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3,8

sur 2960 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Peut-on se perdre en littérature ? Assurément ! Surtout si l'objet littéraire en question se révèle être un véritable labyrinthe.
La plus secrète mémoire des Hommes c'est avant tout une enquête, celle du narrateur, jeune écrivain sénégalais qui va remonter la trace d'un auteur depuis bien longtemps oublié. L'objet de la quête s'appelle TC Elimane, couvert de gloire fin des années 30 pour son unique roman mais qui va tomber tout aussi brutalement en disgrâce quelques mois après. Diégane, notre enquêteur, va devoir s'enfoncer dans l'existence de ce fantôme insaisissable et tenter de retracer la vie d'Elimane à travers les lieux, les époques et les personnages que ce dernier a croisé.
A travers les profondeurs et l'obscurité c'est une histoire du XXème siècle qui apparaît sous les pas : la colonisation, la Shoah, les migrations, les exiles… C'est tout en nuance et en vertige que Diégane va évoluer pour tenter de s'extirper de la malédiction entourant le mystérieux auteur.
Ce livre emporte au loin, dans les méandres de plusieurs vies qui s'entremêlent. Quelques mots et nous voilà happé par ce dédale tortueux, mais lumineux.
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Difficile de rendre compte de la qualité de cet ouvrage, tant tout a été dit, trop dit, au sujet de ce dernier Goncourt.

Sur ce point, il y a les défenseurs, qui disent que c'est un GRAND livre, et les détracteurs, qui récusent l'ambition de ce livre qui se « regarderait écrire ». Autant le dire tout de suite, je fais partie des subjugués, qui voient en ce livre une magnifique déclaration d'amour à la littérature, avec toutes les questions sociales, sociétales et identitaires qu'elle porte en elle. Il y a un respect de l'écriture qui se sent dans chacune des lignes : tout est très travaillé, chaque mot est bien choisi, chaque aspect est nommé. J'entends que certaines personnes trouvent cela arrogant, que le style est pompeux, mais personnellement j'ai juste trouvé cela très littéraire et très réussi.

La plus secrète mémoire des hommes retrace le parcours de Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, résidant à Paris depuis ses études de lettres. Diégane se pose mille et une questions sur « qu'est-ce qu'un bon livre », sur l'essence même de la littérature. Il sort beaucoup, échange avec de nombreuses personnes. Un jour, il découvre un roman, le labyrinthe de l'inhumain, qui le scotche à jamais. Tout dans ce livre lui semble grand, même si celui-ci a été accusé de plagiat. L'auteur de ce livre, T.C. Elimane, a disparu des radars peu de temps après la parution du livre. Diégane se met alors en tête de le retrouver, ou tout du moins de reconstruire son histoire.

Voilà pour le synopsis, léger.

La plus secrète mémoire des hommes est un livre très dense, qui traite certes de littérature, mais aussi de fascination, de colonisation, d'antisémitisme, de légendes et de contes, d'Afrique et d'Occident. C'est un livre qui retrace un cheminement identitaire : celui d'un jeune homme au confluent de plusieurs courants, plusieurs continents, plusieurs choix. Un jeune homme qui cherche à percer qui se cache derrière un très grand livre, pensant que la réponse à cette quête sera la réponse à sa propre quête… Ce qui n'est pas complètement faux.

Il m'a semblé qu'il y avait, dans cet ouvrage, un peu de Martin Eden de Jack London. Une histoire d'homme qui cherche une vérité littéraire, une justesse inaccessible et peut-être décevante. Alors oui, les phrases sont longues, il y a des détours, des mots hors du commun, mais c'est justement ce que j'ai adoré dans cette lecture. J'ai eu enfin le sentiment de lire de la littérature, au sens du véritable exercice littéraire. Et je dois admettre que la lecture contemporaine qui a suivi m'a semblé bien médiocre en termes de style, souffrant de la comparaison avec La plus secrète mémoire des hommes.

En bref, une merveille.

Jo la frite.

Lien : http://coincescheznous.unblo..
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Je suis ressorti de cette lecture complètement rincé. Rincé mais heureux, rincé mais subjugué. Rincé parce que cette lecture est très exigeante. Notre attention doit rester soutenue du début à la fin, nos neurones sont soumis à rude épreuve. Tout est A++ dans ce roman : le vocabulaire, le style, la construction littéraire, il n'y a rien à jeter !

