Coeurs glacés

J'ai toujours l'impression que, parfois, il faut rassurer les lecteurs. Les romans doivent-ils être lu dans l'ordre ? Oui, non, peut-être, je crois beaucoup à la liberté de lecture. Cependant, Gunar Staalesen tisse subtilement des liens entre ses romans, et Coeurs Glacés ne fait pas exception à la règle. Nous apprenons dès les premières pages, ce qui s'est passé après le dénouement de L'enfant qui criait au loup. Et si Varg Veum retourne six mois en arrière, c'est pour raconter à Beate, son ex-femme, mère de son fils unique, ce qu'il est advenu d'une amie de leur fils - justement.
Varg est amené à enquêter sur la disparition d'une prostituée, autant dire une affaire qui n'intéresse pas grand monde, sauf peut-être ses protecteurs, à qui elle devait de l'argent. Comment en arrive-t-on à vendre son corps, comment une société en arrive-t-elle à l'accepter ? le combat semble perdu d'avance, dans cette Norvège si libre - chacun peut disposer de son corps comme il veut, même si c'est pour le vendre. Comme dans tous ses romans, Gunnar Staalesen nous montre une société norvégienne incapable de protéger les plus faibles d'entre les siens.
Oui, le rythme est lent, parce que son détective privé travaille avec des êtres humains, pas des figures désincarnées qui font figure d'archétype, comme celle du tueur en série. le rythme est lent parce que ce qui a causé la situation actuelle a eu lieu dans le passé : des parents incapables de protéger leurs enfants, voire même de les élever tout courts, des services de protection de l'enfance dépassés, pour ne pas dire plus. Varg Veum n'en finit plus d'explorer toutes les manières possibles de faire que son enfant ne sera jamais un adulte heureux et équilibré.
Un polar profondément humain.

L'avant dernier roman écrit par Gunnar, que vous en dire ?
Bien écrit, comme d'habitude.
Belle promenade détaillée dans les rues de Bergen, comme d'habitude.
Bonne description des conditions climatiques exceptionnelles de Bergen, comme d'habitude.
Bonne intrigue, comme d'habitude.
Bon décryptage des conditions qui amènent des catastrophes, comme d'habitude.
Bonnes condamnations des vices de notre société, comme d'habitude.
L'enfant malheureuse,
La déficience de parents responsables de la descente aux enfers de leurs propres enfants,
La malédiction de la prostitution qui séduit des âmes fragiles,
Tout y est comme d'habitude.
Seule curiosité une petite remarque "cette cité pluvieuse, à des lieux de toutes les zones climatiques, oui, une zone climatique à elle toute seule"
Et cette envie rare d'être ailleurs !
Est ce Varg Veum ou Gunnar Staalesen qui pour une fois, en a marre du climat de Bergen !
C'est un scoop peut être que le prochain épisode de cette saga berginoise se déroulera ailleurs .... mais c'est vrai j'oublie le réchauffement climatique qui va permettre à Bergen de rendre son climat supportable !
PS
La « loi de Jante » (Janteloven) est un code de conduite profondément ancré dans les pays nordiques. Aksel Sandemose a formulé ces règles dans un de ses romans "Un fugitif recoupe ses traces", qui, selon lui, régissaient sa petite ville natale :
* du skal ikke tro du er noget ! - Tu ne dois pas croire que tu es quelqu'un de spécial !
* du skal ikke tro du er lige meget som os ! - Tu ne dois pas croire que tu vaux autant que nous !
* du skal ikke tro du er kloger en os ! - Tu ne dois pas croire que tu es plus malin/sage que nous !
* du skal ikke innbille dig at du er bedre en os ! - Tu ne dois pas t'imaginer que tu es meilleur que nous !
* du skal ikke tro du ved mere en os ! - Tu ne dois pas croire que tu sais mieux que nous !
* du skal ikke tro du er mere en os ! - Tu ne dois pas croire que tu es plus que nous !
* du skal ikke tro at du duger til noget ! - Tu ne dois pas croire que tu es capable de quoi que ce soit !
* du skal ikke grine af os ! - Tu ne dois pas rire de nous !
* du skal ikke tro at nogen kan lige dig ! - Tu ne dois pas croire que quelqu'un s'intéresse/s'inquiète à ton sujet !
* du skal ikke tro du kan lære os noget ! - Tu ne dois pas croire que tu peux nous apprendre quelque chose !

