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sur 136 notes
« On associe le génie de Gary à sa mère. L'énigme Gary c'est son père » rappelle le bandeau de ce roman qui se focalise sur les deux journées de janvier 1925, où Roman, âgé de 11 ans, apprend le 26 que son père abandonne sa famille puis, le lendemain 27, qu'il refait sa vie avec Frida enceinte de ses oeuvres.

Roman Kacew part en guerre contre son papa Arieh Kacew, fourreur juif à Wilno (Vilnius, capitale de la Lituanie) et quand il sera devenu Romain Gary, prétendra être fils de l'acteur Illich Mosjoukine, ce qui est invraisemblable pour les historiens.

Roman Kacew part en guerre contre l'antisémitisme qui sévit dans cette province alors polonaise après avoir été russe, et Laurent Seksik excelle dans sa peinture du ghetto entre les deux guerres.

Roman Kacew part en guerre contre la misère qui mêne sa mère, modiste, à la faillite et les contraint à l'exil.

En 1943, à Wilno, quand les SS éxécutent Arieh Kacew, Frida et leurs enfants Valentine et Pavel, il demande à son fils de lui pardonner sa désertion en songeant fièrement à celui qui, naturalisé français, part en guerre contre le III Reich, parmi les pilotes des Forces Françaises Libres.

Témoignage bouleversant sur les ruptures familiales et sur les heures noires de l'Europe, cet essai n'a pas l'envergure qu'ont le cas Eduard Einstein ou Les derniers jours de Stefan Zweig puisqu'il analyse deux journées seulement de la vie du double Prix Goncourt, mais il sort de l'ombre son père, totalement éclipsé de nos mémoires par sa mère Mina Owczyńska.

PS : le cas Eduard Einstein
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Laurent Seskik s'attaque dans ce roman à l'écrivain culte qu'est Romain Gary. Sous des airs de biographie, il signe un roman à la recherche de la vérité. On connaît l'amour fusionnel qui lie Romain à sa mère, en revanche on manque d'information concernant son père.
Père déserteur, il quitte Nina, la mère de Romain pour les bras d'une autre femme. le jeune Romain restera juste dans ses sentiments malgré les injonctions de la mère trompée et laissée. Romain se construira sans oublier son père et auprès d'une mère inconditionnellement amoureuse de la prunelle de ses yeux.
Je reconnais une écriture soignée, avec de beaux passages. Je regrette néanmoins le manque d'immersion dans la vie de Romain où multitudes de détails sont venus alourdir la compréhension de ma lecture.
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Tout d'abord, je tiens à remercier Babelio.com et les éditions Flammarion qui m'ont permis de lire ce roman dans le cadre de la dernière opération « masse critique ».

J'apprécie particulièrement Laurent Seksik, que j'ai découvert avec « le cas Eduard Einstein » puis « L'exercice de la Médecine » en passant par la BD « Les derniers jours de Stefan Zweig » (je n'ai pas encore lu le roman et cela ne saurait tarder…) donc celui-ci était pour moi !!!

L'auteur a choisi de mettre en scène deux journées décisives dans la vie de Romain Gary, qui vont lui faire découvrir les mensonges, les trahisons: les 26 et 27 janvier 1925 pour nous parler de la vie de sa mère Nina que nous connaissons bien (Romain en a parlé dans « La promesse de l'aube » par exemple), celle de son père que nous connaissons peu, leur vie de couple qui vacille.

On retrouve cette mère particulière, encore amoureuse de son mari qui a rencontré une autre femme, et dont l'unique raison de vivre est son petit Roman, prunelle de ses yeux et qui vit dans des conditions précaires, assaillie par les huissiers qui ont tout saisi, sa boutique ayant dû être fermée.

Une jolie scène : elle rallonge les ourlets de pantalon de Roman pour montrer qu'il devient un homme :

« Se mettre à genoux devant Roman pour coudre, c'était dans son esprit comme s'incliner face au destin, se prosterner devant la vie qui continuait. Elle rallongeait le tissu, elle prolongeait les jours, conjurait le malheur à grands coups de ciseaux. »

On fait la connaissance d'Arieh, le père de Roman, fourreur comme l'était ses ancêtres, soumis à la stature imposante de son père, écartelé entre ses deux femmes au grand dam de sa famille, juive très pratiquante, rigide qui n'a jamais aimé Nina trop extravagante et libre à leur goût.

