Il y avait des mois qu'il avait commencé de se sentir perdu. Un soir, d'un tramway en marche, il avait soudain remarqué le ciel ; voilà un fait terrible : l'existence du ciel. C'est en le remarquant, en élevant son regard dans les profondeurs déjà envahies par l'arrivée de la nuit, qu'il avait mesuré qu'il était un homme perdu. (Un Deux Trois Quatre Cinq Six Sept Huit)
Cher M…
je désire que vous sachiez qu’il fait très froid à San Francisco aujourd’hui et que je gèle. Il fait si froid dans ma chambre qu’à chaque fois que je me mets à écrire une nouvelle, le froid m’arrête et que je dois me lever et faire des exercices d’assouplissement. Cela veut dire, je pense, qu’il faut faire quelque chose pour que les auteurs de nouvelles aient chaud. Quelque fois, quand il fait très froid, je peux écrire des choses très bonnes, mais d’autres fois je ne peux pas. (…) Je déteste tout à fait laisser passer un jour sans écrire une nouvelle, et c’est pourquoi j’écris cette lettre : pour vous faire savoir que je suis très en colère contre le temps. N’allez pas penser que je suis assis dans une jolie chambre chaude dans la Californie ensoleillée, comme on dit, et que j’invente toutes ces histoires sur le froid. Je suis assis dans une chambre très froide et il n’y a de soleil nulle part, et la seule chose dont je puisse parler est le froid parce que c’est la seule chose qui se passe aujourd’hui. Je gèle et mes dents claquent.
J’aimerais savoir ce que le parti démocrate a jamais fait pour les auteurs de nouvelles qui gèlent. Tous les autres gens se chauffent. Nous, nous devons compter sur le soleil et en hiver le soleil n’est pas une chose sur laquelle on puisse compter. Telle est la situation délicate dans laquelle je me trouve : avoir envie d’écrire et ne pas pouvoir, à cause du froid.
HORIZONTAL IL VEILLE au sein des dimensions universelles, s’exerçant au rire, à la gaieté, à la satire, la fin de tout, chaleur intense des volcans, les rues de Paris, les plaines de Jéricho, infini glissement comme d'un reptile en abstraction, une exposition d'aquarelles, la mer et l’œil remarquable du poisson, symphonie, du jazz à l’Opéra, réveille-matin et claquettes du destin, un entretien avec un arbre, l’écoulement du Nil, le rugissement de Dostoïevski et le soleil, sombre.
Quand ma mère pense à moi, c'est une douleur qu'elle a jadis éprouvée, un bébé à son sein, un petit enfant dans la maison, un garçon qui allait à l’école, et maintenant un jeune homme au vilain visage, un gars inquiet et demi-fou qui erre, plein d’étrangeté.
Je sais que ce n'est pas la fortune, parce que la fortune a frappé à porte il y'a plusieurs années, un jour que j’étais sorti pour chercher du travail.
Poème de William Saroyan sur le génocide arménien de 1915.