J'ai passé mon temps à surligner des phrases tellement elles sont bien écrites, j'ai consulté Google (on ne dit plus « Le Petit Robert » de nos jours) un nombre incalculable de fois…. cette précision du mot juste, c'est bluffant !

J'ai retrouvé la mise en abyme, procédé utilisé dans un des romans que j'avais lu récemment (L'Ombre du vent). Dans « La plus secrète mémoire des hommes », l'auteur sénégalais ( Mohamed Mbougar Sarr) évoque un jeune écrivain sénégalais contemporain en devenir (Diégane Latyr Faye), qui fait des recherches au sujet d'un écrivain/poète sénégalais (Elimane), disparu sans laisser de trace, après avoir publié un roman magistral en 1938, lequel n'a hélas pas rencontré son public pour des raisons que le lecteur découvrira au fil du récit.

C'est la littérature qui est le thème principal du roman de Mohamed Mbougar Sarr. La littérature et ses serviteurs, les écrivains. Et plus particulièrement les écrivains africains, ceux qui ont reçu une double culture, celle de l'Afrique et celle de la France.
A quoi sert la littérature ? Pourquoi écrire des livres ? Un écrivain d'origine africaine ne se dénature-t-il pas en écrivant en français ? Un roman peut-il être la somme de tous les romans ? Peut-on survivre lorsqu'on a écrit son Roman, celui après lequel vous n'avez plus rien à dire ?

Nous voyageons dans le temps et dans l'espace. Nous traversons le vingtième siècle jusqu'à nos jours (2018), le Sénégal et la France à travers les différentes péripéties qui jalonnent l'Histoire : la colonisation, la première guerre mondiale, l'entre deux guerres, les décennies qui se suivent et ne se ressemblent pas. Nous partons à Amsterdam et à Buenos Aires. Et nous finissons là où tout a commencé : au Sénégal. Avec toujours la littérature comme boussole.

Nous découvrons le jeune Diégane Latyr Faye, ses amours, ses ami(e)s parmi lesquels l'écrivaine sénégalaise Siga d'(l'araignée-mère), rouage essentiel de ce roman . Elle fait la liaison entre le passé et le présent, elle est la mémoire de l'histoire d'Elimane, le personnage central de ce roman. Elimane, le Rimbaud nègre qui a volontairement disparu des radars et s'est muré dans le silence après l'échec et la cabale contre son roman « le labyrinthe de l'inhumain ».

Personnellement, je n'ai jamais été déçu par les Goncourt que je lis chaque année depuis une quinzaine d'années. Les romans primés le sont toujours pour de bonnes raisons, qui ne sont pas forcément les mêmes d'une année à l'autre. Évidemment, les choix ne peuvent pas plaire à tout le monde. Il me semble que c'est au lecteur de s'adapter, tout en sachant qu'il a toujours devant lui un roman de grande qualité. le prix Goncourt 2021 n'est pas facile. Il se mérite. Pour moi, c'est une véritable pépite.

