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EAN : 9782070414895
192 pages
Gallimard (18/10/2000)
3.65/5   20 notes
Résumé :
Mathilde Lacroix déteste sa soeur Poldine, qui le lui rend bien. Et pourtant, elles vivent ensemble depuis tellement d'années que leur haine réciproque est un membre de la famille à part entière.

Dans ce microcosme vivent également Emmanuel, le mari de Mathilde et leurs deux grands enfants, Geneviève et Jacques, mais aussi...

Sophie, la fille de Poldine, qu'elle a eu avec le mari de sa soeur ! La grande maison familiale n'est que complo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
En ces jours de fortes chaleurs ce Simenon aura reussi a me faire givrer.
C'est un huis-clos sans l'etre. Une maison, une famille. Une famille pour laquelle l'enfer ce n'est pas les autres mais eux-memes. Chacun d'eux est un enfer pour tous les autres, chacun d'eux est un enfer pour soi-meme. Leur cohabitation est un enfer. Leur “convivencia" une haine meticuleusement alimentee, specialement par deux d'entre eux, deux soeurs, les soeurs Lacroix, qui trainent d'anciennes animosites, d'anciennes rancoeurs, inextinguibles, incorruptibles, mais qui justement corrompent tout. Elles ont mis en place un regime absolutiste de haine, base sur des silences, gere par des non-dits, et Simenon excelle a faire parler ces silences, laissant les regards, les gestes, les attitudes, exprimer la pression qui monte dans cette cocotte-minute. Une pression mortifere, et cet adjectif fait deja office de spoiler, sans que j'aie besoin de rajouter des details. Une pression qui fait fuir ou disparaitre ceux qui vivent la haine des soeurs. Leur fuite, leur disparition, leur lugubre disparition est leur reponse a la haine, leur haineuse reponse, leur ultime vengeance. Et comment vivront les soeurs apres la fuite et la disparition de leur entourage? La reponse est dans la phrase qui clot ce livre: “Et la haine devenait d'autant plus épaisse, d'autant plus dense, d'autant plus lourde, d'autant meilleure que l'espace était plus restreint”.

C'est un livre a l'atmosphere oppressante, irrespirable, que j'ai pourtant apprecie enormement. Simenon a ecrit la un des grands chapitres de sa Comedie Humaine. Vous trouvez que c'est exagere de le comparer a Balzac? Moi je crois qu'il est le plus balzacien des ecrivains francais du XXe siecle, par sa fecondite, sa profonde analyse de personnages, de moeurs, sa lucide representation des ambiances sociales. Tout en reussissant a rester populaire. Rendons a Simenon la place qu'il merite en tant qu'ecrivain, meme si comme personne il etait raciste, antisemite, misogyne. Balzac etait-il un saint?
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ISBN : 9782258093577

Extraits
Personnages

On aurait pu aisément sous-titrer ce livre "La Maison des Soeurs Lacroix" tant l'atmosphère pleine de chuchotements et d'ombres de cette demeure cossue est si lourde, si pesante, si effrayante même (je l'avoue, il m'est arrivé de penser plus d'une fois, dans un tout autre genre, cela va de soi, au fameux "Malpertuis" d'un autre Belge célèbre, Jean Ray ) qu'elle fait de ce lieu par ailleurs si bourgeois et presque banal un personnage à part entière, une espèce d'hybride qui troque masque sur masque selon les variations de la lumière et les secrets que dissimulent les héros.

Les soeurs Lacroix, Mathilde, l'aînée, et Léopoldine, dite plus simplement "Poldine", se sont toutes deux mariées et, toutes deux aussi, ont eu des enfants. Mathilde, dans un moment d'égarement assez étonnant, a épousé un artiste-peintre, Emmanuel Vernes, et en a eu un fils, Jacques, et une fille, Geneviève. Quant à l'époux de Poldine, à peine a-t-il eu le temps de figurer à son propre mariage qu'il est parti pour un sanatorium suisse : le pauvre était tuberculeux. Leur fille, Sophie, (qui deviendra par ailleurs une représentante particulièrement braillarde du sexe dit faible ) est née deux mois après son départ et, par ces calculs très simples qu'effectue toute femme jalouse, Mathilde a très vite compris que la nouvelle-née n'était autre qu'un rejeton supplémentaire de son propre mari, le bel Emmanuel, avec son sens de la bohême, son béret, ses moustaches élégantes et sa non moins prodigieuse Lavallière - tous des prétentieux, ne trouvez-vous pas, ces Emmanuel ?

