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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'anguille est un animal étrange et fascinant, difficile à saisir, au propre comme au figuré. Je m'attendais à un roman dans le style de David Vann, mais c'est plutôt un nature writing que nous propose Patrik Svensson avec cet ouvrage passionnant dédié aux anguilles. Et on se laisse prendre, comme tous ceux qui se sont intéressé au destin hors norme de ce poisson qui vient naitre et mourir dans la mer des Sargasses après avoir parcouru des milliers de kilomètres et vécu de longues années dans nos lacs et rivières. Animal farouchement sauvage, que malheureusement l'évolution de nos sociétés menace de disparition…

Longtemps les hommes se sont posé des questions sur elle, sa reproduction, Freud lui-même s'est penché en vain sur le sexe des anguilles…Grande voyageuse, elle se métamorphose au fil de ses périples, vivant alternativement en eau douce et salée, prenant des apparences différentes selon sa maturité, et ne développant que tardivement des organes sexuels. Pêchée mais impossible à élever, l'auteur raconte avec tendresse cette pêche qui l'a rapproché de son père et ouvert à l'étude de ce poisson énigmatique, qui ne livrera jamais tous ses secrets. Scientifiques, écrivains, explorateurs, cuisiniers, l'ont croisée et adoptée sans jamais la dompter. Mais aujourd'hui le constat est amer : doit-elle comme de nombreuses espèces avant elle, le dodo, la vache de mer disparaitre de notre horizon ?

Une chose est sûre : Patrik Svensson nous convertit à la cause des anguilles et nous fait découvrir leur existence presque philosophique marquée par ce retour aux origines et ces vocations qu'elle a déclenché pour la comprendre et sonder les profondeurs dont elle est issue. Un très beau livre qui mérite l'attrait qu'il a suscité. Merci aux éditions du Seuil et à Babelio pour cette magnifique découverte.
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Encore une couverture particulièrement réussie avec ce canot perdu sur les flots. Plastifiée et mate, le toucher est agréable, pas loin du toucher lisse de cet étrange animal dont on découvre, dans le détail, l'incroyable existence.

Patrick Svensson fait le récit des connaissances de cet animal mystérieux appelé anguille et, en alternance, il écrit ses souvenirs de pêche qui ont rythmé toute son enfance, constituant une relation très riche et sensible avec son père.

J'ai appris là des choses étonnantes sur cet animal qui capte notre attention dès le premier chapitre. L'anguille est la reine du transformisme : elle vit dans les rivières et les étangs, va se reproduire en automne dans les Sargasses qu'elle peut atteindre au mieux au printemps suivant, puis meurt – on le suppose, jamais la moindre anguille n'ayant été observée lors du frai et jamais trouvée dans les Sargasses ! Les minuscules larves, en forme de feuille de saule, vont refaire le voyage inverse en dérivant grâce au courant du Gulf Stream, à travers tout l'océan Atlantique. Ce voyage dure 3 ans ! Elles sont devenues civelles, fines tiges translucides, quand elles remontent le courant des rivières pour s'installer.

L'auteur se fait lyrique dans les pages racontant son enfance, la vie et l'origine de sa famille, la complicité avec son père lorsqu'ils vont pêcher. Roman de souvenirs, traité scientifique, voyage maritime, psychanalyse, religion, philosophie... Il y a tout cela dans ce livre de 230 pages d'une densité exceptionnelle. Les sources sont citées en fin d'ouvrage. Il faut quand même un total de 7 pages pour les citer toutes. Vraiment impressionnant ! Comment l'auteur a-t-il pu tirer un livre aussi cohérent de cette masse de texte ?

Particulièrement ambitieux, le grand tout de la vie est abordé ici – d'où le titre ! C'est un peu la panthère des neiges de Sylvain Tesson, la poésie et les grandes envolées en moins, la sciences et la rigueur ajoutées. Vous aimez peut-être les livres du baroudeur écrivain, je prends le pari que vous pourriez adorer le livre de Patrick Svensson !
En fait, dans le cas de Sylvain Tesson, c'est l'auteur qui fait les voyages, et raconte son expérience avec la devise : « partir, c'est vivre ». Pour Patrick Svensson la démarche est inversée : il nous propose le récit du voyage de l'anguille, en tant que miroir du voyage de l'homme sur la terre – dont le sien qu'il conte –, à la fois dans sa vie et cela depuis les origines.
L'auteur tisse un nombre considérable de fils pour nous donner en un seul volume, la somme des connaissances – croyances, recettes, techniques de pêche... –, et des mystères de l'anguille. Rien ne semble arrêter cet auteur cherchant à extraire scientifiquement et en même temps symboliquement la nature de l'anguille, la nature de la vie, sa force et sa fragilité aussi !
Dans les deux cas, pour ces deux auteurs, il y a une introspection nous amenant à réfléchir à la place de l'homme dans le monde, mais avec Svensson on a une entreprise folle et parfaitement argumentée de penser le rapport à son père – l'anguille faisant lien entre eux – et le destin de la vie sur des millions d'années.