Chapeau l'artiste !
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Ce roman m'a complètement passionnée.
Si la littérature et l'écrivain sont en toile de fond de ce livre, bien d'autres thèmes dont abordés de facon très intéressante que ce soit la recherche d'identité, la fidélité à sa culture d'origine, les liens familiaux, la colonisation...
J'ai été séduite par le style et l'écriture de ce roman, happée par l'intrigue et complètement dépaysée par les ambiances et les référents culturels.
C'est pour moi un roman ou on peut s'arrêter à chaque page tant l'intensité du propos est forte et amène une réflexion et une remise en question constantes.
Un livre que je relirai pour approfondir ma réflexion.
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A l'instar du "Labyrinthe de l'inhumain", oeuvre dans l'oeuvre de Mbougar Sarr, j'ai beaucoup de mal à mettre un trait final à ma lecture de "La Plus Secrète Mémoire des Hommes". Cette "enquête" est fabuleuse dans tout ce qu'elle offre d'histoires et d'Histoire. C'est aussi une ode à la littérature.
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Une superbe découverte que ce livre, foisonnant, riche, porteur à la fois d'un regard sur le monde et d'une réflexion profonde sur le sens que la littérature peut y avoir. L'Afrique, à travers son histoire, son identité historique et culturelle, émerge avec force du récit, elle inscrit les personnages dans le constat d'un asservissement multi séculaire, structurant la société, conditionnant les mentalités jusqu'à nos jours. Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais incarne cette Afrique, celle des jeunes intellectuels, qui rejettent les restes du colonialisme aussi fortement qu'ils aspirent à se fondre dans les schémas culturels occidentaux. Ainsi, le poids de la France est-il toujours bien présent, le roman en fait un postulat et réussit au-delà de ce constat à affirmer l'identité culturelle du Sénégal, les dernières pages du roman achèvent brillamment d'en apporter la preuve, en miroir aux premiers chapitres, davantage conditionnés par le contexte de la vie littéraire en France. Très vite pourtant ce face à face entre l'ancienne métropole et son ancienne colonie va se fondre dans une course poursuite, un jeu de piste habile. La recherche pour Diégane, d'un écrivain sénégalais, auteur en 1938, d'une oeuvre majeure, rapidement vilipendée puis oubliée, tient lieu de clé de voute au récit. La narration, les personnages s'enroulent autour de ce pivot essentiel. « le labyrinthe de l'inhumain » fournit ainsi un prétexte magnifique à ces allers-retours de l'histoire entre France et Sénégal, dans un entrelacs sans fin qui emprunte beaucoup à la figure d'un labyrinthe dans lequel le narrateur finit par se trouver lui-même. Dans les méandres de cette quête, l'auteur dresse le tableau accablant du mépris colonial dont Elimane a fait les frais, l'analyse historique toutefois n'occulte pas les autres aspects du roman, elle en est un élément, manié souvent avec humour, avec une certaine distance qui n'enlève rien à sa force. Au-delà de cette toile de fond historique, la recherche d'Elimane par Diégane donne lieu à la naissance de somptueux personnages dont la plupart sont des femmes, Siga D, écrivaine, comme une incarnation déclinée de « L'impératrice rouge « de Leonora Miano, déroule le fil d'Ariane. Les autres figures féminines ne sont pas moins impériales, la folie terrible de Mossane sous le manguier, la ténacité d'enquêtrice de Brigitte Bollème, la résistance de Thérèse, la sagesse de Maam Dib…Ces personnages sont portés par une écriture personnelle, fière, ciselée comme un défi dans le choix des mots, une narration serpentine qui ne perd jamais le fil et sait entraîner le lecteur dans la fable, l'imaginaire, le dédale des vie set des passions. le récit emboité du « Labyrinthe de l'inhumain » forme la trame de « La plus secrète mémoire des hommes », dans une mise en abîme d'où seule surgit la force de l'écriture dans son essence, son intelligence, son but.
Un livre -kaléidoscope tout à fait exceptionnel.
Voilà longtemps que le jury du Goncourt n'avait pas fait preuve d'autant de clairvoyance dans la révélation d'un talent d'écriture.
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N°1613- Décembre 2021

La plus secrète mémoire des hommesMohamed Mbougar Sarr – Éditions Philippe Rey/Jimsaan.
Prix Goncourt 2021.

