En avril 1900, le physicien britannique Sir William Thompson, également connu sous le nom de « Lord Kelvin», a donné une conférence à la Royal Society. Lord Kelvin y déclara avec conviction que la physique était une science pour ainsi dire aboutie; restait selon lui « deux petits nuages» à résoudre pour que l'ensemble soit parfaitement cohérent (Kelvin, 1902). Ces deux nuages seront connus sous le nom d'« éther lumineux» et de « catastrophe ultraviolette ». Tous deux faisaient référence à des anomalies qui ne cadraient pas avec la vision prédominante de ce que nous appeIons aujourd'hui la physique classique, mais tous deux étaient également considérés comme des problèmes qui seraient finalement résolus grâce à des ajustements mineurs des théories existantes.
Huit mois plus tard, le physicien allemand Max Planck présenta une idée révolutionnaire lors d'une séance de la Société allemande de physique à Berlin (Planck, 1901). L'idée de Planck résolvait l'un des nuages mentionnés par Lord Kelvin et a posé les bases de la théorie quantique. Einstein expliqua l'autre nuage quelques années plus tard.
Beaucoup de scientifiques n'ont pas conscience que le matérialisme est une hypothèse ; pour eux, il est synonyme de science et représente la vision scientifique de la réalité ou du monde. Le matérialisme ne leur a pas été vraiment enseigné et ils n'ont pas l'occasion d'en discuter. Ils l'absorbent par une sorte d'osmose intellectuelle.
Le post-matérialisme offre la possibilité de faire émerger un nouveau paradigme, qui peut non seulement aider la science à se développer de manière novatrice, mais aussi apporter une contribution importante à la transformation continuelle de la conscience humaine. Le paradigme dominant actuel, connu sous le nom de « matérialisme scientifique » (ou simplement« matérialisme »), prétend à tort que tout est matériel (c'est-à-dire constitué exclusivement de matière physique) et que tout phénomène est le résultat d'interactions purement matérielles. Cette vision du monde a plus ou moins dominé la science et le monde académique pendant des siècles, en dépit du fait que nombre des principaux précurseurs de la science moderne l'ont rejetée implicitement ou explicitement. Grâce à l'accumulation de preuves et des connaissances plus approfondies, l'ancienne vision matérialiste du monde a commencé à s'effriter et nous atteignons enfin un point de basculement. Cette anthologie est une publication essentielle, elle contribue à éclairer la voie à suivre dans cet extraordinaire voyage vers une science et une société post-matérialistes.
Au cours du XXe siècle, ces postulats se sont durcis puis furent transformés en dogmes et rassemblés en un système de croyances connu sous le nom de « matérialisme scientifique » (Burtt, 1949 ; Sheldrake, 2012). Selon ce système de croyances, l'esprit et la conscience - et tout ce que nous vivons subjectivement (par exemple nos souvenirs, nos émotions, nos objectifs et nos épiphanies spirituelles) - sont identiques et ne sont rien de plus que des processus électriques et chimiques dans le cerveau ; ces processus cérébraux étant en définitive réductibles à l'interaction entre des éléments physiques fondamentaux. Une autre implication de ce système de croyance est que nos pensées et nos intentions ne peuvent avoir aucun effet sur nos cerveaux et nos corps, sur nos actions et le monde physique, puisque l'esprit ne peut impacter directement les systèmes physiques et biologiques. En d'autres termes, nous, les êtres humains, ne sommes rien d'autre que des machines biophysiques complexes. En conséquence, notre conscience et notre personnalité disparaissent automatiquement lorsque nous mourons.
La vision matérialiste du monde qui a dominé la science et le monde académique au cours des derniers siècles a fait son temps. Le vieux paradigme matérialiste obsolète a enfin commencé à s'effondrer et un nouveau paradigme est en train d'émerger.
Comme Thomas S. Kuhn l'a fait remarquer avec justesse, l'histoire de la science a été marquée par quelques moments particuliers caractérisés par des percées conceptuelles majeures. Comme mentionné précédemment, Kuhn a appelé ces percées des « changements de paradigme » (Kuhn, 1970) […].
Il semble que nous nous rapprochions maintenant d'un autre changement de paradigme capital, à savoir le passage de la science matérialiste à la science post-matérialiste. Très prometteuse pour la science, cette transition - qui nous conduira à la prochaine grande révolution scientifique - sera d'une importance vitale pour l'évolution de la civilisation humaine. Je suis convaincu que cette transition sera encore plus déterminante que celle du géocentrisme à l'héliocentrisme.