrouver un jour chez un curé du Morbihan, dans la paroisse de Sarzeau. le bon prêtre l'avait eue en héritage d'une vieille demoiselle royaliste et catholique. Incroyable ! Il ne consentit à s'en séparer qu'en 1886 au Musée Grévin.
Je voudrais terminer par cette lettre poignante de Charlotte Corday à son père, la veille de son exécution et qui figure en citation sur la première page du roman :
« Pardonnez-moi, mon cher Papa, d'avoir disposé de ma vie sans votre permission. »
Bouleversant...
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« Sur la toile, il y a un homme. Mais dans l'ombre une femme homicidée, rejetée dans les ténèbres, et un peintre ambitieux qui aspire à la lumière de l'éternité. (…) Maintenant, autour du corps sans vie de Marat, je ne vois plus qu'eux : Charlotte et David. Je devine leurs souffles au-dessus de l'Ami du peuple, leurs âmes, également éprises d'absolu, se disputant l'immortalité de la gloire. »

Assise dans une salle du Louvre devant la copie du tableau de David « La mort de Marat » (l'original est à Bruxelles), la narratrice contemple la « scène de crime » picturale, magnifiée par David à la gloire de l'Ami du peuple qui était aussi le sien. Son regard s'introduit dans le tableau, fouille les ombres et les recoins, explore l'invisible, convoque les fantômes et, derrière les vérités assénées, part à la rencontre d'une vérité tout autre, écrasée par le poids de la légende et du discours officiel de l'Histoire.

23 Messidor, an II – 11 juillet 1793. La diligence en provenance d'Evreux fait son entrée à Paris. Une jeune fille de 24 ans en descend, elle se nomme Charlotte Corday. Au même moment vivent ou se terrent dans différents quartiers de Paris d'autres personnages qui ne se connaissent pas mais qu'unissent sans qu'ils le sachent une haine commune, un même désir de vengeance, dont nous découvrirons les motifs au fil des pages : Jane Ashley, une jeune anglaise, Marthe Brisseau, lingère à la Conciergerie et grand-mère revancharde d'un bâtard de Marat, Théodose Billot, un moine malgré lui défroqué et perdu… Tous rêvent de précipiter la mort de Marat, seule Charlotte Corday passera à l'acte : Jean-Paul Marat n'a plus que trois jours à vivre et sa baignoire, bientôt, entrera dans l'histoire.

A partir du tableau de David qui campe Marat dans la posture quasiment évangélique d'un martyr laïc sacrifié sur l'autel de la cause supérieure du peuple, gisant plein de douceur et de grâce, Gwenaële Robert mêle la fiction à l'histoire pour nous introduire dans le contexte effrayant de la Terreur et dans la vérité de l'un de ses plus effroyables bourreaux, sanctifié pour l'éternité du temps de l'art par un peintre ambitieux, avide de fortune et de gloire. Avec une grande puissance d'évocation, elle sait restituer à merveille le quotidien du Paris révolutionnaire, ses petits métiers, ses bruits et ses odeurs, son incessante activité, sa ci-devant noblesse aux abois, l'exaltation des petites gens dans cette liberté, cette égalité nouvelles, mais aussi la vaste purge républicaine, l'ivresse de la délation dans l'impunité… et la peur, constante, omniprésente, qui fait courber la tête d'un peuple écrasé par l'ombre gigantesque du Comité de salut public et de sa guillotine.

Un roman historique iconoclaste, documenté et bien écrit - l'écriture est superbe -, qui met à mal dans un portrait résolument à charge la légende longtemps véhiculée de « l'Ami du peuple » et nous le restitue dans la nudité de son âme, infiniment cruelle et sombre. Un roman passionnant et un bon moment de lecture.

[Challenge Multi-DÉFIS 2019]
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« Au bas de l'escalier, la foule est un essaim qui bourdonne « A mort ! A mort ! » ? Charlotte descend lentement. On la bouscule, on la menace, on la maudit. »

Le dernier bain, c'est celui de Marat et l'assassinat, tout le monde le sait, c'est le premier de Corday. Elle a poignardé un des principaux députés de la Montagne.