Au départ, c'est à dire en 2018, pour Diégan Latyr Faye, jeune auteur sénégalais, talentueux et ambitieux mais inconnu, il y a la rencontre à Paris avec un livre mythique paru en 1938 « Le labyrinthe de l'inhumain »de T.C. Elimane (en réalité de son nom africain Mbin Madag Diouf), un écrivain un peu mystérieux et controversé, connu pour avoir été le « Rimbaud nègre », dont le chef d'oeuvre d'abord salué par la critique, déclencha un scandale à cause d'une accusation de plagiat, ce qui fit disparaître son créateur de la scène littéraire. Diegan vit à Paris en tant qu'étudiant, rencontre une foule de gens, des femmes surtout, et d'ailleurs parmi tous ceux qu'il croise, et ils sont nombreux, beaucoup veulent devenir écrivains et plus précisément écrivains de langue française.
Dans la première partie le «  Journal estival » est consacrée notamment à différents commentaires sur ce roman ainsi que sur celui écrit par Diégan « L'anatomie du vide » qui n'a pas lui non plus connu un grand succès. J'avoue que je me suis un peu ennuyé à cette lecture malgré l'érudition du texte. En revanche, la partie qui traite de la vraie histoire d'Elimane, ou peut-être aussi de sa légende, racontée par Siga D. , qui est sa cousine, et aussi par d'autres personnes qui l'ont approché ou ont connu certains de ses amis, est bien plus passionnante. Chacun donne sa version mais on apprend ses ascendances, le « secret » de sa conception, le déroulé de son parcours, l'accusation de plagiat dont il a fait l'objet. C'est à mon sens là que commence véritablement le roman. La présence des femmes est dans cette oeuvre des plus importantes, soit qu'elles sont sensuelles, amoureuses (elles font beaucoup l'amour) et même parfois porteuses d'une charge érotique certaine, soit qu'elles témoignent de l'itinéraire d'Elimane, mais ce qu'elles en disent épaissit en réalité le mystère autour de lui, suscitant ambiguïtés, interrogations et fantasmes. Il est l'homme d'un seul livre et sans doute quelqu'un dont St Thomas d'Aquin conseillait de se méfier. D'ailleurs la vie de tous ceux, et celles, qui l'ont approché a été bouleversée et Diégan n'y échappe pas qui, fasciné par ce livre, s'est mis dans la tête de le retrouver. Cet écrivain est d'autant plus inquiétant qu'au cours de ses investigations Diégan s'aperçoit que certains de ses lecteurs, dont la plupart étaient des lettrés, des critiques littéraires, souvent des détracteurs, se sont suicidés après avoir lu « Le labyrinthe de l'inhumain » ce qui n'est pas sans susciter des interrogations sur la responsabilité d'un écrivain sur le message qu'il délivre à ses lecteurs. Il faut se souvenir aussi qu'Elimane est l'héritier, de part ses origines, d'une culture africaine différente de la nôtre et empreinte de magie irrationnelle. Que ces suicides inexpliqués, mais qui sont peut-être de simples coïncidences, trouvent un commencement d'élucidation dans le pouvoir des mots et le désir de vengeance de l'auteur, pourquoi pas ? de là à penser que ce roman est maudit, il n'y a peut-être qu'un pas ! Je remarque néanmoins que si, parmi tous ceux qui ont lu ce livre beaucoup se sont suicidés, Diégan et Siga D . eux, sont restés en vie, peut-être pour témoigner de leur passage sur terre par l'écriture parce que c'est ce qui a des chances de survivre à l'auteur.
Cette recherche donne un voyage labyrinthique, à travers les luttes politiques, une véritable errance sur trois continents, l'Afrique, l'Europe, l'Amérique, évoquant le titre même du roman de T.C. Elimane et correspondant de la part de cet écrivain à une fuite, à la recherche de quelque chose ou de quelqu'un, peut-être de lui-même et de son destin? La quête menée par Diégan est frustrante au début puisqu'il ne rencontre que des gens qui ont connu directement ou indirectement Elimane et qu'il n'a jamais à sa disposition que des témoignages parfois contradictoires, c'est à dire qu'il ne le retrouve jamais. Cela donne un portrait assez flou mais dessiné comme on assemble les pièces d'un puzzle. En réalité Mohamed Mbougar Sarr fait de cet auteur un véritable personnage de roman, un homme mythique insaisissable et qui se dérobe sans cesse . En effet, ce texte est dédié à Yambo Ouologuem (1940-2017), un écrivain malien, bien réel