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Éric Moreau (Traducteur)
EAN : 9782413029991
264 pages
Delcourt Littérature (14/10/2020)
3.7/5   66 notes
Résumé :
Il y a mille façons de disparaître au coeur de l'hiver, et le printemps toujours retrouve notre trace. On a coutume de dire qu'il y a deux types d'histoires : celle où le héros part en voyage et celle où un étranger arrive en ville.

Les derniers touristes se sont envolés depuis longtemps quand, ce jour de décembre 2007, "l'étranger" - Daniil - pousse la porte de l'auberge dans laquelle travaille Kathleen, au coeur du parc naturel.
A son accen... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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J'avais envie d'un peu de suspense enneigé, de mystère entre deux êtres, alors j'ai ouvert Se cacher pour l'hiver. Malheureusement, si c'est un bon roman dans son genre, ce fut aussi une lecture très éprouvante pour moi à cause de son thème principal, que je n'avais pas vu apparaître clairement dans les avis que j'en avais lus - qui voulaient probablement ménager la découverte.


Tout commence pourtant bien, dans la campagne américaine, un décor de montagnes enneigées. Comme tous les matins, Kathleen ouvre le Snack où elle travaille. Malgré son relativement jeune âge, on apprendra vite qu'elle est veuve et aime profiter de chaque moment de calme pour se plonger dans la lecture. Lorsqu'en entrant pour se sustenter, un étranger la surprend, on voit que les mouvements brusques réveillent en elle de vieilles blessures - physiques, et probablement aussi psychologiques. Pourtant, Daniil semble le plus effrayé des deux. Commence alors un semblant de dialogue timide. Celui qui se présente de manière peu crédible comme un étudiant Ouzbek cherchant un endroit où dormir, et Kathleen l'envoie au gîte d'à côté. Ils vont donc se côtoyer les jours suivants, briser leurs solitudes respectives sans pour autant faire tomber totalement les barrières qui entourent leurs passés respectifs, leurs petits et grands secrets. Mais au fur et à mesure que Kathleen gagne la confiance de cet étranger, qui visiblement ne lui dit pas tout, il se livre un peu plus. Et à chaque fois, la sombre histoire de Daniil fait résonner en elle, l'écho de ses propres souvenirs. Deux expériences a priori différentes qui se reflètent en miroir. S'il lui avoue son histoire, pourra-t-elle lui pardonner ce qu'il a fait ou le verra-t-elle comme un monstre ? Peut-on être quelqu'un de bien et faire des choses monstrueuses ? Ou même être un monstre et finir par faire des choses bien ?


Leurs deux histoires distinctes s'entremêlent jusqu'à se dévoiler au lecteur dans leur presque totalité, dans leur violence crue qui fera s'interroger chaque protagoniste sur sa propre histoire à travers celle de l'autre : la confiance, la violence, les guerres (actuelles et passées), l'amitié, le pardon et surtout la rédemption seront abordés dans cette histoire sombre, que seule la réverbération du soleil sur la neige des montagnes permet d'illuminer un peu. Et la chaleur humaine, qu'ils finissent par trouver l'un en l'autre malgré leurs coeurs endoloris. La construction est efficace et régulière, la plume est sans fioriture, fluide mais directe. Aussi crue et dépouillée que l'histoire et les personnages, sans rien pour adoucir ni embellir les ressentis de la narratrice et pourtant, comme elle, non-dénuée de sensibilité. Les personnages sont plutôt réussis, humains, avec des instants réalistes en famille ou entre amis.


Ca c'est pour le résumé tout public qui ne dit rien de l'histoire pour vous la laisser découvrir. Mais dans ce paragraphe, je propose à ceux qui veulent éviter trop de (mauvaises) surprises de découvrir le thème principal, histoire d'éviter une éventuelle erreur de lecture. J'ai donc lu les passages relatifs à ce thème en diagonal, espérant que ces images et pensées n'allaient pas assombrir mes journées suivantes. Et malgré cela, je ressors de cette lecture glacée. En un mot, comme en cent : âme sensible, s'abstenir.


« Nos monstres ordinaires. Que sommes-nous censés voir quand nous les regardons - Leur monstruosité, ou leur banalité ? »
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Décembre 2007, Kathleen, l'héroïne du premier roman de Sarah St Vincent, travaille dans un snack situé dans un parc naturel coupé du monde, perdu dans les forêts oubliées de Pennsylvanie, perché à la pointe septentrionale de la chaîne des Blue Ridge Mountains. Venu de nulle part, surgit « Daniil », un étranger qui se dit étudiant ouzbek, que Kathleen héberge pour la nuit dans le gîte attenant.

