L'Ancien temps : Le roi n'embrasse pas

Comme d'habitude, Joann Sfar déguise sous une fable fantastique et loufoque des pensées philosophico-mystiques qui m'ont beaucoup parlée. Plus que l'histoire de Cassian, l'amoureux transi fidèle à sa bien-aimée, qui part à l'aventure pour la protéger, cette fable est une réflexion sur l'amour, le sentiment amoureux, le couple, et la liberté d'être soi-même. Car Nadège, la "fiancée" de Cassian, insaisissable, indépendante, est la véritable héroïne de cette BD. Féministe de Heroic-fantasy, cette jeune fille dont les deux yeux sont de couleurs différentes n'aura de cesse de défendre sa liberté, son intégrité, face à cet amoureux collant qui projette sur elle des rêves d'amour toujours et de bonheur parfait. "Je vais vivre en ville et j'y vais sans toi", lui dit-elle. "Mais je voulais qu'on se marie et qu'on aie des enfants., lui répond-il. Et Nadège, de conclure: "Oui, mais c'est pas ma vie". Elle est le symbole d'une femme qui réussit à s'affranchir de l'amour fusionnel du couple, un type d'amour qui contrôle et emprisonne, qui fait du chantage affectif et préfère annuler la personnalité et l'autonomie de son partenaire plutôt que de le voir partir...
Un autre personnage original, c'est le narrateur, grand-père de Nadège, et maître de Cassian, vieux loup qui par sa profession de sourcier sait écouter le discours de l'eau et sa philosophie.
Tous les personnages, même le vieux sourcier, nous parlent d'une certaine forme d'amour, de ses bienfaits et de ses pièges...
Et puis bien-sûr il y a Dieu, un Dieu unique cyclope à l'instinct totalitaire. Il arrive à parler aux personnes seules et désespérées, à celles qui cherchent une protection ou une vengeance, du sens après un échec ou une épaule réconfortante. Il est présenté comme un être dangereux qui profite de la souffrance affective pour gagner du pouvoir. Une critique à peine voilée des religions monothéistes, en particulier du christianisme...
J'ai beaucoup aimé cette nouvelle démonstration du riche univers de Sfar, toujours un peu pareil, toujours un peu nouveau...

Qu'est-ce qui se passerait si Claude Ponti rencontrait Rabelais ? On ne serait pas loin de ce que nous offre Johann Sfar. Lassé des aventures un peu gores et délicieusement meuporguesques de "Donjon", il lui prend un beau jour de 2009 de créer un univers de fantasy plus reposant, plus mélancolique, mais tout aussi bordélique. On pourrait croire qu'il faiblit, mais non ! Ce Moyen-Âge complètement surréaliste, avec son bestiaire, son ambiance tantôt loufoque tantôt envoûtante donne naissance à une aventure dont on ne sait pas trop où elle mène, mais dont on a hâte de connaître la suite.
Il faut dire qu'il s'amuse bien, Sfar, à mélanger des lieux totalement inexistants à une vague uchronie. Et il en profite pour détourner également les grands codes de la fantasy normée par le lectorat moyen. Dieux de l'Antiquité, héros intrépides, nains, tout passe à la moulinette bucolico-humoristico-acerbe de l'auteur déployant des trésors de poésie et d'imagination. Si on regrette un questionnement un peu trop trivial sur la religion (l'effet Pullman ?), il n'en est pas moins que ce premier tome est un vrai plaisir de par sa richesse et le trait si caractéristique de l'auteur. Combien de temps va-t-il donc nous falloir pour enfin obtenir le tome 2 ?

C'est un conte qui se passe dans un pays imaginaire. le héros (si c'est bien lui le héros) est un crétin qui cherche à garder pour lui sa bien-aimée. Elle voudrait juste profiter de sa liberté, elle part seule vers la grande ville en en chemin rencontre tout un tas de personnages
C'est amusant pour l'humour noir et décalé de Sfar et passionnant, pour les réflexions sur les croyances et la tolérance. le dieu unique est critiqué mais ce n'est pas pour autant un rejet des religions. Les personnages sont attachant, chacun à sa manière.

Dans le sud-est de la France, près de "Nissa", dans l'"ancien temps", celui où le dieu unique avait bien du mal à se faire entendre, et tout juste par les frustrés, une petite sourcière décide de rompre avec son ami, si sérieux, si terrien, si simple qu'il ne parvient pas du tout à maîtriser les arts magiques de la sourcellerie. le grand-père de la sourcière, à sa demande, prétend qu'elle part "en quête" vers Nissa. le jeune homme, alarmé, part à sa poursuite. Pendant ce temps, la jeune fille rencontre le roi auquel elle réclame un baiser, mais ce dernier, croyant au dieu unique, doit rester fidèle et refuse. Elle poursuit son chemin et rencontre un petit arbre qui n'a pas voulu rester muet et qui la suit.

Elles sont pleines de charme et de profondeur, ces aventures magiques et symboliques où l'on croise aussi bien des humains que des créatures vaguement humaines dans le rôle d'humains sans que la différence s'explique bien. Les femmes, comme souvent chez Sfar, sont inconstantes, capricieuses, inattendues ; les hommes ancrés dans une quête unique, une idée fixe et piégés par leurs émotions. Mais j'ai l'impression de caricaturer, c'est mieux que ça, bien sûr. Ces hybrides, ces créatures fantastiques et magiques, ces humains si pleins de sentiments dans une nature foisonnante et habitée fascinent. Je recommande bien entendu ces bandes-dessinées et je remercie l'auteur pour avoir pensé à nous mettre un peu de provençal (oh, si peu) dans ces contrées papales (je croyais qu'il n'y avait eu de papes qu'à Avignon !).
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Un univers particulier dans un décor onirique peuplé de créatures surprenantes, mais qui semblent faire partie du décor depuis toujours. Une histoire simple de quête et de poursuite de l'amour impossible, mais l'ensemble forme un récit particulièrement esthétique et réussi. On est loin du Chat du Rabbin du même auteur, BD avec laquelle je n'ai jamais pu accrocher.