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Je pourrais me sentir déçu de voir que les aventures de Cesare et d'Angelo n'avancent pas d'un pouce dans ce tome. Eh bien même pas. Il ne m'a pas été bien difficile de me raisonner, d'admettre que le déroulement de l'action n'est pas le but premier du manga. Celui-ci cherche plutôt à cerner la personnalité du futur gonfalonier, à comprendre comment se sont petit à petit formés son ambition, ses valeurs, ses espoirs, à nous dévoiler ses humeurs tour à tour implacables et généreuses. Et dans ce but, Fuyumi Soryo et Motoaki Hara ont estimé nécessaire de faire un retour sur l'histoire des relations complexes et la plupart du temps conflictuelles entre l'Empire et la Papauté…en remontant jusqu'à Jules César. L'évocation ne sort pas de la cuisse de Jupiter ; elle apparaît au travers des réflexions profondes que Cesare rumine dans la Cathédrale Santa Maria Assunta de Pise. J'imagine qu'elle doit être incroyablement exotique pour un jeune japonais, mais elle est également très instructive pour un européen, même si je pense qu'il vaut mieux confronter ce qui y est conté avec une bonne encyclopédie. Les auteurs se permettent quelques propositions historiques, notamment sur les relations entre Dante Alighieri et l'empereur Henri VII. Je pense que l'on voit ici certaines thèses soutenues par Motoaki Hara. L'historien spécialiste de la Renaissance s'en explique d'ailleurs au cours d'un entretien à la fin du tome. Mais ils continuent à brouiller les pistes, en développant des anecdotes qui nous rendent la papauté sympathique avant de prendre immédiatement le contrepied et dorer le blason de l'empire. Il en résulte une confusion de sentiments qui nous interdit de prendre vraiment partie, traduisant aussi vraisemblablement les propres émotions de Cesare qui hésite à se donner entièrement au pouvoir spirituel et se sent fortement attiré par le pouvoir temporel. Bien sûr, on reste dans un cadre manga à la Soryo. Les papes, les empereurs aussi bien que les manants dialoguent toujours de la même manière. Ils s'emportent en prononçant une phrase choc qui laisse l'interlocuteur coi pendant quelques instants ; l'interlocuteur, ému, finit par réagit d'une manière souvent généreuse qui flatte l'empathie du lecteur. C'est une marque de fabrique bien agréable, ma foi. Mais avant tout cela, le manga commence par un plaisir des yeux exceptionnel, avec une série de vues de l'intérieur de la cathédrale de Pise lors de la masse de Noël plus impressionnante l'une que l'autre. Et l'on a droit aussi à une description détaillée, enluminée de magnifiques dessins, de certains éléments particuliers de la cathédrale, comme le tombeau de l'empereur Henri VII ou la chaire de Pisano. Fuyumi Soryo est une peintre sensationnelle. + Lire la suite |