Il y a un autre personnage très important dans ce roman : le ghetto de Wilno (Vilnius) en Lituanie avec l'intolérance, l'antisémitisme qui vont crescendo, entre adultes et entre enfants et Roman, perdu dans cette situation familiale complexe, pensant que c'est à cause de lui, se culpabilisant, espérant le retour de son père, en fait les frais.

J'ai bien aimé ce roman, il s'agit bien d'un roman et non d'une biographie je le précise, dont le rythme est soutenu, les descriptions de la ville, des quartiers, du mode de vie dans le ghetto sont précises, et émouvantes.

On fait face à deux attitudes opposées : Nina qui sent qu'elle n'a plus reine à faire dans cette ville, dans ce pays et ne rêve que de partir pour la France, et Arieh Kacew et sa famille qui pensent qu'il ne peut rien leur arriver car ils habitent là depuis si longtemps malgré les pogroms.

Je connais mal l'histoire de le Lituanie, j'ai commencé à m'y intéresser au moment où les Pays Baltes se sont soulevés contre l'ex URSS, pour obtenir leur indépendance, donc je ne savais rien de l'extermination totale et méthodique de « la petite Jérusalem du Nord » (à ce propos, l'épilogue est magistral), donc je vais aller me documenter.

Amoureux ou non de Romain Gary et ses mystères, ou pour approfondir ses connaissances sur la Lituanie, son histoire, ce livre est vraiment à découvrir et il se dévore.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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L'auteur nous amène à Wilno, l'actuel Vilnius en 1925.
Roman Kacew, futur Romain Gary a 10 ans. Il vit seul avec sa mère Nina, modiste, ravagée par le chagrin d'avoir perdu son fils aîné ainsi que par le départ de son mari. Ils manquent d'argent car le commerce de chapeaux ne marche guère.
Le père, Arieh Kacew les a quittés. Il vit avec une autre femme et va avoir un autre enfant. Il est fourreur de métier, il manque d'argent également. le métier ne rapporte rien. le pays est pauvre.
Laurent Seksik nous montre Roman doué pour les études, admiratif de sa mère et de son père.
Sa mère, Nina, abandonnée par le père, reporte toute son affection sur son fils. Elle s'invente une ancienne carrière d'actrice et un ancien prince charmant, acteur russe célèbre. Romain Gary s'en servira plus tard pour s'inventer un père renommé.
Le père Arieh est juif, a dû se battre contre sa famille pour épouser Nina, divorcée. Revenu de la guerre, son caractère avait changé et le couple n'a pas retrouvé son équilibre. Il supportait mal les comportements excessifs de sa femme. Laurent Seksik nous présente un père qui aime son fils et se justifie à ses yeux.
Il nous présente surtout un petit garçon déchiré par le divorce, espérant sans cesse que son père revienne et tiraillé par un sentiment de culpabilité comme c'est souvent le cas dans les divorces encore actuellement.
L'auteur, comme dans ses autres biographies, témoigne d'une grande empathie pour ses personnages.
L'écriture est magnifique, fait ressortir de très beaux sentiments familiaux . Le livre se révèle plus un roman qu'une biographie même si tous les faits correspondent avec les évènements vécus par le petit Roman Kacew.
J'ai été étonnée que le roman s'étale sur peu de temps sauf l'épilogue qui nous projette en 1943 mais cela ajoute de la profondeur et de l'imagination au très beau récit.
La scène de la rencontre dans la rue entre Roman et la jeune Macha qui marche désespérément dans les traces de son père disparu , est presque magique.
Les personnages sont attachants, donc la lecture se révèle captivante.

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Il en va des biographies romancées comme des romans biographiques : leur étiquette ambiguë les gêne aux entournures et à force de s'empoigner pour savoir s'ils sont plus romanesques qu'autobiographiques,leurs lecteurs en sortent toujours un peu frustrés ...

Mieux vaut je crois une biographie sérieuse, documentée, fouillée, comme celles ecrites par Genevoix ou Zweig- ou un roman débridé qu'on ne cherche pas à rattacher à un personnage réel. Je ne vois pour ma part qu'une seule exception parce qu'elle ne se découvre qu'à la fin du roman et que c'est la "surprise du chef" : En l'Absence des hommes" de Philippe Besson.

J'adore Romain Gary et je préférerai toujours ses mensonges vraisemblables ou ses vérités déguisées à tous ceux et toutes celles qu'on pourrait inventer et même découvrir pour lui.