Depuis lors, on n'a plus revu Roland, le supposé tuberculeux, Poldine se contentant de lui envoyer régulièrement son chèque mensuel - après tout, elle le lui doit bien . Car après la mort de leur père, celles qui, en dépit de leurs noms d'épouses, resteront à jamais "les soeurs Lacroix", ont repris l'affaire sans barguigner, Poldine se chargeant de la gestion, des comptes, etc ... et Mathilde veillant sur les enfants et la vie intérieure du foyer.

Dans l'ensemble, tout cela roule bien. Mais les enfants ont grandi ... Très jeunes, ils ont pris conscience des non-dits, des tensions, du mal-être et aussi de la haine, ou plutôt des haines, qui s'épanouissaient dans cette grande maison où ils vivaient pourtant à l'abri des problèmes financiers mais sans relations sociales vraiment sincères. Geneviève s'est réfugiée dans la prière et, depuis des années déjà, demande régulièrement à Dieu et surtout à la Vierge Marie, à laquelle elle porte une dévotion toute spéciale, que "papa, maman, Poldine et Jacques" finissent par fraterniser et par s'aimer. Jacques, lui, doit peut-être à son sexe le désir furieux, formidable, de vouloir à tout prix s'enfuir loin de ce "Malpertuis" simenonien, emmenant dans son sillage, droit sur Bruxelles et sans doute Paris, Blanche, la cadette du notaire.

Quand j'écris que Geneviève s'est réfugiée dans la dévotion, il serait plus exact que j'ajoute : "et dans la maladie." de santé toujours fragile, elle a des "crises" et, quoique à peine âgée de vingt ans, fait des chutes de plus en plus fréquentes. Elle ne se relève d'ailleurs pas de la dernière, qui a cependant pour cadre le salon familial, et le Dr Jules (une allusion inconscientes aux premières amours estudiantines de celui qui deviendra plus tard le commissaire Maigret ? ), qui la connaît depuis son enfance, n'a plus grand espoir même si, pour rassurer le père autant que la mère, il fait venir un collègue en consultation.

Et c'est ici que tout se noue et que le Passé choisit de rejaillir à la surface pour éclabousser de toutes sa hargne et ses rancoeurs un Présent qui ne souhaite qu'une chose : qu'on ne remue pas toute cette vase. Ou alors, qu'on attende un peu. Au moins que le prêtre et son enfant de choeur aient apporté les Derniers Sacrements à la petite Geneviève.

Pas de ça, fillette ! Bien qu'il affirme, en se frappant la poitrine avec force lamentations (ou presque), qu'il n'a jamais cessé d'aimer sa fille (d'ailleurs, ne lui laisse-t-il pas toute sa fortune dans un énigmatique testament placé bien en vue dans sa chambre ? ... ), Papa Emmanuel, s'apercevant, comme ça, d'un seul coup et après tant d'années, qu'il a gâché sa vie mais aussi celle de ses enfants, décide d'expier illico en se suicidant sans plus attendre. le plus intrigant, c'est que le lecteur comprend bien - ou croit comprendre ? - que Poldine suspectait son beau-frère et ex-amant de vouloir tous les empoisonner en assaisonnant la soupe du soir à l'arsenic - soupçon que partageait visiblement Mathilde ... Et comme cette scène grandguignolesque avait eu lieu au souper, on avait vu Jacques sortir de là excédé, en claquant la porte avec l'exaspération d'un homme qui a déjà donné - et de nombreuses fois, encore. A croire que ce n'était pas la première fois que ces dames exprimaient ou laissaient entendre pareil soupçon au beau milieu de la famille rassemblée ...

Bon, une chose est certaine : le suicide d'Emmanuel, les démarches qui s'ensuivent et, en filigrane, les pensées de Geneviève que Simenon nous restitue avec cet art sublimement noir et sarcastique qui est le sien : "Que se passera-t-il quand Maman restera seule avec tante Poldine ?"

Et c'est alors que, sur un théâtre absolument dévasté par les chuchotements confus et/ou vipérins qui ont survolé la scène autant que par les regards assassins et les gestes ambigus échangés par les personnages, tombe, avec la lenteur douce et sinueuse d'une mue de serpent, l'épais rideau noir de la fin du roman. le tout, ayons la franchise de l'avouer, devant un lecteur à la fois dégoûté et fasciné mais qui se repaît indiscutablement de voir se répandre tout autour de lui la haine lourde, terrifiante et rampante qui, dès leur berceau, a présidé aux relations entre "Les Soeurs Lacroix." Elles n'ont jamais vécu, n'ont jamais pensé, n'ont jamais assené ou encaissé un coup que dans leur intérêt personnel. Plus unies que des jumelles, elles n'ont jamais existé que pour elles et elles ne mourront que pour et par elles. Les optimistes songeront à une fin misérable, la plus forte - laquelle des deux, au fait ? - précédant de peu la plus faible dans la mort. Quant aux pessimistes, ils penseront à un bouillon d'onze heures préparé le même jour l'une pour l'autre sans parvenir, là non plus, à savoir laquelle avalera en premier la cuillerée fatale ...

