Il a souri, le petit. Il s’est brusquement rappelé toutes ces confidences des visiteurs de l’été qui parlaient des lumières de la capitale. En fait, chacun tentait, dans son petit secteur, de reconstituer un village, quelque chose qui ressemblerait à son village, cet atavisme qui le poussait à trouver dans un isolé semblable le réconfort d’une épaule... Et la ville se transformait. Elle devenait la juxtaposition d’une multitude de hameaux…
Mais tout cela ne pouvait être que provisoire. L’arrivée inexorable du monde de la campagne, l’appel non moins inexorable à une population étrangère pour garnir les usines obligerait à penser l’habitat autrement. Et à cet instant, le petit voyait se mêler plusieurs impressions. La première était celle qu’il était en train de vivre au milieu des mineurs venus du Nord et de la Pologne lointaine. Il était sûr que dans deux générations ils seraient incorporés dans une population vis-à-vis de laquelle, pour le moment, ils n’étaient que des voisins du hasard. La seconde, beaucoup plus floue, le projetait dans une cité devenant autre. Il faudrait la reconstruire. Et là, n’en sachant rien, il faisait entièrement confiance à l’imagination de l’homme. Après tout, dans un autre temps, il avait été capable de passer de la hutte à la cathédrale. Alors, aujourd’hui ?…
Il n’avait qu’un souvenir qui remontait à l’année précédente. Un des jeunes parti à Paris avait renoncé au café et travaillait dans une usine, en banlieue. Et il expliquait à Louis. On avait construit un immeuble, bloc de béton qui regroupait plusieurs centaines d’appartements plus ou moins grands mais tous semblables, petits cubes dans un immense ensemble. Et il en évoquait le confort, la clarté, la facilité pour rejoindre son travail. Il n’avait pas compris quand Louis lui avait demandé :
« Comment sont tes voisins ?… »
Le petit l’avait regardé, étonné :
« Ils changent souvent car, des fois, j’en croise dans l’escalier et ce ne sont jamais les mêmes !
– Alors, tu ne connais personne ?…
– Non !… »
François se rappelait la remarque de son ami qui regardait partir ce visiteur du jour :
« Le pauvre !… »
À ses yeux, il avait perdu le contact avec l’homme. L’essentiel !…