Ceci pour dire que la Mina exaltée et tyrannique de la Promesse de l'aube qui "programme" son fils à devenir un grand héros, un futur diplomate et un brillant écrivain et maintient avec lui un cordon ombilical et épistolaire par-delà la vie et la mort , ne sera jamais éclipsée, à mes yeux, par la Nina pathétique et caractérielle de Laurent Seksig.

Que je donnerai toujours pour père à Roman /Romain le bel amant inconnu dont il a hérité le regard bleu lavande et non le gentil fourreur adultère du ghetto de Wilno.

Je n'ai pas aimé le livre de Seksig, je l'ai même trouvé pesant, tant il m'a semblé sentir à la fois l'effort d'imagination et le souci de rester malgré tout dans les clous.

Les dialogues m'ont paru artificiels, destinés surtout à mettre en valeur de louables recherches sur le métier de fourreur, la vie du ghetto, les us et coutumes religieux...etc...J' ai mille fois regretté la verve d'un Israël Joshua Singer, qui sait aussi vigoureusement donner corps à ces ghettos disparus qu'il donne vie, couleur et intensité à ses personnages!

Par charité , je ne dirai mot de l'Epilogue de Romain Gary s'en va-t-en guerre (un bien mauvais titre), constitué par un dialogue hautement improbable et d'une immense naïveté entre le liquidateur nazi du ghetto et le papa fourreur de Roman...

Qu'on me pardonne, mais je n'ai jamais été émue, touchée, ni même intéressée.

Je suis sûre que Laurent Seksig a de vraies qualités de biographe et même d'écrivain mais je pense que le sujet l'a paralysé. Et pour ma part je suis sûrement trop fan de Romain Gary pour accepter cette demi-mesure: un roman sur la vie de Roman, lui qui n'a cessé de romancer sa vie, de se dédoubler comme auteur, d'inventer un nouveau style, - et qui a eu la suprême élégance, en décidant sa sortie, de ne pas attendre que la vie lui donne le coup de disgrâce final.
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Pour une première approche de la plume de Laurent Seksik, j'ai décidé de commencer par ce roman qui conte deux journées importantes de janvier 1925 dans la vie du jeune Roman Kacew, petit juif lituanien du ghetto de Vilnius qui allait devenir Romain Gary !

J'ai été totalement conquise par les portraits de ses trois personnages principaux à qui l'auteur donne une voix, Roman et ses parents, mais aussi les personnages secondaires qui paraissent aussi vrais et réalistes que dans les romans d'Isaac Baschevis Singer. Ce sont des portraits profondément touchants de personnages qui souffrent que dévoile l'auteur. Rêves accomplis, vies étouffées par une cruelle réalité et des aspirations qui ont trop changées pour se sentir bien avec son entourage sont autant de blessures intimes et tristement banales que décrit le romancier avec beaucoup de sensibilité, de vérité et de compassion.
En médecin de l'âme, Laurent Seksik ne juge pas ses personnages, ne fustigent pas leurs choix, il se contente de capter la fragilité de ces êtres face à leur incompréhension de la cruauté, la haine et les coups du sort qu'ils ne comprennent pas et que nul ne saurait expliquer.

C'est beau , c'est touchant et plusieurs passages sont émouvants par la simplicité nue (mais aussi linguistique et stylistique) avec laquelle Laurent Seksik montre ces gens, les Kacew, les juifs du ghetto, les Lituaniens, les Polonais, les SS.
Si j'ai cru comprendre que plusieurs lecteurs avaient été déçus de ce roman car il serait moins bien que les autres, c'est que les romans précédents doivent être excellents ! Pour ma part, aucun regret sur cette lecture qui me prépare à lire l'un des trois auteurs de mon défi personnel qu'est Romain Gary.


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Laurent Seksik s'est fait une spécialité avec ses derniers ouvrages : s'inspirer des personnes ayant réellement existé pour romancer avec une bonne dose d'érudition des histoires passionnantes, tendres, drôles ou tragiques. Avec le cas Eduard Einstein, et avec Les Derniers Jours de Stefan Zweig, il a étonné par ses qualités de romancier documentaliste.

Zweig a écrit 24 heures de la vie d'une femme, Seksik encore sous le charme, nous livre 24 heures de la vie de Romain Gary. Il reconstitue de façon fictive un jour de la vie du jeune enfant et place au coeur de l'histoire la figure du père absent. Sujet douloureux et énigmatique dans la vie de Romain, la vérité sur ses origines a toujours été un mystère.