Pour moi, le pari est superbement réussi. Il y a là un terreau collectif de l'imagination lié au milieu aquatique, où la vie s'est formée, d'où nous venons. Ce livre met en pratique un riche imaginaire d'images, de représentations sociales, de grands récits traversant les temps. Il contient des propos scientifiques avec ce complément d'âme, qui enrichit la lecture. Je pense à Gaston Bachelard ou au philosophe Jean-Jacques Wunenburger ayant théorisé cette perception mêlée de l'observation et de la sensation. On passe du microscope aux grands récits des explorateurs, des scientifiques ayant apporté leur contribution à l'étude de l'animal mythique : Aristote, Freud, Linné, Rachel Carson et bien d'autres.
Le titre est intriguant ? L'évangile des anguilles... Il fallait oser. Et si c'était vrai, si à partir du livre on refondait le monde en partant de la nature cette fois-ci et non de l'homme seulement ? Il y a urgence à agir, l'anguille se raréfie et pourrait bien disparaître rapidement, alors qu'elle est présente depuis des millions d'années.

Patrick Svensson, né en 1972, a grandi en Scanie, dans le sud de la Suède. Passionné dès son enfance par le monde naturel et animal, il a fait des études de littérature puis est devenu journaliste, spécialisé dans les arts et la culture mais aussi la recherche scientifique. Ce livre, publié en Suède en 2019, a déjà été traduit dans plus de 30 pays et est lauréat du prix August, le « Goncourt » suédois, L'évangile des anguilles est son premier livre.

J'ai eu, également dans l'enfance, ce contact avec l'anguille. Je connais les chemins creux qui mènent à la rivière ; la pêche ; la pose des cordées (appelées ici cordeaux) ; le braconnage par jeu... à l'occasion... Et vous avez-vous un contact avec l'anguille et le monde fabuleux des cours d'eau ?
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Visitez le blog Bibliofeel afin de compléter cette lecture par une composition personnelle à partir de la très belle couverture et une photo prise dans le marais poitevin. Vous pourrez voir également des exemples de couvertures de ce livre dans différents pays.

Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Enfin un livre dans l'air du temps, adapté au confinement ; un anti covide piquant, drôle, écrit en prime pour vous préparer à vos propre rêves oniriques et stimulants.

L'auteur un homme inspiré par les philosophes et par les évangélistes est un suédois Patrik Svensson.
La pêche est-elle une question de croyance, de chance ou reste t-elle un mystère. En étant inspiré par les civelles puis par les anguilles on ne pouvait que se heurter au surnaturel, ou à la faculté abyssale des animaux sous marins de se dissimuler.

La preuve ? Quand Freud ,spécialiste de biologie marine, débarque à Triestre, c'est pour relever le défi posé par l'énigmatique Anguille dont le comportement échappait depuis Aristote à tous les scientifiques.
Il était sûr de trouver, mais TROUVER QUOI ?

Sigmund Freud tenta de relever à 19 ans le défi de comprendre la sexualité des anguilles. Ce fût peut être un moment capital de sa vocation de psychanalyste !
Freud n'a pas réussi à découvrir le sexe des Anguilles, ni à tenir principalement dans sa main leurs testicules.
l'auteur nous le précise en page 57, Freud examina en plus de 400 anguilles, dont aucune n'a pu être identifiée comme étant de sexe Mâle.

Il a sans doute reporté sa frustration sur l'Homme. Une première intuition, émergeait pour lui page 57 ; à quelle profondeur certaines vérités se maquillent le mieux pour l'homme comme pour l'anguille ?
La quête du sexe des individus mâles devint sa marque de fabrique, comme par hasard, cette intuition l'a conduit vers un nombre important de théories autour des rapports avoués ou sublimés dans les couples.

Je me disperse un peu, pardon, revenons à nos chers petits bébés les civelles.

Dans les années 1896 Giovanni Battista Grassi et Son élève Salvatore Calandrandruccio décrivent la toute première transformation d'une larve en une civelle.
Mais où ces larves semblables à des feuilles de saule sont elles apparues ? Et bien sûr que s'est- il passé dans la mer des Sargasses. Quel sorte d'accouplement ?

