Mon premier texte de
Françoise Sagan... Alors là, je vous vois venir : "Quoi, elle n'a jamais lu
Françoise Sagan de sa vie, c'est quoi cette plouc, et qui fait la maligne dans ses critiques, en plus ???" Oui, c'est vrai, c'est une lacune impardonnable dans ma culture littéraire, que rien ne saurait excuser. Et d'ailleurs, je ne sais même pas pourquoi je ne l'avais pas lue plus tôt. Toujours est-il que je viens donc tout juste de faire connaissance avec elle, mais sûrement pas de la manière la plus orthodoxe. Les pièces de théâtre, c'est pas vraiment ce à quoi on pense quand on parle de
Sagan, et alors un vaudeville... C'est bien simple, avec L'Excès contraire, je suis aux antipodes de l'image que je me faisais de
Françoise Sagan.
J'avais bien vu d'après la quatrième de couverture qu'il s'agissait là d'une comédie, mais je m'attendais tout de même à une once de mélancolie ou de je ne sais quoi. Pas du tout. C'est du pur vaudeville (et pas du vaudeville à la
Duras - ceux qui ont lu Suzanna Andler me comprendront), dans les règles de l'art. Tout commence donc à Vienne, en 1914 (retenez bien l'année), avec un jeune lieutenant désoeuvré, Frédéric, qui vient de coucher avec Adèle, la femme du baron Cornelius von Beldt, parti à la chasse en Prusse. Or Cornelius rentre à l'improviste avant que Frédéric n'ait quitté la chambre conjugale. D'où la provocation en duel de Cornelius. Dont Frédéric se moque, puisque les duels sont interdits à Vienne. Un seul homme a le droit de provoquer en duel presque n'importe qui. Or, devinez qui est cet homme... de là l'idée de Frédéric d'aller séduire la soeur de Cornelius, Hanaë, une vieille fille qui ne s'intéresse qu'à la chasse, et de s'en faire épouser. Cornelius n'irait tout de même pas tuer son beau-frère (alors oui, j'ai oublié de vous dire que Cornelius ne rate jamais son coup) ! Et le plan marche à merveille. Voire un peu trop. Hanaë devient une enragée de sexe, qui finit par épuiser son mari pourtant bien plus jeune qu'elle, ainsi que tous les hommes qui se trouvent à sa portée. Mais voilà qu'on découvre que
l'amour s'est invitée de façon la plus inopinée qui soit chez ce curieux couple (je n'en dévoilerai pas davantage).
C'est cocasse, ça fonctionne bien, tout en remettant le vaudeville au goût du jour (la pièce fut créée en 1987). Je parierais fort que dans cette critique sociale - car Hanaë est tout sauf un modèle de bienséance, qui choque mais qu'on n'ose attaquer de front, aristocratie oblige -,
Françoise Sagan ait cherché à égratigner toute une société mondaine, superficielle, avide de ragots, qu'elle-même côtoyait bien souvent. Si ça n'est pas une grande pièce, c'est une comédie efficace, qui atteint bien son but, et dont la fin est délicieusement ironique (rappelez-vous, ça se passe en Autriche-Hongrie, en 1914...) Je doute de retrouver un jour ce ton léger et drôle chez
Sagan, mais ce fut un bon moment de lecture.
Challenge Théâtre 2020