celui-là, puisqu'il obtint le Prix Renaudot en 1968 pour « Le devoir de violence » mais qui fut, lui-aussi, accusé de plagiat et oublié de tous. Mohamed Mbougar Sarr s'inspira de sa vie sans pour autant la copier puisqu'il fait naître son héro au cours de la guerre de 1914, au moment où son père, un tirailleur sénégalais, meurt dans les tranchées de la Somme. Il a au moins l'intérêt d'évoquer cet auteur, c'est à dire de le faire revivre. Ce livre s'ouvre également sur une citation du poète chilien Robert Bolaňo qui donne son titre au roman de Mbougar Sarr et surtout qui évoque la vie d'une Oeuvre, son parcours dans le temps et sa mort inévitable, comme meurent toutes les choses humaines.
A la fin de ce roman Diégan évoque, à travers l'écrivain congolais Musimbwa anéanti par son expérience parisienne, la mort, celle de l'Afrique, de sa culture, de ses traditions, de ses légendes, de ses mystères, qui a cédé devant la colonisation française en faisant d'Elimane à la fois le produit et l'aboutissement de cette colonisation puisqu'il a réussi à s'exprimer en français par l'écriture et qu'il souhaitait être reconnu comme un authentique écrivain, mais aussi le symbole de sa propre destruction puisqu'il n'a pas été reconnu pour ce qu'il voulait être et qu'on l'a précipité dans l'anonymat, la solitude et l'anéantissement. Finalement tout cela n'a été pour lui qu'un leurre et il estime qu'Elimane a été exclus de ce jeu, non à cause du plagiat mais parce qu'il incarnait cet espoir impossible. Il en tire des leçons pour ce peuple d'Afrique qui courre derrière l'Europe et qui évidemment connaîtra le même sort. Musimbwa ne se voit d'avenir qu'en Afrique et lance à Diégan un défi, celui de découvrir à sa manière le vrai message d'Elimane, d'être s'il le peut, un écrivain-témoin. Il revient chez lui comme le lui conseille son ami, retrouve les traces d'Elimane mort depuis un an et recueille son message. Il sera son témoin par l'écrit parce qu'il comprend enfin le sens de son livre, mais retourne à Paris parce que l'écriture est sa vie, qu'il se doit d'y obéir.
Je note la longueur de certaines phrases, parfois de plusieurs pages qui, même si elles sont fort bien écrites, ne facilitent pas la lecture. Personnellement je les préfère courtes et même si on peut y voir une référence à Marcel Proust et à Mathias Enard, il convient de remarquer que ces trois romanciers ont été couronnés par le prix Goncourt ! Cela n'empêche pas ce roman d'être fascinant tant par l'histoire qu'il déroule sous nos yeux que par le style de son auteur, par ses descriptions, par sa poésie, par son érudition et par l'intérêt qu'il suscite chez son lecteur. J'ai ressenti personnellement une impression de solitude, de déréliction et de désespérance dans ce texte, une sorte de malaise né d'une quête impossible, d'une impuissance, un peu à la manière de ce qu'on peut éprouver quand ce qu'on veut atteindre se révèle définitivement hors de notre portée et le demeurera.
Finalement Diegan achèvera sa quête mais pas exactement de la manière qu'il souhaitait et pas non plus en ayant trouvé ce qu'il recherchait, l'ombre d'Elimane n'ayant cessé de se dérober. Cet ouvrage est aussi une réflexion sur les écrivains, sur les critiques mais surtout sur la littérature, ses fondements, ses motivations, sur l'écriture et son alternative (écrire ou non, et même impossibilité d'écrire, c'est à dire exprimer vraiment ce qu'on veut dire), son importance comme des traces laissées après la mort de son auteur.
Cela dit, que le Jury Goncourt ait couronné un écrivain étranger d'expression française est toujours une excellente chose puisque cela conforte la francophonie qui est, malheureusement, bien en danger. Cela met également en lumière un romancier original et une voix africaine trop absente de notre littérature.
Je n'ai pas toujours été d'accord avec ce prestigieux prix et n'ai pas manqué de le dire dans cette chronique mais ici j‘ai plaisir à saluer ce roman.
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Ce livre, qui est rentré dans l'histoire littéraire en 2021 par le prix Goncourt, a toujours eu ma méfiance. Il a fallu que je sois juré du prix des lecteurs @livredepoche pour que je le lise. Et j'ai pris une vraie claque littéraire !