Beaucoup de biologistes ont passé des années à tenter une compréhension rationnelle des anguilles. Je relève vers l'an 2000, le sort malchanceux de l'équipe qui a lancé 707 anguilles dotées de capteurs pour être suivies sur un écran d'ordinateur. Ainsi les 707 spécimens ont été lâchées de différents endroits, de France, d'Allemagne, de Suède....
Aucune anguille n'a pu être suivie assez longtemps pour connaître sa destination finale. 87 anguilles étaient arrivées assez loin pour donner un aperçu de leur voyage avant de perdre leur émetteur.

Au printemps 2022, s'il vous cherchez un os à ronger, ou à communiquer avec Odin, le plus irrationnel serait peut être de suivre des anguilles à la trace...
La complexité de la vie de cet animal des mers (hautement culinaire par ses civelles) devrait vous subjuguer comme pour moi à la lecture de cet étrange évangile.

Ma mémoire garde intacte l'image d'une centaine d'anguilles cherchant à remonter des marais salants vers des retenues moins saumâtres, spectacle insolite et totalement invraisemblable ( Presqu'île de Rhuys).
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L'anguille est un poisson qui ne m'est pas étranger car la branche maternelle de ma famille est charentaise (maritime), donc j'en ai souvent entendu parler dans mon enfance et en ai mangé. Les anguilles, que l'on appelait aussi « piballes », étaient pêchées dans les marais (salés). Ce poisson est d'ailleurs l'emblème du Marais Poitevin voisin.
Le seul mystère que représentait l'anguille pour moi, enfant, c'était pourquoi on l'appelait « poisson » alors qu'elle ressemblait à un serpent ! L'auteur, Patrick Svensson, n'écrit-il pas lui-même à son propos page 12 : « Peut-être ne sait-elle pas qu'elle est un poisson ». Alors le sujet de ce livre m'a intriguée ; dans un premier temps, je me suis informée sur l'animal et me suis rendu compte que je n'en connaissais rien ; je ne suis pas la seule puisqu'effectivement, on ignore encore beaucoup de choses sur ce mystérieux poisson.
Le titre a également titillé ma curiosité. le mot « évangile » avait-il un sens que je ne lui connaissais pas ? Et enfin, le parallèle entre l'anguille et l'homme est ce qui m'a vraiment décidée à accepter la proposition de Babelio et des Editions du Seuil de chroniquer ce premier roman avant sa parution, ce dont je les remercie vivement car il m'a enthousiasmée et je vous en recommande la lecture.
Depuis Aristote, l'anguille a toujours représenté une énigme pour les scientifiques, même les plus éminents (y compris Freud !), elle est toujours restée « étrangère », pour utiliser le terme de l'auteur. Aujourd'hui encore, nous en sommes toujours en partie au stade de la croyance, de la conjecture, il existe peu de certitudes à son sujet, tout n'a pas été vérifié scientifiquement, malgré les innombrables observations et expériences, fondements de toute étude scientifique. Ce que l'on sait, c'est qu'elle peut vivre très longtemps, mais d'où vient-elle et où va-t-elle, et comment sait-elle trouver son chemin sur des milliers de kilomètres ?? Bien des questions restent en suspens. Je vous laisse le plaisir de suivre ce cheminement.
Dans le chapitre intitulé « Aristote et l'anguille née de la vase », je trouve un embryon d'explication pour l'emploi du mot « évangile » dans le titre. En effet, le philosophe grec parle du « miracle » de « l'avènement » de l'anguille qui, d'après lui, ne pond pas, ne fraie pas, n'est ni mâle ni femelle, bref ne se reproduit pas et pourtant elle naît !! Comme Jésus en quelque sorte, non ? dont la conception était elle aussi bien mystérieuse.
L'Evangile des Anguilles est construit sur une alternance de chapitres scientifiques (mais abordables, je vous rassure) et de chapitres dédiés à la relation du narrateur avec son père lorsqu'il était enfant, en Suède, et l'accompagnait pêcher l'anguille. Ces pages n'ont pas manqué d'évoquer pour moi le film « Et au milieu coule une rivière », dans lequel un père, pasteur, donne à ses fils le goût de la pêche à la mouche, ce qui créera un lien très fort entre eux.
Ce que j'ai aimé dans ce récit singulier voire improbable, c'est l'énigme : l'énigme de la naissance, de la reproduction et de la mort de l'anguille, l'énigme de la vie, du sens de la vie, l'énigme de nos origines, la mise en échec de la science. Bref, j'ai aimé le questionnement que cette lecture induit ; assez proche finalement de celui que l'on peut mener lorsqu'on lit une enquête policière. L'écriture qui sert ce texte est l'oeuvre d'un homme aux multiples intérêts et qualités : il est à la fois journaliste, passionné par la science et l'art, et écrivain. Il sait captiver le lecteur sans avoir recours à des effets spéciaux !
J'ai ainsi beaucoup appris sur l'anguille et sur l'homme. Ce dernier, comme souvent, est responsable de sa situation actuelle : elle est en voie d'extinction (50% en moins dans les 45 dernières années) pour de multiples causes : surpêche, braconnage, changement climatique, constructions, pollution… Alors de l'étude de l'anguille, P.Svensson dérive logiquement vers une étude climatologique car la sixième extinction de masse, que nous pourrions être en train de vivre, est unique, comparée aux cinq précédentes (refroidissement dû à la dérive des continents ou astéroïde qui se serait abattu sur terre), au sens où « son agent responsable est un être vivant : l'homme ». Une note finale pas très optimiste donc mais par ailleurs un livre que j'ai trouvé passionnant, bien écrit et bien traduit.
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En commençant ce livre je n'avais pas d'attente particulière, voir même j'étais à moitié septique. J'avais peur d'un "big fish" version livre, un peu fade sans le visuel magique de Tim Burton. Mais je le referme sur un coup de coeur!

