La revue Seine et Danube est (ou plutôt était) publiée avec le concours de l'Institut culturel roumain (ICR). Il ne faut donc pas trop s'attendre à un esprit très critique envers la littérature roumaine.
Cependant, je relève dans la rubrique « critiques – notes de lecture » deux articles signés respectivement de
Radu Bata et Cristina Hermeziu.
Dans le premier
Radu Bata évoque «
La malédiction du bandit moustachu » de
Irina Teodorescu, et avant de conclure qu'il s'agit d'un « premier roman parfaitement maîtrisé aux portes de l'Orient et de la Providence », il évoque : « Un français imagé, dynamique, prenant, rocambolesque, sensuel, voguant entre lyrisme et théâtralité, entre histoires orales et coutumes autochtones, entre le fil des générations et l'inanité de la temporalité. Une écriture qui donne beaucoup à voir, comme des cases de BD qui se succèdent : explicable quand on sait qu'
Irina Teodorescu est graphiste. »
Plus intéressante encore la note de lecture de Cristina Hermeziu, sur le roman «
Les Vies parallèles » de
Florina Ilis, consacré au poète
Mihai Eminescu. Si le « mythe » du poète national est « remis à plat et relancé » par le livre c'est fort bien car, par ailleurs, son épaisseur (650 pages grand format) décourage les lecteurs (je parle surtout de moi, bien entendu, même si, eu égard au nombre de réactions sur ce site, on pourrait généraliser). Je vais peut-être, un jour, m'y atteler. En attendant de trouver le temps, je me contente de relever ceci : « La grande audace créatrice des Vies parallèles consiste à télescoper les époques. Certes,
Florina Ilis se plaît à fondre des éléments biographiques et des épisodes imaginés de la vie du poète Eminescu dans une écriture baroque, très jouissive, qui emprunte simultanément ses tournures à l'enquête et au « docudrame », à l'essai et à la fiction, aux didascalies du théâtre et aux informatives de la police répressive.
Florina Ilis multiplie sans cesse les perspectives, entrecroise les sources qui racontent Eminescu mais la puissance de son oeil de cyclope à double vue réside dans la capacité de laisser les époques se transvaser, en dépit de tout anachronisme qui ne fait que mieux restituer la portée du mythe. » Personnellement, je me méfie un peu du terme « baroque », quelque peu saturée en 2023, par le mélange des genres, péché mignon des auteurs roumains, après 1989.
Si Marily le Nir, la traductrice, pense que le roman peut être lu sans connaître la poésie c'est sans doute parce que : « Sa structure, les divers thèmes qu'il aborde de façon si originale, lui donnent un caractère universel : incompréhension de l'artiste, persécution, surveillance, critique implicite toutes les polices politiques de tous les temps, critique des manipulations de la Securitate même dans le domaine culturel… ».
Dans le dossier
Sorin Titel on peut lire, dans la traduction de
Nicolas Cavaillès un fragment du roman « Le Déjeuner sur l'herbe ». C'est l'occasion pour moi de dire que j'aimerais bien retrouver l'équivalent original pour juger de plus près le travail de
Nicolas Cavaillès à qui je reproche parfois des traductions approximatives et une tendance à enjoliver le style original. Difficile de s'en rendre compte quand on ignore tout du texte traduit, tant la langue de monsieur Cavaillès est belle et « fluide », comme on a l'habitude de dire. Un second fragment de roman, plutôt long (p. 47 à 75) m'a paru bien plus prenant. Il s'agit de « Femme, voici ton fils », traduit par
Florica Courriol. Deux projets de 2015, pas encore concrétisés à ce jour, sauf erreur de ma part. Et c'est fort dommage, car j'avais beaucoup apprécié
le long voyage du prisonnier.
Enfin, il y a dans ce numéro de la revue des poèmes de lon Muresan et
Paul Vinicius, à déguster lentement.
Le ton est plus enjoué, mais cela reste de la promotion interne, dans les « Frappes chirurgicales » de
Dumitru Tsepeneag, où il parle notamment du roman
Karpathia de
Mathias Menegoz, ou de
Sara de
Stefan Agopian
J'ai eu le livre pour pas cher, mais il est tout de même regrettable que ces « ressources » ne soient pas disponibles librement, s'agissant essentiellement d'inciter à lire des textes roumains traduits en français.