L'arrivée de Daniil marque le début d'une amitié timide entre deux êtres cabossés par un passé que l'on devine trouble voire tragique. Daniil prend ses quartiers dans le gîte avec la bénédiction de Martin, personnage étrange et lumineux, qui gère l'établissement. Il passe la plupart de son temps reclus dans sa chambre, dont il ne sort que pour échanger quelques mots avec Kathleen, se montrant particulièrement discret sur la véritable raison de sa présence au coeur des Blue Montains.

Kathleen a elle aussi fui le monde, en proie à de lancinantes douleurs qui irradient sa hanche, elle vit avec sa grand-mère dans la bourgade la plus proche. L'auteure lève peu à peu le voile sur le passé de son héroïne, qui se procure auprès de l'oncle de sa meilleure amie Beth des opiacés qui la plongent chaque soir dans un sommeil sans rêves. La jeune femme de vingt-sept ans a été une brillante étudiante de physique, elle a été mariée et un mystérieux accident l'a poussé au ban de l'austère communauté de la région.

Le passé de Daniil paraît plus obscur encore, en permanence sur le qui-vive, il semble redouter une menace aussi terrible qu'invisible. le mélange d'inquiétude et d'une étrange douceur qui émane du longiligne étranger émeut Kathleen à qui il se confie lors de longues parties d'échecs et raconte être un avocat ayant fui la police secrète d'Ouzbékistan, réfugié au Etats-Unis grâce à l'obtention d'un visa étudiant qui vient d'expirer.

Dans ce roman aussi sombre qu'envoûtant, une angoisse insidieuse étreint progressivement le coeur du lecteur, qui saisit que l'enjeu du livre a finalement peu à voir avec l'intrigue qui, telle une araignée géante, déploie lentement sa toile. Non, ce qui se joue ici, c'est le puzzle du passé des protagonistes qui se construit au fur et à mesure que se déroule le récit.

Comme le suggèrent les vestiges d'un camp de prisonniers allemands et japonais datant de la seconde guerre mondiale situés à quelques encablures du gîte, « Se cacher pour l'hiver » est avant tout un roman qui affronte la question du Mal. On peut même affirmer qu'il nous rappelle le sens d'un mot galvaudé, en osant nommer l'indicible. Les destins croisés de Kathleen et de Daniil illustrent à la fois sa terrible banalité et son innommable horreur, de la violence conjugale « ordinaire » aux séances de torture pratiquées par la police secrète ouzbek.

Tapi dans une nature inviolée dont la beauté sauvage coupe le souffle, serti dans l'écrin délicat d'une écriture empreinte de poésie, « Se cacher pour l'hiver » est un roman noir comme l'ébène, un souffle glacé qui s'engouffre dans les plus sombres recoins de l'âme humaine, qui propulse son lecteur dans les dédales obscurs d'une forêt souterraine hantée par le malin. Et pourtant, au coeur des ténèbres, on aperçoit parfois une flamme tremblante, sur le point de s'éteindre, telle une lueur d'espoir qui vacille au coeur de la tempête.
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Voilà un bien joli livre, surprenant, qui monte lentement mais délicieusement en puissance pour passer du domaine de l'intime à celui du drame présent et passé. Se cacher pour l'hiver de Sarah St Vincent – traduit par Éric Moreau – est un premier roman maîtrisé et réussi, étonnement très (trop) peu vu ici ou là.

À Gardners en Pennsylvanie, au coeur de ces Blue Ridge Mountains quasi désertes en hiver, vit Kathleen. Enfin vit… Ses journées s'écoulent entre le « diner » où elle sert le café à des clients fantômes, et sa chambre chez sa grand-mère vieillissante. Là elle y trouve le réconfort de ses petits cachets blancs qui l'aident à oublier : le passé ; l'accident ; le drame ; Amos, ce mari mystérieusement défunt… On n'en saura pas plus. Enfin pas tout de suite.

Quand Daniil, réfugié ouzbek débarque de nulle part, un lien distant mais subtil se lie avec Kathleen, de ceux qui unissent les corps et les âmes meurtries. Peu à peu, ils s'apprivoisent et leurs passés se dévoilent. Il les rapproche, avant d'apparaître si opposé, confrontant à nouveau Kathleen au dilemme du remords ou du pardon.