De page en page je me suis retrouvée totalement happée, de plus en plus engluée dans l'envie de lire tout d'une traite, chaque moment où je fermais le livre était une forte frustration...

L'auteur mêle récit de jeunesse, thèse sur l'histoire des recherches et connaissances scientifiques sur l'anguille et réflexions philosophiques en s'appuyant sur ces connaissances.

Dit comme ça on dirait un patchwork non homogène et étrange, mais ce coté étrange fait toute la magie du livre.

A la fois beau et poétique, émouvant par moment, passionnant sur le plan scientifique... Ce livre a su jouer sur plusieurs de mes sensibilités et intérêts.

J'ai adoré apprendre toutes ces choses sur l'anguille, sur les diverses personnages connus qui interviennent dans l'évolution des croyances et connaissances sur elle.

Dur de parler de ce livre, sa magie est comme celle de l'anguille: discrète, secrète et difficile à décrire... Finalement, big fish en livre et en mieux à mon gout.
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J'ai reçu ce roman en avant-première sur proposition de Babelio que je remercie, ainsi que les éditions du Seuil. D'ailleurs je parle de roman, mais on pourrait aussi bien parler d'essai philosophique aussi bien sur l'anguille que sur la vie et la mort.

Patrik Svensson est un auteur suédois qui écrit avec ce titre son premier livre, et celui-ci est très original. S'appuyant à la fois sur son histoire personnelle et familiale, notamment avec le récit de pêches à l'anguille avec son père, et sur des recherches scientifiques poussées (d'ailleurs il y a une bibliographie à la fin), ce récit alterne des chapitres personnels, et d'autres plus longs, à la recherche de l'énigme scientifique de l'anguille, qui glisse entre les mains de quiconque tente de percer son mystère.

Et sur un sujet qui n'a pas l'air si palpitant au premier abord, je me suis retrouvée happée par surprise dans ce récit. Car l'auteur a réussi à m'hameçonner habilement, en racontant les mystères de l'anguille, auxquels l'homme essaye de trouver des réponses concrètes et scientifiques depuis Aristote, mais qui se heurte à un animal tellement secret qu'on sait peu de choses sur lui, même si on progresse peu à peu avec les moyens modernes.

C'est ainsi que j'ai appris que ce poisson ( car c'en est bien un, malgré son allure de serpent), naîtrait dans la mer des Sargasses sous forme de petite feuille larvaire, puis suit les courants marins, se transforme en alevin, et arrive dans les rivières d'eau douce où il devient une anguille de couleur jaune, vit sa vie d'anguille et un jour, poussé par on ne sait quel instinct, se transforme en anguille argentée, développe des organes sexuels et repart vers la mer des Sargasses se reproduire et mourir.

Enfin bon, tout cela reste encore un peu théorique, car toutes les preuves ne sont pas là. Par exemple, on n'a jamais vu d'anguille se reproduire, il a fallu des siècles avant de découvrir des anguilles avec des organes reproducteurs, et on n'a jamais vu d'anguille morte dans les Sargasses.

Et ces mystères nuisent aussi à cet animal de légende, qui pourrait rapidement disparaître de la surface du globe, à cause de l'action humaine, alors qu'il est apparu sur terre bien avant l'homme.