Dans cette fiction historique, l'auteure rallume avec brio les turpitudes du siècle des lumières. Ça tombe bien, les nôtres sont éteintes la nuit par souci d'économie et c'est pas la faute à Voltaire mais Rousseau en serait ravi.

Je vais faire monter Gwenaële Robert sur mon podium d'auteures captivantes aux côtés de Tracy Chevalier et de Gaëlle Josse pour l'écriture déliée qui me fait voyager et pour la sensibilité qu'elle fait éclore dans chacun des personnages rencontrés, dans chacune des situations générées.
Il n'est pas surprenant que la collection se nomme chez Robert Laffont « Les passe-murailles » tant je me suis retrouvé balloté dans les manifestations révolutionnaires ou plongé dans les regrets royalistes de certains protagonistes.

1793, C'est la terreur avec ce qu'elle engendre de haine et de rancoeur. L'auteure imagine qu'il n'y a pas que Charlotte Corday qui désire que Marat meure, c'est le côté fiction enchanteur.

Et puis il y a David qui pleure son ami regretté et le peint mort dans sa baignoire dans une pose caravagesque. Dans sa toile mythique il transforme l'hideuse baignoire sabot en somptueux catafalque bordé de draps tachés de sang.
« Elle était l'écrin du martyr, à la fois cercueil et berceau : il fallait que l'homme meure pour que naisse sa légende. »

J'ai beaucoup apprécié ce roman, ses péripéties, la documentation fournie de l'auteure et l'élégance à la traduire, j'ai savouré également le second degré qui se glisse dans le texte :
« Ce n'était pas la peine d'interdire les processions si c'était pour les singer après, avec des baignoires à la place des croix. »

Finalement, j'ai appris que Charlotte Corday, la jolie Normande de 25 ans, même si elle y perd la vie, a accompli son serment de petite fille.
« Elle sait que ce sont ceux-là les plus exigeants, les pactes de l'enfance qui vous défient de trouver le repos avant que vous ne les ayez honorés. »




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Notez sur vos calendriers révolutionnaires que c'est le 6 fructidor (le 23 août pour ceux qui vivent au jour le jour...) que sortira dans toutes les bonnes librairies (la vôtre en tout cas , je l'espère ) le nouveau roman de Gwenaële Robert, le dernier bain.
Amateurs de romans historiques où la petite histoire rencontre la grande, ou tout simplement  lecteurs curieux et hétéroclites, n'hésitez pas à vous procurer cet ouvrage qui j'en suis sûr vous ravira.
C'est à partir du tableau de Jacques-louis David, (1748-1825 là, j'avoue, j'en rajoute pour faire l'érudit...), la mort de Marat, que l'auteure a imaginé  une histoire autour des trois derniers jours du célèbre médecin, député à la convention pendant la révolution, assassiné dans son bain en cette veille de fête nationale par la toute jeune Charlotte Corday.
Marat, donc, acteur et victime de la révolution, qui, contrairement à ses condisciples de l'époque, ne périt pas sous la lame de la guillotine, mais, la tête bien sûr les épaules,  transpercé par celle acérée d'un couteau de cuisine.
Gwenaële Robert restitue parfaitement l'atmosphère de l'époque tout comme elle donne vie aux différents personnages, anonymes ou célèbres qui gravitent autour de la future victime, elle invente, bien sûr,  mais elle relate aussi. Tout n'est pas roman. Il y a de la vérité historique.
D'ailleurs, elle les a cherchés les détails,  jusque dans cette baignoire que l'on aperçoit à peine dans le tableau, cette baignoire que l'on devine et qui mérite qu'on s'y attarde,  parce que peu classique, elle va jusqu'à nous en conter le destin. Un destin lié à celui de l'hôte qui l'occupa jusqu'à son dernier souffle.
Une fois de plus Gwenaële Robert m'a séduit par son écriture et m'a donné envie de me replonger dans cette période sombre de notre histoire.
Assurément une belle lecture de cette rentrée littéraire 2018.