En nous dressant cet attachant portrait de « femme en hiver », Sarah St Vincent aborde de front mais avec beaucoup de subtilité l'autre face des violences conjugales : celle des vies définitivement éteintes par les séquelles psychologiques, le poids de l'insupportable sentiment de culpabilité partagée et l'impossible pardon à soi-même et aux autres.

Le récit est simple et lent à souhait, comme les jours qui s'étirent à l'identique. Mais aussi particulièrement réussi quand il s'égare pour décrire la nature rédemptrice de ces montagnes sauvages, où l'on croit pouvoir se perdre dans le décor alors qu'on y est tellement visible… Un bien joli titre pour un bien joli livre !
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Kathleen travaille dans un snack, dans le parc naturel des Blue Ridge Mountains, en Pennsylvanie, un endroit très isolé l'hiver. Elle vit avec sa grande mère, vieille femme malade et acariâtre, loin de ses parents qu'elle ne fréquente pas. Un jour, arrive un étranger qui surgit de nulle part, donne peu d'explications, ne raconte rien sur lui. Kathleen comprend qu'il est en fuite, qu'il a besoin de se cacher et décide, sans rien savoir de lui, de l'aider, elle lui procure une chambre dans le gîte à côté, qui est vide, en plein hiver. Peu à peu, au fur et à mesure, on en apprend plus sur Kathleen et l'homme en fuite....
Daniil, c'est son nom, est un réfugié Ouzbek qui fuit la police de son pays. Kathleen est veuve, rescapée d'un accident de voiture où Amos, son mari a perdu la vie. Elle souffre beaucoup des séquelles de l'accident particulièrement à la jambe et la hanche. Elle a besoin de petites pilules qu'elle achète sous le manteau, pour oublier son passé et atténuer ses douleurs.
Ces deux personnes blessées, au lourd passé, vont s'apprivoiser et se découvrir peu à peu.
Daniil finit par se raconter un peu plus, par bribes. Mais il subsiste pas mal de zones d'ombre. La tension monte, le lecteur se demande si Daniil fait partie des "gentils" ou des "méchants ", des opprimés ou des oppresseurs et si Kathleen fait bien de lui accorder sa confiance. le mal être de Kathleen est perceptible et le lecteur découvre l'horreur qu elle a vécu auprès de son mari, sans broncher, sans aide de personne.
Daniil, en fuite, après avoir été arrêté et torturé, Kathleen blessée dans son âme et dans son corps après avoir vécu l'indicible. Ces deux êtres, au coeur de l'hiver, enfouis sous la neige qui se rencontrent et se rapprochent, tout cela est raconté par petites touches avec la belle plume sensible de Sarah St Vincent. Une découverte pour moi, ce roman est le premier écrit par l'auteure qui est avocate et spécialiste des droits de l'homme.
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Il est des romans sur lesquels on ne misait pas grand-chose et qui vous cueillent par surprise.
En Pennsylvanie, au coeur d'un parc naturel, Kathleen travaille dans un snack fréquenté uniquement par les chasseurs et les randonneurs l'été. La jeune femme ne voit donc pas grand-monde et cela lui convient ainsi. A l'âge de 22 ans, la jeune femme a survécu à un accident de voiture qui l'a laissé veuve et dont elle a gardé des séquelles physiques. Son quotidien se résume donc à son travail au snack, à sa vie chez sa grand-mère dont elle prend soin et quelques rares sorties avec sa meilleure amie Beth.
Tout est bouleversé le jour où un étranger se présente au refuge du parc. Daniil prétend être un étudiant ouzbek mais très vite Kathleen, qui nous une relation amicale avec lui, devine que l'homme cache un secret.