Ce roman fourmille d'informations sur l'anguille, son mode de vie, les légendes qui l'entourent, la passion des hommes sur ses mystères (même Freud, avant d'être le célèbre psychanalyste qu'on connaît, s'est penché sur le mystère de l'anguille et n'a rien trouvé), la volonté de quelques uns à passer des années pour en savoir plus sur elle. Et en même temps, c'est aussi l'occasion pour l'auteur de renouer avec ses origines, ses parties de pêche à l'anguille avec son père, et de réfléchir à des questions philosophiques et métaphysiques liées à cet animal nimbé de mystère, de réfléchir sur ses racines pour savoir où l'on va, sur les croyances et la foi, sur la vie, ses transformations, la mort.

Et la couverture est très réussie, avec le bleu de la mer ou de la rivière, la barque où se trouvent père et fils, et l'onde de l'eau qui fait penser à des anguilles, mystérieuses et cachées.

Un titre original que je conseille, qui a d'ailleurs été lauréat du prix August, équivalent du prix Goncourt en Suède.


Lien : http://docbird.over-blog.com..
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Voilà une belle histoire de Babelio, et des masse critique sauvage, comme je peux les nommer ainsi, un e-mail, une demande de lire un roman en échange d'une critique, j'accepte en m'inscrivant puis la réponse quelque jours plus tard, le premier roman du suédois Patrick Svensson est déposé dans ma boite à lettre par le facteur, L'évangile des anguilles. En caractère rouge, tout en haut de la première de couverture est écrit Best-seller international, et ces quelque mots en bas , une petite mise en bouche , Histoire d'un père, d'un fils, et de la créature la plus mystérieuse du monde animal, l'ensemble sous un fond bleu océanique, un bateau à rame au coin gauche au-dessus du nom de l'auteur, et dans un flux marin , une nuance de bleu, comme des courbes, serpentent la couverture, c'est la ballet des anguilles, ce tableau me donne beaucoup d'envie, au-delà des mots, une envie de plonger dans cette mer prosaïque m'inonde, je suis heureux d'avoir cette chance de cette masse critique, et de cette découverte littéraire.
Patrick Svensson est de l'année 1972, ce cru millésimé, grandissant dans le sud de la Suède en Scanie, amateur de la nature, il fait des études de littérature, pour devenir journaliste, L'évangile des anguilles est son premier roman, primé par le prix August dans son pays natal, l'équivalent au Goncourt en France, (si peu qu'il a une valeur particulière en France, c'est une autre histoire) .Traduit dans plus de trente pays, le roman en devient comme le dit sa première de couverture, un best-seller mondiale, vais-je m'y noyer ou nager dans un émerveillement comme l'avait été ma lecture du roman de Jim Lynch, Les grandes marées !
Ce qui est fabuleux dans une lecture, lorsque votre regard absorbe les mots, les phrases s'envolent dans une danse musicale, c'est la façon dont votre humeur se rythme à la prosaïque de l'auteur, une forme de jeu s'agence incidemment entre le lecteur et l'écrivain, c'est au-delà de l'inconscience, ce fil vous liant , une voix vous accompagne, L'évangile des anguilles porte en moi, une sérénité évaporante, je suis presque porté par un air d'allégresse, l'anguille par son mystère et ses phases de vies, invite tout mon être à une humilité entière, Patrik Svensson à travers son roman au titre vraiment significatif vient de me porter dans sa nouvelle religion, celle de l'anguille, L'évangile des anguilles. Tout peut se concentrer avec cette phrase déclarée sur son lit mort d'un inconnu scientifique, collègue du zoologue allemand Carl H. Eigenmann, par l'énigme que fût l'anguille à travers les siècles ; « Toutes les questions importantes sont à présent résolues, sauf celle de l'anguille. »
Je ne connaissais pas l'importance de l'anguille à travers les âges, d'Aristote à Onfray, comme les fameuses histoires de l'iléale, l'anguille a bercé toutes sortes de réflexions, elles font revivre en nous le mystère de la vie, et de l'homme, comme le souligne notre auteur : « C'est que la question de l'anguille vous saisit. Son caractère énigmatique devient un écho des questions que tous êtres humains portent en eux. Qui suis-je ? D'où viens-je ? Ou vais-je ? ». Même dans la littérature l'anguille aura un rôle plutôt inquiétant, comme dans, L'écume des jours de Boris Vian, le tambour de Günter Grass, annonçant la mort, au contraire dans Pays des eaux de Graham Swift 1983 comprendre l'origine et le sens de toute chose, la religion bannira l'anguille, l'histoire du Mayflower et des colons , survivant grâce à un autochtone et des anguilles , l'anguille ne sera jamais un symbole de cette Amérique. L'anguille semble donner un malaise, nommé en allemand par le terme unheimlich, que Freud tenta d'expliquer, toujours avec l'anguille sous-jacente. Plus tard l'anguille sera l'héroïne d'un beau livre celui de Parle Rachel Carson et de l'humanisation de l'anguille pour tenter de la comprendre, lui donnant une conscience , dans son roman La vie de l'océan publié en 1941, Patrik Svensson laisse une place importante à cette femme, et son oeuvre si riche ce monde que l'on détruit chaque jour , un peu plus, l'anguille se meurt, le printemps silencieux, livre de Rachel Carson , sur son combat de la défense de la planète , elle savait que l'anguille disparaissait ! L'anguille deviendra surement comme l'oiseau le Dodo, ou les vaches de mer que narre brièvement Patrik Svensson, dans ces légendes froides de l'histoire de l'homme et de ses ravages, l'extermination de la race animale, sans Machiavélisme, juste la fatalité de toute chose, comme les différentes extinctions connues de tout temps sur notre terre, cette philosophie de la fatalité de la vie.