Lire un roman de Gunnar Staalesen me rend toujours heureux. J'y trouve d'abord une narration facile à suivre. Pas besoin de se prendre la tête avec des allers retours passé-présent et une multitude de personnages. Et puis j'apprécie son humour, omniprésent, et ses petites phrases qui font tilt, comme ces deux-là relevées dans Coeurs glacés : "- Et vous n'avez pas le téléphone, si j'ai bien compris. - Je me débrouille très bien sans. de toute façon personne ne m'appelle." ou "Janvier est un mois fourbe doté d'au moins deux visages comme le dieu qui lui a donné son nom." Enfin Staalesen utilise un vocabulaire choisi, jamais vulgaire et ses descriptions de la mort et de la misère sont empreintes de réserve.
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Le héros, Varg Veum, est un privé, toujours fauché, assez désabusé, qui respecte une certaine morale et attire la sympathie. le regard que l'auteur porte sur les gens simples ou meurtris est plein de compassion. Dans Coeurs glacés, il s'agit entre autres des prostituées de Bergen. La plupart d'entre elles ont abouti dans ce "métier" à la suite d'une enfance malheureuse. Et leur vie n'est pas facile. Veum enquête sur la disparition de l'une d'entre elles, Maggi, à la demande d'une de ses consoeurs. La trame de l'enquête de Veum est assez classique : allant d'entretien en entretien, il dresse progressivement un tableau de la situation autour de la disparue, et à chaque entretien, un petit bout d'information apparemment sans importance lui est fourni, lui permettant de continuer ses investigations. En cours de route, Veum va rencontrer un cadavre, puis un autre… Ces deux meurtres sont-ils liés à la disparition de Maggi? Veum retrouvera-t-il Maggi? On suit avec intérêt cette intrigue, ses rebondissements, son suspense et on est ému à la fin.
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Le roman est l'occasion de nous faire visiter Bergen. Veum se rend souvent à Nordnes, quartier populaire, situé près du port. C'est là où habite Maggi sur Strandgaten, c'est aussi là qu'on trouve C.Sundts gate, la rue des prostituées. Il fréquente aussi Minde au sud ouest de Bergen, avec ses petits pavillons de Falsens vei où habite la mère de la disparue. Veum passe également à La Protection de l'Enfance - où il a travaillé jadis, c'est dans Nygard, dans le centre nord de la ville, avec ses beaux immeubles et son parc. Quant à Veum lui-même, il habite sur Telthussmauet entre Bryggen et son vieux port de carte postale et Skansen, quartier résidentiel avec une belle vue sur la mer.
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Et puis le roman nous fait découvrir le Hávamál, poème didactique de l'Edda poétique et attribué au dieu de la poésie Odin. Il donne en substance des conseils de sagesse sur un mode de vie qu'est censé appliquer tout homme bon. C'est l'un des souteneurs des prostituées qui cite, tout au long du récit, des strophes du Hávamál parmi les 165 strophes qui le composent.

oup de coeur absolu

La littérature policière est le style de littérature que je lis régulièrement et dont j'apprécie de connaître les règles. Mes proches et mes ami(e)s hésitent toujours à m'offrir un roman, qui plus est un polar, et ce, pour deux raisons :

Vais-je l'avoir déjà lu ?
Quel va être mon sentiment sur le livre et l'auteur ?