Ici l'auteur place sa loupe sur le personnage de ce jeune enfant trahi et abandonné qui portera toute sa vie le poids du manque de reconnaissance de son père. Sur fond de massacres, pogroms et misère qui secouaient l'Europe, ce manque incommensurable le conduira même à prendre un autre nom et à utiliser un pseudonyme.

Avec une sensibilité toute particulière de la nature humaine, un grand sens du détail et une écriture piquante et poétique, Laurent Seksik décale le regard vers une émotion toujours sincère.

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Dans une vie rêvée,
Ne pourrait-on pas imaginer sans peine Laurent Seksik, le demi- frère de Romain Gary ?
N'ont-ils pas partagé le même regard sur cette ville lumière qu'est Nice, les mêmes origines avec une judéité complexe..?
Leur point de ralliement total serait la filiation, fondamental chez ces deux hommes, l'un pour son père, l'autre pour sa mère.
Laurent Seksik nous raconte dans ce petit livre comme un conteur peut le faire, les liens qui unissaient Gary à son père mais aussi l'abandon de ce dernier pour construire une nouvelle famille.
Beaucoup d'émotion et de tendresse qu'en Seksik fait dire au père de Romain Gary:
J'ignore si je serai un modèle pour toi. Je ne suis pas le père idéal. le seras-tu, toi ? Nul ne le sait.

Encore une fois, Laurent Seksik me charme avec ce livre, l'un des rares non lus de cet auteur.
À découvrir à mon sens.
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« Romain Gary s'en va-t-en guerre » c'est deux journées de la vie du jeune Roman qui vont chambouler à jamais celui qui deviendra plus tard l'auteur du magnifique roman « La promesse de l'aube » et du non moins merveilleux « La vie devant soi ».

Les 26 et 27 janvier 1925, Roman Kacew vit seul avec sa mère Nina dans le ghetto de Wilno (actuelle Vilnius) en Lituanie. Nina, abandonnée par son mari, inconsolable du décès de son premier fils et ruinée par la faillite de son magasin de chapeaux ne rêve que d'une chose : Fuir avec Roman vers la France.
D'un caractère extrêmement exacerbé, elle reporte tout son amour sur son fils. Excessive en tout, elle s'invente une ancienne carrière d'actrice et un ancien amour soi-disant acteur russe célèbre. Profondément attaché à cette mère possessive qu'il protège le plus possible malgré son jeune âge, Roman tente malgré tout de se raccrocher à son père absent, Arieh Kacew. Contrairement aux voeux de sa mère, l'imaginant devenir un grand « personnage » du monde, il ne rêve que de plaire à celui-ci en voulant devenir « fourreur », métier qu'exerce Arieh.

Mais ces deux journées vont bousculer à tout jamais l'avenir de Roman.
En 24 heures, il va être confronté à la dure réalité de la vie : trahison du père, violence à l'intérieur et à l'extérieur du pogrom avec cette haine des juifs qui se développe de plus en plus et à laquelle il ne comprend rien. Tout simplement se retrouver face à l'âme humaine pas si belle qu'il ne le pensait.

Alors que dire de ce roman, sorte de biographie probablement mi inventée et mi réelle ?

Tout d'abord, il a le mérite de nous faire connaitre ce père totalement absent des écrits de Romain Gary. Et non, celui-ci n'est pas ce père imaginaire Ivan Mosjoukine, le plus célèbre acteur russe de son temps comme l'a laissé entendre le romancier. Juste un fourreur, comme l'étaient ses ancêtres, soumis par son propre père aux règles strictes de la religion juive, ayant abandonné femme et enfant pour l'amour d'une autre.

Puis il y a Wilno avec son ghetto, autre personnage important du roman : la ville est surnommée « la Jérusalem de Lituanie » étant l'un des plus grands centres juifs d'Europe à cette époque mais surtout ou l'intolérance et l'antisémitisme vont aller crescendo aux fils des années pour finir par l'extermination presque totale de sa population juive durant la seconde guerre mondiale.

Avec ce roman, Laurent Seksik a certainement voulu nous donner sa propre vision de l'enfance de Romain Gary. Avec une émotion poignante, rempli de délicatesse et de justesse, il dresse le portrait de Roman et ses parents, les rendant tous les trois profondément humain. Nous avons l'impression de nous promener aux côtés de Roman à travers les rues de Wilno. Les personnages secondaires sont également importants et très attachants. Quant au prologue qui se passe en 1943, il est tout simplement bouleversant.