L'anguille traverse les âges, les légendes comme celle de Brantevik, puis celle de Netzler, leurs âges , leurs longévités sans pouvoir se transformer en anguilles argentées, dernier stade avant de rejoindre les océans et la mer des Sargasses pour se reproduire, une force d'adaptation fabuleuse, où le temps se fige , d'où la question de ce temps, celui de l'homme sur la terre et ce temps presque invisible en mer et dans les profondeurs, d'êtres millénaires, comme ces éponges de verre. Patrik Svensson, nous invite à la question de la différence entre l'homme et les animaux, de Descartes à car von Linné, Charles Darwin et Nagel, de cet aveux que l'humain a le pouvoir de l'imagination.
Même Freud dans sa quête de l'anguille aura de cette frustration, inventé la psychanalyse antiféministe, ce terme m'est propre, l'auteur ne le dit pas crument, mais plus subtilement, Freud sera mentionné dans deux chapitres différents, l'un sur sa visite à Trieste, pour trouver le sexe masculin chez une anguille, cet échec, comme un refoulement et sur le malaise provoquée par l'anguille sous le terme allemand, intraduisible, unheimlich, Freud consacra un livre sur cette notion, l'anguille devient une métaphore de l'abominable, j'ai aimé ce tacle sur Freud et je le savoure avec acidité.
Ces questions philosophiques liées à l'anguille sont aussi pour Patrik Svensson des questions relationnelles qu'il se posera sur l'intimité avec son père, l'anguille est ce lien indéfectible, ces longues séances de pêche entre eux, seront à jamais leur conversation unique, ce roman est un hommage véritable à son père et à l'anguille. Ce texte biographique est touchant par l'approche et la relation entre l'anguille et celle de son défunt père. Ces moments que relate Patrik Svensson et de leurs pêches dans sa Suède natale sur la côte est de la Scanie, la braconnage comme une aventure , la pêche à la vermée, celle à la nasse, puis le lac proche du chalet, et ce secret sous la surface, qui devient le son secret.
Lançant son père dans ce secret et immortel avec ce roman, cet homme dévoreur d'anguilles, jamais rassasié, laissera une place indélébile dans le coeur de son fils Patrik Svensson.
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Voir notre monde au travers du prisme de nos croyances ... c'est peut être comme ça que l'auteur voit notre monde au travers du prisme de ce qui le rattachait à son enfance ... la relation très forte qui le liait à son père avec ce monde mystérieux peuplé de drôles de bêtes qui ont servi de lien pour une drôle de religion comme un parallèle avec ce que serait son évangile, sa bible, ce qui le rattacherait à ses origines ... ce livre à écrire qui serait "l'évangile des anguilles".
Il en va de l'anguille ...
Dans la gastronomie, avec un petit tour gustatif où on la dévore grillée, bouillie, fumée, préparée luad ål, halmad ål, skepparål ou fläkål ... à vous de choisir la façon de la consommer ....
Dans la science, avec la vision de nombreux savants où l'on déroule le temps, Aristote, Walton, Redi, Vallisneri, Mondini découvreur de l'organe reproducteur femelle, Freud chercheur des testicules de l'anguille, Eigenmann auteur de la superbe phrase au moment de son trépas "toutes les questions importantes sont à présent résolues, sauf celle de l'anguille" ...
Dans la géographie, avec un petit tour pour decouvrir où on peut la pêcher dans la baie de Hanö en Suède, dans une des concessions qui ont échappé à la mode des chalets de vacances, au pays basque espagnol dans la vallée de l'Oria, dans le Lough Neagh, lac d'Irlande du nord ...
Dans la littérature, on la découvre dans "le tambour" de Günther Grass, "Bombi Bitt et moi" de Friotiof Nilsson Piraten, "l'écume des jours" de Boris Vian, "le pays des eaux" de Graham Swift, "la vie de l'océan" de Rachel Carson qui a réussi à humaniser l'anguille pour que nous puissions mieux comprendre son comportement puis avec "printemps silencieux" de la même auteur pour faire comprendre l'urgence de la modification de notre comportement vis vis à de l'environnement... la menace sur notre "monde est désormais notre affaire à tous" ...
Alors l'anguille, tout comme le Dodo de l'île Maurice (1), le Moa de la Nouvelle Zélande (2), ou la vache de mer (3) dans les eaux arctiques disparaîtra t elle aussi ?

