La lecture de
Accélération : Une critique sociale du temps d'Harmut Rosa très rapidement après sa parution en français avait déclenché pour moi une espèce d'effet « waouh » ou de moment magique*. La nature du livre - un ouvrage scientifique très dense et très documenté - ne m'avait pas rebuté. La lecture ultérieure de
Aliénation et accélération toujours d'
Hartmut Rosa m'avait permis de mieux apprécier et comprendre la portée de la thèse de Rosa par sa nature moins scientifique/universitaire et plus courte comparativement à la somme constituée par Accélération : Une critique sociale. Par la suite, lorsque j'ai parlé de Rosa autour de moi, j'ai conseillé de commencer d'abord par la lecture de
Aliénation et accélération pour se familiariser avec la thèse d'
Hartmut Rosa avant de plonger dans Accélération : Une critique sociale.
À la parution en français de
Résonance en 2018, j'ai naturellement sauté sur l'ouvrage. Cette fois-ci, en revanche, aucun effet « waouh », abandon de la lecture et placement dans la « pile chancelante de livres non lus à côté de mon lit » (cf.
Tom Gauld,
La revanche des bibliothécaires) où le livre demeure encore.
Autant l'accélération - présentée comme le problème central de notre temps par Rosa - m'avait conquis, autant la
résonance - présentée comme la solution de Rosa au problème central de notre temps - m'avait laissé perplexe.
La parution de Pédagogie de la
résonance en octobre 2022 m'a donné envie de relire Rosa et de redonner sa chance en quelque sorte au concept de
résonance - cela d'autant plus que le concept est ici appliqué à l'école, milieu dans lequel je travaille. Au cours d'entretiens avec Wolfgang Endres, pédagogue de profession, Rosa explique comment transformer la salle de classe en un espace de
résonance permettant un meilleur apprentissage (du point de vue de l'élève/étudiant et du point de vue de l'enseignant - du point de vue du « teaching » et du « learning » des anglo-saxons). Discutant de la compétence (« Compétence et
résonance en dissonance », Chapitre VII), de la performance, de la manipulation avec le nudging, de l'humour en pédagogie (« L'humour comme indicateur des relations de
résonance », chapitre XI) ou de la question des smartphones (« La construction des relations à l'âge du smartphone », chapitre X), les deux pédagogues esquissent ce qui constituerait une pédagogie de la
résonance. Dans un chapitre plus personnel (« Expériences personnelles du chercheur en
résonance », chapitre XII),
Hartmut Rosa se livre davantage sur son métier d'enseignant et de chercheur, sur son village natal de la Forêt-Noire où il joue de l'orgue et se réfugie, sur quelques-unes de ses expériences à l'étranger et de son succès notamment en Allemagne et en France.
La lecture de Pédagogie de la
résonance m'a donné envie de donner une seconde chance à
Résonance - je conseille ainsi de commencer par Pédagogie de la
résonance ou
Remède à l'accélération, moins scientifique**, pour se familiariser avec le concept avant d'aborder
Résonance.
* https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/expressions-francaises/2017/10/16/37003-20171016ARTFIG00008-les-expressions-a-bannir-au-bureau-l-effet-waouh.php
** On n'échappera pas à des néologismes comme emmétamorphose : « Se métamorphoser au contact, s'emmétamorphoser, signifie s'approprier une chose de telle sorte que non seulement elle m'appartient, mais qu'elle me touche de façon existentielle, voir opère un changement en moi. Il ne suffit pas d'acquérir les choses, de les maîtriser, de savoir les manier. Ce n'est qu'en les faisant parler que je peux les emmétamorphoser. » (p. 26-27). À noter que le terme Anverwandlung n'a pas été traduit de la même façon dans
Résonance (assimilation ou assimilation-transformation) et Pédagogie de la
résonance (emmétamorphose).