Un roman haineux, oppressant, à déconseiller aux cardiaques et aux paranoïaques, un roman d'un sadisme très particulier, où l'auteur se régale à révéler toute l'histoire à son lecteur par petites touches ricanantes et glauques. Oh ! certes, Simenon a fait plus glauque mais, croyez-moi et jugez-en vous-même : en cette catégorie, "Les Soeurs Lacroix" occupe une place des plus honorables au palmarès de ses meilleurs romans noirs. ;o)
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Simenon a le chic pour brosser des portraits saisissants et grinçants des petites aigreurs du quotidien.
Ici, il s'attaque à une famille un peu bourgeoise, un peu à part, un peu étrange, un peu sur le fil du rasoir question entente et amour filial... Entre les adultères, les piques du quotidien et les souffrances cachées, on a l'impression au fil des pages de sentir l'odeur de ces tapisseries à fleurs, de cette vaisselle du dimanche, de cet escalier en bois...
Même sans Maigret, on retrouve aussi du suspense (un peu...), et surtout l'envie de connaître la fin !
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J'ai passé un très bon moment, trop court à mon goût : je serais bien restée un peu plus dans cette ambiance oppressante !
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
[...] ... - "Mathilde ..." prononça-t-elle.

- "Que veux-tu ?

- Viens un moment ...

- Tout à l'heure ... J'ai bientôt fini ..."

Geneviève ne pouvait pas comprendre mais son malaise croissait et elle suivait tous les gestes de sa mère d'un œil inquiet.

Poldine était de plus en plus impatiente. Deux fois elle rentra chez elle. Deux fois elle revint et il était évident maintenant que Mathilde se créait des occupations pour avoir une excuse de rester encore.

C'est à un de ces moments-là, quand Poldine était sur le seuil, qu'on entendit du bruit là-haut, le bruit d'une chaise qui tombait.

Les trois femmes restèrent un instant immobiles, à écouter. Viève, plus impressionnable, avait porté les deux mains à sa poitrine où le cœur battait à grands coups.

Involontairement, elle avait poussé un petit cri et sa mère questionna encore :

- "Qu'est-ce que tu as ?

- Je ne sais pas ... Tu as entendu ?

- Eh ? ... Une chaise est tombée ...

- Oui ... Peut-être ..."

Mathilde se proposait de savonner la cuvette , mais cette fois Poldine marqua plus d'autorité :

- "Viens un instant, veux-tu ?" ... [...]
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[...] ... Alors se plaçait le second événement, qui n'était pas un événement à proprement parler. Normalement, à cet instant précis, c'est-à-dire pendant la descente de tante Poldine, on aurait dû entendre s'ouvrir la porte de l'atelier, tout en haut, puis le bruit de la clef dans la serrure, car Emmanuel Vernes fermait toujours sa porte à clef.

C'était réglé à tel point que Geneviève s'attardait sur le palier, les jambes toujours molles, l'épaule contre le mur, à attendre son père, à espérer la joie de descendre un étage avec lui.

- "Eh bien, Geneviève ?"

Cela venait d'en bas. C'était la voix de sa mère et Geneviève descendit, pénétra dans la salle-à-manger, s'arrêta net en voyant son père à sa place habituelle.

- "Qu'est-ce que tu as ?

- Moi ? ... Rien ... Pardon ..."

La tête lui tournait. Elle ne comprenait pas comment son père pouvait être là puisqu'il n'était pas descendu de l'atelier. ... [...]
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Avec une personne normale, on se trouve de plain-pied. On peut parler, feindre, se défendre, observer et mentir. Mais que dire à une malade qui n'attend rien, de personne, qui regarde avec indifférence la porte s'ouvrir et qui ne quitte pas des yeux ceux qui vont et qui viennent autour d'elle ?
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Comme d'autres remplacent un amour par un nouvel amour, elle remplaçait une haine par une haine.
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Chaque famille a un cadavre dans l’armoire...
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"L'Homme de Londres", Georges Simenon, aux éditions le libre de poche
Mila Boursier, libraire à La Grande Ourse à Dieppe, nous parle du roman "L'homme de Londres" de Georges Simenon. Dans ce polar, l'auteur ne nous parle pas de Maigret, mais d'un homme qui prend une mauvaise décision un soir à Dieppe. de fil en aiguille, le lecteur parcourt les rues de la ville dans une haletante chasse à l'homme.
Un entretien mené à Dieppe, à la librairie La Grande Ourse.
Vidéo réalisée par Paris Normandie.
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