La qualité d'écriture de l'auteur est indéniable, les phrases sont percutantes, résonnent pour tout lecteur ou écrivain qui se respecte.
Le registre de langue, érudit, fourmille de références pour explorer la création littéraire à travers le prisme du livre mythique et de l'auteur fictif.

La composition est complexe mais le suspense interdit de lâcher ce roman qui est un cri d'amour à la littérature.

À mi-chemin entre enquête et réflexion sur le métier d'écrivain, l'auteur fait vivre Diégane, un jeune auteur sénégalais qui part à la recherche de T. C Elimane, auteur d'un seul livre, adoubé dans le milieu littéraire avant d'être déchu par des accusations de plagiat. Introuvable depuis lors, Diégane remonte son histoire, enchâssant les pays, les époques et les genres littéraires.

Un roman cérébral vibrant d'émotion et de véracité sur l'acte d'écrire.

Sublime !

Ceux qui comme moi émettait des doutes, je n'ai qu'un conseil : sortez de votre zone de confort et lisez-le. 😉
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Quel roman et quel souffle ! Quelle diversité aussi ! Diégane Latyr Faye, sénégalais qui vit à Paris a bien écrit un premier roman intitulé "Anatomie du vide" mais il n'en est pas très content. L'écrivaine consacrée, Siga D, avec qui il est ami, lui parle d'un mystérieux roman intitulé "Le Labyrinthe de l'inhumain." Publié en 1938, il a été porté par deux éditeurs, Charles Ellenstein et Thérèse Jacob, et encensé par Brigitte Bollème, une journaliste très en vue . Lancé et admiré, ce texte inclassable qui vaut à son auteur le qualificatif de Rimbaud Nègre, voit son succès se tarir quand il est question de plagiat. Dès lors, en effet, l'écrivain malmené, s'évanouit dans la nature.Diégane reste fasciné quand il découvre ce texte et il n'aura de cesse d'en savoir plus ce TC Elimane (T pour Thérèse, C pour Charles ) et son oeuvre. Il lui faudra faire de multiples rencontres, écouter de multiples versions de la vie de cet auteur qui a mystérieusement disparu, pour parvenir à retrouver de façon inattendue la trace de celui qui s'est toujours dérobé. Qui était donc Elimane (étymologie: le Seigneur est mon Dieu) ? Un écrivain absolu? Un plagiaire honteux? Un mystificateur génial? Un assassin mystique (ceux ou celles qui ont condamné "Le Labyrinthe de l'inhumain" meurent de mort violente), Un dévoreur d'âmes? Un nomade distingué (il vit longuement à Paris puis en Argentine), un enfant qui ne savait si son père était parti à la guerre pour l'honneur de la France ou s'il s'agissait de son frère, qui, lui, était resté au Sénégal...
Roman d'une folle érudition, roman à la construction savante, "La Plus secrète mémoires des hommes" nous promène dans les milieux littéraires parisiens de l'entre deux guerres et d'aujourd'hui, dans les théories coloniales, dans la décolonisation et dans les arcanes du racisme, de l'antisémitisme et de diverses formes d'anéantissement. Il nous permet d'aborder le thème de l'écrivain noir qui écrit en français et cherche où est sa place. Il est question aussi du silence en littérature, de la confrontation entre l'écriture et la vie et de la nécessité de l'écrit. Nous sommes tantôt au Sénégal, tantôt en France, tantôt en Argentine et nous abordons diverses époques.
Un livre qui se présente comme un tourbillon, exige beaucoup de son lecteur et ne livre pas facilement ses secrets ! Je suis restée émue et enthousiasmée par cette lecture qui montre bien que Mohamed Mbougar Sarr est un écrivain avec lequel il faut compter !
Il va de soi, pour conclure, que cette modeste critique ne saurait embrasser toute la richesse d'un tel texte. C'est après tout une bonne nouvelle car faire une seconde lecture d'un roman aussi ambitieux et complexe ne peut que s'imposer !



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Un livre à propos d'un livre, c'est toujours fascinant n'est-ce pas ? D'autant plus quand la quête de ce livre n'est finalement que la quête de la littérature elle-même, la quête du livre ultime, parfait, qui mettra fin à toute velléité d'écrire encore mieux que celui-ci. Ajoutez à cela une quête de soi, une identité perdue, fracturée à retrouver, mais aussi plusieurs histoires d'amour qui se croisent, plusieurs destins qui s'entrechoquent, mettez tout ça dans une narration labyrinthique qui mène son lecteur de circonvolution en circonvolution, et vous aurez à peu près un aperçu de ce qu'est ce Prix Goncourt 2021, La plus secrète mémoire des hommes.

Maintenant que nous avons posé le décor de l'histoire, pour le moins déroutante de ce récit, laissez-moi vous dire un mot du style de cet auteur surprenant. Il ne cesse de glisser dans son texte des remarques qui semblent anodines mais qui résonnent étrangement en nous lecteurs. Ces petites vérités sur la vie que seul un écrivain peut formuler innocemment en parlant de ses personnages, et qui ont ce goût d'universalité qui nous donne l'impression que ce type-là, assis derrière son bureau à écrire, il a vraiment tout compris.

Vous l'aurez compris, j'ai passé un excellent moment dans cette lecture étonnante, bousculante et étrangement clairvoyante. Forcément, me direz-vous, on ne remporte pas le Prix Goncourt pour rien – à quelques exceptions près, je dois dire. En tout cas, Mohamed Mbougar Sarr l'a bien mérité, avec ce livre qui donne un sacré aperçu de son indéniable talent, que je continuerais probablement d'explorer avec d'autres lectures.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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