Ce palpitant polar m'a donc été offert pour mon anniversaire et étant un fan inconditionnel des polars scandinaves je l'ai mis en tête de liste de ma PAL. Comme vous pouvez le constater, je ne chronique pas uniquement les livres que je reçois en service presse, je me garde un bel espace pour faire aussi mes choix littéraires.

Varg Veum me fait découvrir Bergen

Je n'avais donc pas lu ce livre, ni même d'autres polars de Gunnar Staalesen et je suis totalement conquis. L'auteur maitrise de manière sublime tous les codes du polar, mais il va beaucoup plus loin.

Tout d'abord, le personnage principal Varg Veum, détective privé à Bergen donnent le rythme de l'histoire et son profil nous permet de découvrir avec humour et parfois cynisme la réalité de la société qui l'entoure. Cet homme entre deux âges dégage dans son approche une fibre sociale assez impressionnante.

D'ailleurs, tous les personnages principaux, secondaires, éphémères voient leur profil psychologique et physique décrit avec précision.

Le style dont le cadre de l'histoire, Bergen, nous est présenté avec brio, c'est une pure merveille. C'est une véritable visite guidée de la ville et pas uniquement dans les quartiers touristiques. La précision est telle que je me suis pris au jeu et je suis allé chercher un plan de la ville pour suivre l'enquête.

La cerise sur le gâteau est le plaisir de découvrir une intrigue parfaitement ficelée et dans les éléments sont distillés avec une tonalité juste et qui tombent à point nommé.
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Coeurs glacés : publié en 2008 en Norvège ( titre original "Kalde hjerter" ) et en France en septembre 2015 , Gaïa Editions ).

Nostalgie. En juin 1997, Varg Veum a marié son fils Thomas. Il a revu son ex-femme, dansé une valse avec elle. Marier un fils unique , l'événement d'une vie pour des parents. Une vie que Varg Veum a faillie perdre à Oslo il y a bientôt deux ans.

Nostalgie. Varg Veum se souvient. Six mois avant le mariage durant un mois de janvier humide d'une tristesse infinie propice aux souvenirs, à la mélancolie. Pas d'argent. Pas de client. Classique pour un privé. Pourtant Varg Veum est relié au monde entier avec Internet. Et puis soudain des bruits de pas ... C'est Hege. Au collège elle était dans la même classe que Thomas. Ils avaient alors quatorze ou quinze ans. Une ancienne amie de son fils. Hege a maintenant presque trente ans. le temps passe. Retrouvailles gênées pendant lesquelles le silence s'installe alors qu'on a de multiples choses à se dire :

- "Tu peux déjà me dire ce que tu fais.

- Ce que je ... Mon boulot, vous voulez dire ?

- Par exemple.

- Je ... je me vends."

Maggi, une collègue de Hege a disparu. Maggi avait eu affaire à deux clients violents. Et puis il y a la drogue:

-"A votre avis ? Pourquoi vous pensez qu'on fait le trottoir ?"

Hege s'inquiète et elle s'est souvenu du père de Thomas, un détective privé.

Nostalgie. Maggie, son frère et sa soeur avaient fait l'objet lorsqu'ils étaient enfants, d'une alerte auprès de la Protection de l'enfance. A cette époque Varg Veum y travaillait. Un comité paroissial avait empêché que Maggie, son frère et sa soeur soient enlevés à leurs parents pourtant totalement incapables de les élever. Ceci explique-t-il cela ? Maggie, prostituée a disparue. Son frère a aussi disparu alors qu'il était en liberté conditionnelle. Il était en prison pour avoir tué un professeur qui lui avait fait subir des attouchements. Leur soeur Siv semble s'en être sortie, elle travaille dans une compagnie d'assurance.

Varg Veum entraîne de nouveau le lecteur dans les bas-fonds de Bergen où règne la prostitution et le trafic de drogue. Peut-être veut-il, s'il est encore temps, modifier le destin d'une famille brisée par la violence et négligée par ceux qui auraient pu aider trois enfants ?
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