Pendant la lecture de cet évangile nous découvrons la description de ce qu'a été et ce qu'a représenté l'anguille au travers des siècles,
Et l'expérience propre à l'auteur de sa vie à côté des anguilles ... les pêcher ... les manger ... avec à côté de lui comme initiateur à l'anguillophilie son père, asphalteur de métier et pêcheur inconditionnel de l'anguille.
Un merveilleux voyage dont on ressort bien plus instruit à la fois sur ce qu'est une anguille, ce qu'elle représente dans notre monde et le lien avec notre existence.

Comprendre ce qu'est une chose, comment elle vit, comment elle se développe, comment elle se reproduit et comment elle meure,
Et comprendre que nous ne pouvons pas nous mettre à la place de cette chose pour ressentir ce qu'elle perçoit de notre monde.

Comprendre d'où nous venons, ce que nous sommes, remonter à nos origines, pour nous poser les questions sur ce qu'a été la vie de nos parents et le chemin que nous avons suivi à côté d'eux et leur départ où nous les laissons seul aborder l'éternité ...
Un bien belle découverte, merci à Babelio et aux éditions du Seuil.


(1)
Comme l'Aepyornis de Madagascar et les Dinornis de la Nouvelle Zélande, le Dodo ou Dronte de l'île Maurice appartient à la catégorie des Oiseaux qui ont disparu de la surface du globe. Pendant longtemps cette espèce n'a été connue que par les renseignements épars dans les relations de voyages effectués au commencement du XVIIe siècle, par d'anciennes peintures et par quelques débris, crânes et pattes conservés au musée de l'université d'Oxford, au British Museum de Londres et au musée de Copenhague. Aussi les naturalistes étaient-ils loin d'être d'accord sur la place qu'il convenait d'assigner aux Dronte dans les classifications ornithologiques.
Les uns, partant de ce fait que d'anciens voyageurs représentaient cet oiseau comme dépourvu de la faculté de voler, faisaient du Dronte une sorte d'autruche ou de casoar, suivant en cela l'opinion de Linné, de Latham et de Ray ; d'autres, comme Temminck et Cuvier, le rapprochaient des Manchots; d'autres, comme de Blainville et de la Fresnaye, trouvaient que par sa tête dénudée il offrait des ressemblances avec les Vautours; d'autres enfin, comme Reinhart, Strickland et Melville, soutenaient que c'était un Pigeon de type aberrant, mais présentant toutefois quelques analogies avec les Didunculus des îles Samoa.
Enfin en 1866, après deux années de recherches infructueuses, G. Clark fut assez heureux pour découvrir dans le petit étang appelé la Mare-aux-Singes, à l'île Maurice, de nombreux ossements de Dronte dont il fit l'étude et dont une série fut également soumise à l'examen de A. Milne Edwards. Ce dernier reconnut que l'oiseau de l'île Maurice était bien un Pigeon, comme l'avaient affirmé Strickland et Melville, mais que, par les particularités de son organisation, il s'écartait de toutes les espèces naturelles et méritait d'être placé dans une famille particulière (on le range aujourd'hui dans la famille des Raphidés), famille à laquelle se rapportait sans doute aussi une espèce éteinte de l'île Rodrigue, décrite et figurée par le voyageur François Leguat sous le nom de Solitaire.