Secret. C'est peut-être bien ce mot qui résume le mieux l'ambiance de "Se cacher pour l'hiver" dont l'intrigue monte progressivement en intensité. Sarah St Vincent prend son temps pour situer le cadre et les personnages, plongeant le lecteur dans un paysage hivernal, sauvage, beau et isolé. Nous découvrons lentement le quotidien de Kathleen dont le passé va être peu à peu dévoilé au lecteur, de même que celui de Daniil. On pourrait tomber dans une certaine monotonie mais l'auteure évite cet écueil en menant une narration ponctuée de flash back qui nous tiennent en haleine car forcément, on veut connaître toute l'histoire de la jeune femme. Les personnages secondaires tiennent également leur place, révélant des hommes et des femmes aux fêlures gardées secrètes.
L'intensité de ce roman tient donc dans la profondeur psychologique de ces personnages, dans l'affrontement moral - car pour moi il s'agit de cela - qui se joue entre Kathleen et Daniil, ce dernier symbolisant toute l'ambivalence des êtres humains.
Violences domestiques et droits de l'homme - l'auteure est avocate spécialisée dans ces domaines - sont les principales thématiques de ce roman où l'on on pourrait dire qu'il ne se passe pas grand-chose mais où tout réside dans le passé des personnages et la réflexion que l'on peut en tirer sur le pardon, le repentance ou la révolte.
Une très belle découverte.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Je m’étais assoupie, peut-être quelques minutes, peut-être quelques heures. A mon réveil, rien n’avait changé à part le ciel qui s’était un peu dégagé. Sans que je sache pourquoi, la luminosité, crépusculaire et fluctuante même en pleine journée, me donnait plus que jamais l’impression que nous étions seuls au monde, pris au piège sous une cloche de verre.
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Il parlait du camp de prisonniers, ai-je compris, penchée au dessus du congélateur d’où je sortais des palets roses de viande hachées. (...) Je n’y étais jamais allée en hiver, mais en été les lieux ressemblaient à une jungle aux ruines mélancoliques et mystérieuses, temple disparu dédié à quelque divinité païenne.
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Ce jeune homme taiseux et secret, avais-je constaté, qui remarquait tout et gardait ses réflexions pour lui, possédait un don - un instinct déconcertant - pour rabaisser les autres. Il savait pointer la faille, un défaut que l'on soupçonnait chez soi tout en espérant de tromper. Il lâchait sa pique si doucement, sans la moindre colère ni trace d'émotion, qu'on était convaincu d'entendre la vérité.
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Un vent froid m’a caressé le visage, et une douleur, toujours la même, m’a foudroyé l’épaule. Une main enfouie dans ma poche, j’ai bu une autre gorgée. Un peu plus loin, sur la départementale, une voiture est passée, envoyant des vibrations dans l’air glacial et figé.

Puis le parce s’est de nouveau drapé d’immobilité. Même en 2007, ce coin restait coupé du monde, tapi dans les forêts oubliées de Pennsylvanie, perché à la pointe la plus septentrionale de la chaîne des Blue Ridge Mountains. Au temps de mon arrière-grand-père, les deux carrières grouillaient d’ouvriers, mais de nos jours elles n’étaient plus que deux lacs jumeaux ou, si l’on avait observé depuis leurs profondeurs, on aurait pu apercevoir les jambes des nageurs et les fonds de canoës naviguant sans but. En été, du moins. En hiver, on serait pris au piège sous trente centimètres de glace et – la plupart du temps – j’étais la seule personne présente à des kilomètres.

Mon café terminé, j’ai écrasé mon gobelet dans mon poing et je suis rentrée, débarrassant au passage un cendrier sale d’une table. La porte a claqué derrière moi.

J’ai glissé mon livre de bibliothèque dans mon sac, puis d’un tour sur moi-même j’ai vérifié que j’avais bien tout éteint, le gril, la cafetière et la friteuse qui laissait une odeur d’huile chaude sur ma peau. J’ai balayé du regard l’espace réduit, passant rapidement sur les reflets flous de la jeune femme aux coudes pointus qui pivotait avec moi.
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Les derniers chasseurs de cerfs de la journée repartis, j'ai fermé le magasin, compté la caisse en gardant un oeil sur le parking de gravier, que la neige transformait en une étendue grise tachetée de blanc. On y avait abandonné une voiture quelques semaines plus tôt, une Subaru marron antédiluvienne qui disparaissait petit à petit sous un linceul immaculé et dont les pneus se dégonflaient. Un profond silence se déversait de la forêt, se frayait un chemin parmi les pins, glissait sur les ruisseaux gelés et cachés, dérivait sous les bourrasques. Les chasseurs le rapportaient sur leurs bottes, l'époussetaient de leurs casquettes, en gardaient les vestiges sur leurs lèvres et leurs doigts. Lorsqu'ils passaient commande, c'était d'une voix basse et bourrue comme si les sons n'avaient plus leur place.
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