La chambre solitaire est un magnifique témoignage et un subtil équilibre entre fiction et vécu. L'écriture est sobre, descriptive et factuelle. Bien que le contexte ne soit absolument pas le même, j'ai retrouvé des accents du célèbre livre de
Soljénitsyne, Une journée d'Ivan Dessinovitch. Bien sûr, la cité ouvrière de la banlieue de Séoul où la narratrice va partir travailler n'est pas un bagne et elle s'y rend de son plein gré, ou presque. Elle n'est pas isolée dans
la chambre solitaire, elle la partage avec une partie de sa famille. Mais qu'est-ce que cette vie pour une adolescente de seize ans arrachée à sa campagne natale pour pouvoir suivre en cours du soir, après de longues journées d'un travail abrutissant et mal payé, un enseignement qui lui permettra d'entrer au lycée puis, peut-être, à l'université...
Cette vie minutieusement décrite fait naître chez le lecteur un sentiment diffus de malaise : le redressement économique de la Corée à la fin des années 70 avait donc généré l'exploitation d'une partie de sa jeunesse, les "moteurs de l'industrie ?". Cela donne envie de mieux connaître ce pays, coupé en deux blocs antagonistes depuis la fin de la seconde guerre mondiale, comme le fut l'Allemagne.
Pendant des années, l'auteure ignore cette époque, jusqu'à ce jour ou une ancienne camarade lui demande si elle en a honte. Se met alors en marche le processus de rappel des souvenirs, qui s'accompagne toujours du questionnement, est-ce bien ainsi que les choses se sont passées ? Car en plus de ces journées d'ouvrière,
Shin Kyung Sook a subi un traumatisme culpabilisant dévoilé au fil des pages. Souvenir douloureux qui se greffe sur une vie douloureuse.