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critiques presse (2)
LeSoir
31 décembre 2018
Gwenaële Robert se faufile derrière la toile « La mort de Marat » pour restituer superbement le XVIIIe siècle finissant.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Actualitte
13 septembre 2018
Un roman historique ? Surtout un roman intelligent et subtil que ce Dernier bain. Presque pictural. S'emparant du passé et de ses énigmes, racontées sans prétention à les expliquer. L'humain est un immense paradoxe et son Histoire un tableau qui en cache d'autres.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (64) Voir plus Ajouter une citation
En cet été 1989, pourtant, on ne plaisantait pas avec la Révolution française : elle avait deux siècles et le pouvoir officiel entendait la célébrer en grande pompe avec une parade spectaculaire et cosmopolite jetant pêle-mêle sur les Champs-Élysées des chars africains, des valseuses mécaniques, les tambours du Bronx et les gardes de l'Armée rouge. On avait expurgé l'événement de la Terreur, des massacres de septembre, des guerres de Vendée, du Tribunal révolutionnaire. On l'avait bien lissé, nettoyé, désinfecté. Et puis, on l'avait fardé, on lui avait redonné des couleurs à grands coups de musique, de chorégraphies, de télévision et d'applaudissements. On avait mis le masque de la comédie sur le visage de l'Histoire, cette grande dame pas drôle qui prend tout au tragique, et on l'avait sommée de faire la fête, comme tout le monde : "The show must go on" !
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Peut-être faudrait-il, pour connaître l’histoire, savoir parfois baisser les yeux. La vérité n’est pas toujours au-dessus, mais en-dessous. En levant la tête, on ne rencontre jamais que les tribunes officielles, les estrades, les frontons, les arcs de triomphe. Pour savoir, il faudrait descendre sous la fine croûte terrestre qui sépare les héros des damnés de la Révolution. L’histoire est aussi là, dans les culs-de-basse-fosse, dans les caves, les cachots, les égouts où l’on s’est caché.
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Elle s'assit sur un petit tabouret. Il tira une chaise à côté d'elle. Elle se mit à jouer, sans y songer, une sonate qu'il ne connaissait pas. C'était un air facile et naïf mais qui ne manquait pas de noblesse. Il l'écoutait attentivement. Ses yeux se posaient sur sa joue, sur son cou, sur ses mains. Ils s'arrêtaient sur sa poitrine qui se soulevait doucement, comme une anémone de mer, ténue et frémissante. Elle demeurait figée, le buste droit, tandis que ses doigts mobiles couraient sur le clavier, jouaient sans elle, par habitude. Quand elle eut fini, il se fit un long silence. Dans le petit salon du cottage, il n'y eut d'autres bruits que celui de leurs respirations, d'autres bruits que celui de leurs respirations, d'autres mouvements que celui de leurs poitrines, deux soufflets à contretemps.
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Et elle palabre sur les ennemis de la nation qui sont partout, à l'extérieur, à l'intérieur, à qui on fera rendre gorge. Elle glose sur ces Vendéens qui ont juré de remettre un roi sur le trône parce que les curés leur ont farci la tête de leurs salades. Elle répète les discours entendus partout, sur les places, dans les églises désaffectées, au club des Cordeliers, les écrits lus dans les colonnes du Père Duchêne, de la Tribune des patriotes, de L'Ami du peuple. Elle n'a pas bien compris, elle mélange tout avec un angélisme teinté de violence. D'ailleurs, si elle se trompe, c'est égal, elle est patriote, définitivement rangée du côté du bien, du progrès, et cela confère à ses propos une autorité indiscutable.
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Le médecin ausculte le corps, elle retient sa respiration. L'autopsie lui parvient par lambeaux... "coup porté sous la clavicule... première et seconde côtes... tronc des carotides ouvert... blessure longue comme l'index..." Elle attend le verdict : est-il possible que sa main ait trouvé du premier coup le cœur du tyran ? Elle a frappé sans calcul, sans hésitation, avec une assurance extraordinaire. Un coup, un seul, vif et précis. La lame s'est fichée d'elle-même dans les chairs et y a fait sourdre un flot de sang. La haine est un levier bien puissant.
Soudain, la voix de Pelletan s'élève par-dessus le tumulte de la rue, une voix très grave, emplie de solennité :
— Le citoyen Marat est mort.
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Vidéo de Gwenaële Robert
Gwénaële Robert, lauréate du Prix Ouest 2023, remis pendant le Printemps du livre de Montaigu présente son livre "Sous les feux d'artifice" publié aux éditions le Cherche Midi.
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