Je remercie les éditions Payot et Rivages pour l'envoi du nouveau roman d'
Alexandra Schwartzbrod «
Les Lumières de Tel Aviv » publié en mars 2020.
Alexandra Schwartzbrod est romancière, essayiste, spécialiste du Moyen Orient et directrice adjointe de la rédaction de Libération. Elle a reçu le Prix SNCF du polar en 2003 pour
Balagan et le Grand prix de littérature policière en 2010 pour
Adieu Jérusalem, deux romans qui composent, avec
Les Lumières de Tel-Aviv, un cycle consacré à Israël.
Dans le contexte particulièrement tendu du conflit israelo-palestinien, ils sont six à vouloir franchir le nouveau mur érigé entre
Jérusalem et Tel-Aviv. Haïm Müller, un ultraorthodoxe en fuite est l'un d'eux. Prêt à risquer sa vie pour franchir le mur.
p. 32 : « Il avait franchi l'infranchissable. Malgré la douleur, une bouffée de fierté l'envahit. Il s'était détaché de ce fou de Golan. de ce système de surveillance insensé qu'il était en train de mettre en place et qu'il ne pouvait pas cautionner. «
En effet, les ultrareligieux se sont emparés de
Jérusalem dans le but de créer le Grand Israël, tandis que les Résistants tentent de rétablir la liberté à Tel-Aviv. Haïm s'est enfui en traître pour éviter un drame.
p. 47 : » – […] ce chien de Haïm s'est enfui avec les plans d'un système de surveillance unique au monde, je lui avais offert toute ma confiance, j'en avais fait le dépositaire du plus grand secret de l'histoire d'Israël et il m'a trahi, tu te rends compte ? Il m'a trahi, il t'a trahi, il nous a tous trahis ! »
Ana, l'épouse abandonnée qui rêve de liberté, tentera elle aussi l'impossible pour atteindre l'eldorado.
p. 38 : » Jamais elle n'aurait imaginé que l'antisémitisme reviendrait en Europe puis dans le monde, que les juifs seraient à nouveau contraints de fuir et que les démocraties occidentales vacilleraient les unes après les autres. «
Avec la complicité de la Russie, le gouvernement du Grand Israël est prêt à s'armer de robots tueurs pour empêcher le franchissement du mur.
p. 154 : » – Moscou nous a livré des robots armés avec prise de décision autonome. Les progrès de l'intelligence artificielle sont tels qu'ils pourront très vite, sans l'aide d'humains, décider de tirer. C'est le but, si j'ai bien compris. «
Ils sont Haïm, Ana, Moussa et Malika, Isaac et Eli. Chacun a ses raisons de vouloir franchir cet effroyable mur, symbole d'une déchirure des peuples et des croyances. La radicalisation semble avoir atteint un point de non-retour, où les négociations et les pourparlers n'ont plus leur place.
p. 219 : » A partir de quand ce pays était-il devenu ivre de lui-même et de sa toute puissance ? le vote de la loi de l'Etat-nation du peuple juif, en juillet 2018, avait sans doute été un palier décisif. Pour la première fois, Israël se définissait officiellement comme un Etat purement juif, niant tous ses droits à la minorité arabe et abandonnant son statut de démocratie. Cet été-là, personne n'y avait pris garde à l'exception d'une poignée d'intellectuels que le public occidental écoutait comme on écoute une petite musique de fond, pour se donner bonne conscience. «
Glaçant de réalisme, ce polar est un passionnant page-turner. Entre dystopie et roman d'anticipation, j'y ai retrouvé des traits communs avec » 2084 » de
Boualem Sansal et bien sûr »
1984 » de
George Orwell. On réalise à quel point tout peut basculé rapidement et devenir hors de contrôle. Ce polar est le reflet de la radicalisation dans ce qu'elle a de plus dangereux. Se pose indéniablement la question de l'action / l'inaction des gouvernements occidentaux dans la gestion de ce conflit. Pourrait-elle, à terme, arrivée à ce genre d'extrémisme ?
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