Alors oui, n'est pas Romain Gary qui veut ! Évidemment mais peu importe, ce n'est pas le but !
Si le roman de Laurent Seksik peut amener un certain nombre de personnes à le découvrir si ce n'est déjà fait, il a plus que rempli son rôle. Car il faut lire « La promesse de l'aube » l'un des plus beaux romans sur la filiation mère/fils ! Moi il m'a donné envie de le relire.
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Sous ce titre quelque peu désinvolte, Laurent Seksik tente de relever un formidable défi : celui de reconstituer 24 heures de la vie de Romain Gary alors qu'il était enfant dans le ghetto de Wilno (aujourd'hui Vilnius), ville de Lituanie alors polonaise après avoir été russe. On est le 26 janvier 1925, quelques mois avant que Romain, de son vrai nom Roman Kacew, et sa maman Nina ne quittent Wilno pour Varsovie et enfin ne gagnent Nice, en France où ils s'installent en août 1928. Mais en ce début de 1925, ce voyage n'est encore qu'un fantasme dans l'esprit de Nina Kacew.

Romain Gary a brossé un portrait mémorable de sa mère dans son roman autobiographique "La promesse de l'aube". En revanche il a peu parlé de son père, laissant même entendre que celui-ci pourrait être l'acteur russe Ivan Mosjoukine, célèbre acteur du cinéma muet qui s'est exilé en France après la révolution russe et que Gary a pu croiser sur la promenade des Anglais ou apercevoir à la terrasse d'un palace niçois. Laurent Seksik fait revivre dans son roman la figure du vrai père de Romain, Arieh Kacew, à partir des rares informations dont on dispose sur lui. Il était fourreur et disposait d'un atelier dans le ghetto. Bien que juif pratiquant, il avait bravé la réprobation de son entourage pour épouser Nina, une femme fantasque, divorcée et mère d'un enfant, Joseph. Au moment du récit, il avait quitté le foyer pour vivre avec une jeune femme, Frida Bojarska, avec qui aura deux enfants, Valentine et Pavel. En janvier 1925, Frida est enceinte de Valentine.

Si Arieh est en train de se construire une nouvelle vie, Nina, elle, est dans une situation dramatique. Roman et elle vivent seuls dans leur petit appartement presque vide car, après la faillite de son commerce de modiste, Nina est complètement désargentée. Elle en est réduite à vendre ses chers livres de littérature française qui sont pour elle la preuve tangible de la grandeur de la France. Elle est encore sous le choc du décès récent de son fils aîné, Joseph, le demi-frère de Roman. Elle reporte tous ses espoirs sur son fils Roman, à qui elle promet un avenir radieux, pour peu qu'ils parviennent à s'installer un jour en France.

Laurent Siksik raconte ces vingt-quatre heures avec ces trois personnages Roman, Nina, Arieh, en choisissant tantôt le point de vue de l'un, tantôt celui de l'autre. Il nous raconte aussi par petite touches ce qu'ont vécu ces juifs de Pologne pendant ces années où leurs maîtres étaient tantôt russes, tantôt polonais et tantôt allemands. On découvre ce ghetto de Vilnius, qui était appelé à cette époque "la Jérusalem de Lituanie".

J'ai beaucoup aimé à la fois la simplicité du récit et la multiplicité des détails qui le rend plausible, comme si nous marchions avec Roman ou Nina dans les rues de Vilnius. Tout le contexte historique est très bien restitué. le "futur" du jeune Roman n'est évoqué que dans un épilogue, très émouvant, que je ne dévoilerai pas ici. Si j'ai une petite réserve concernant ce livre, elle porte sur le portrait d'Arieh, le père de Roman, qui m'a semblé soulever davantage de questions qu'il ne fournit de réponses. Arieh est décrit comme une personne respectable, travailleuse, un membre important de sa communauté (un "Cohen"). Il se montre un père attentif à sa progéniture. Avec un tel père, pourquoi Gary l'aurait-il renié et cherché une autre figure paternelle en la personne d'Ivan Mosjoukine ? Ce livre me laisse avec cette interrogation. Mais le roman de Laurent Seksik reste pour moi une vraie réussite et je le recommande chaudement.
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