(2)
Les espèces nommées moas, sont des oiseaux fossiles et inaptes au vol, de Nouvelle Zélande. Ils pesaient de 12 à 250 kilogrammes selon les espèces et certains mesuraient jusqu'à 3,6 m de haut. Les moas ne représentent que des espèces éteintes. Ils sont les seuls oiseaux connus à être totalement dépourvus d'ailes. Toutes les espèces de moas ont disparu après l'arrivée des ancêtres des Maoris dans l'archipel au XIe siècle.
Arrivés au xiiie siècle, les Maoris pratiquèrent une chasse intensive aux moas et une récolte systématique de leurs oeufs. Les dépôts massifs d'ossements retrouvés par les archéologues ont confirmé les hypothèses des zoologistes : les neuf espèces de dinornithidae qui prospéraient jusqu'alors ont rapidement disparu, incapables de résister à ce nouveau prédateur auquel elles n'ont pas eu le temps de s'adapter. Avant l'être humain, les moas avaient pour prédateur l'aigle géant de Haast, qui est le plus grand aigle connu, et qui a disparu en même temps que ses proies.


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La Rhytine de Steller, aussi connue sous le nom de vache de mer, était un grand mammifère marin, qui vivait dans les eaux arctiques proches de l'île Béring et de l'île Medny. La découverte de nombreux fossiles indique que l'on trouvait, avant l'apparition de l'Homme, des rhytines tout autour des côtes du Pacifique nord, du Mexique, aux Aléoutiennes et jusqu'au Japon. Elle disparaît au xviiie siècle, peu après que les Occidentaux en eurent fait la découverte.
La rhytine a été découverte en 1741 par le chirurgien et naturaliste Steller, qui faisait partie de l'expédition de Vitus Béring, un explorateur danois. Ce dernier avait été chargé par le tsar russe de déterminer, par une expédition, si l'Alaska et la Sibérie étaient ou non reliées. C'est lors de ce voyage qu'il découvrit le fameux détroit qui porte son nom. Lors du retour, le navire échoua sur une île et Steller en profita pour observer sa faune et sa flore. C'est alors qu'il découvrit cet animal étrange ressemblant fortement aux autres siréniens, mais aux proportions bien plus impressionnantes.
Lors du retour de Steller en Russie, la nouvelle de l'existence d'un animal facile à chasser et dont on pouvait tirer un nombre considérable de ressources se propagea rapidement et attira l'attention des pêcheurs. La rhytine, qui produisait un lait réputé délicieux, et dont on pouvait tirer de la graisse, de l'huile et de la chair d'excellente qualité fut chassée sans merci par les marins, les chasseurs et les marchands de fourrure. Sa graisse était utilisée comme nourriture, mais aussi pour faire une huile de lampe qui ne dégageait ni odeur ni fumée, de longue conservation. À l'époque de la découverte de l'animal, les populations de rhytines étaient déjà réduites et leur répartition géographique limitée. Son caractère très placide, sa durée de gestation très longue et sa lenteur furent fatals à la rhytine qui disparut rapidement. En l'espace de 27 ans seulement, la totalité de sa population (environ 2 000 individus) fut massacrée. de nombreux témoignages de gens prétendant avoir vu des rhytines ont depuis été enregistrés, mais aucun n'est scientifiquement concluant et l'espèce est donc considérée comme disparue.
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Curieuse de par son titre, c'est avec un grand plaisir que j'ai pu collaborer avec Babelio et les éditions du Seuil à l'occasion de la sortie de "L'Évangile des Anguilles". Une occasion pour moi de sortir de ma zone de confort.

Je n'ai pas hésite une seule seconde à me lancer dans la lecture de "L'Évangile des Anguilles" et ce livre m'a immédiatement capté.
Patrik Svensson mêle à son roman, récit intime où il fait découvrir les souvenirs de son enfance, des parties de pêches à l'anguille avec son père et une autre aventure, celle de l'anguille. Je ne savais pas à quel point les anguilles ont suscité à travers les siècles et depuis des temps reculés, la curiosité des hommes sans que personne ne découvre ses mystères. Patrik Svensson nous offre à découvrir une véritable épopée à la recherche des mystères de l'anguille. L'occasion pour lui de nous faire découvrir la culture autour de cet animal mais pas seulement. Ce livre est un véritable concentré de ce qu'il faut connaître sur les anguilles et même si je ne suis pas passionnée par cet animal, j'ai trouvé cette lecture vraiment très intéressante. Et j'ai eu énormément de plaisir à lire cet ouvrage.
Lien : https://www.inde-en-livres.f..
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Alors là, chapeau !
Réussir à intéresser un lectorat avec un livre sur les anguilles était risqué et un peu fou.
Mais il faut savoir prendre des risques dans la vie et écouter sa folie !
Un livre passionnant et bien construit avec une alternance sur l'histoire d'un pêcheur et de son fils, et l'étude de cette ténébreuse anguille, dont on va apprendre beaucoup mais pas tout. Des mystères demeurent !
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