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EAN : 9782889275854
192 pages
Editions Zoé (04/10/2018)
4/5   8 notes
Résumé :
Fin 2005, Teju Cole est retourné à Lagos, la ville de son enfance, pour la première fois après treize ans d’absence. Rentré à New York, il entreprend de relater ce voyage sur son blog en publiant un article quotidien pendant un mois. Mélange de souvenirs, de reportage et de fiction, Chaque jour appartient au voleur devient ainsi son premier roman, initialement édité au Nigeria en 2007 et republié sous une forme révisée en 2014 aux États-Unis et au Royaume-Uni.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« Chaque jour appartient au voleur » de Teju Cole, traduit par Serge Chauvin de « Every Day is for the Thief » (2018, Editions Zoé, 192 p.). Un roman sur le retour au pays. Mais pas que cela.
De son vrai nom, Obayemi Babajide Adetokunbo Onafuwa, il est né à Kalamazoo, Michigan en 1975 aux Etats Unis, de parents Nigériens, il est élevé à Lagos, au Nigeria, mais vit actuellement à Brooklyn depuis 1992. Fin 2005, Teju Cole est retourné à Lagos, la ville de son enfance, pour la première fois après treize ans d'absence. Rentré à New York, il entreprend de relater ce voyage sur son blog en publiant un article quotidien pendant un mois.
Retour au pays pas si facile que cela, émouvant à plus d'un titre, au cours duquel Teju Cole tâche de renouer avec l'univers étourdissant de la mégapole. Lagos est devenu deux fois plus peuplée que New York. 15 millions d'habitants, mais dans un désordre indescriptible, au développement incontrôlé, avec une population multipliée par vingt en un siècle. Un centre culturel majeur, ayant donné naissance à des mouvements artistiques tels que l'Afrobeat et « Nollywood ». Comme le reconnait Cole, une faculté de se développer, non pas seulement en habitants, mais en comptant de très grands loueurs de football. Scènes de tous les jours dans la ville, le tout en 27 chapitres, souvent agrémentés de photos. Cela commence par les pots-de-vin exigés par l'employé du consulat à New York, puis, sur place les périples en « danfos », ces minibus jaunes décrépis et bondés qui parcourent les rues de Lagos, ou le châtiment cruel des voleurs à la tire au marché central. le tout dans une ville en perpétuelle agitation. « C'est plutôt une plénitude, le sentiment réconfortant qu'il y a un ordre du monde, la confirmation ferme d'une structure fondatrice, un ordre si palpable que quand j'atteins le bout de la rue et que je vois, à ma droite, la sortie du labyrinthe qui me ramène à l'agitation habituelle de la ville, je ne suis pas vraiment tenté de continuer. Mais en même temps je sais que ce n'est pas possible de rester ». Pour ce qui est des « contributions volontaires » auprès des employés communaux, « pour beaucoup de Nigérians, donner ou recevoir des pots de vin, pourboires, sommes extorquées ou aumônes – la distinction est poreuse – n'est pas envisagé en termes moraux. C'est perçu soit comme une contrariété mineure soit comme une bonne occasion ». le principal est que cela facilite les opérations. de plus cela justifie le titre « Chaque jour appartient au voleur ». de fait ce titre est tiré d'un adage yoruba cité en épigraphe « Chaque jour est pour le voleur, mais un jour est pour le propriétaire ». Il en faut pour les deux bouts de la chaine. de même, le roman débute par sa découverte des cyber cafés de Lagos, source d'une arnaque mondialisée sur Internet, de la part de Nigérians qui sous prétexte de placer une grosse somme d'argent, attirent les internautes à leur faire envoyer des dollars.
Ceci dit, Teju Cole n'est pas perdu dans la ville. Il l'a écrit dans un interview « un chez-soi, c'est aussi partout où il y a un bon wi-fi. Cela me relie au monde d'une manière irréductible et essentielle à mon expérience du monde ».

Il joue avec l'idée de rendre son retour permanent, ce qui est une idée presque chimérique. Mais pour cela, il adopte une perspective extérieure initiée alors qu'il réexamine une culture avec laquelle il est pratiquement devenu étranger. Désabusé par la corruption généralisée, il découvre, le fondamentalisme religieux. Désabusée aussi, la volonté globale de se contenter de ce qui est « assez bien ». Par contre, il est fasciné par l'instinct quasi animal de se battre et de survivre qu'il constate à tous les niveaux. La vie d'abord, pour soi et les siens. Tout ce qui est culturel lui échappe comme elle semble loin de la préoccupation du peuple.
Le Musée national est en mauvais état. Les librairies de Lagos manquent cruellement de fiction littéraire locale ou d'une juste représentation des écrivains nigérians. Pourtant des prix existent à l'échelle du continent, tel le « Caine Prize for African Writing ». J'ai moi-même suivi chaque année, pendant une quinzaine d'années, les volumes de synthèse qui regroupaient une dizaine d'auteurs. A chaque fois, il y avait 2 ou 3 auteurs Nigérians dans le peloton de tête (shortlist). Des auteurs ont émergé, tels Binyavanga Wainaina, Chimamanda Ngozie Adichie, NoViolet Bulawayo, Chigozie Obioma, Tope Folarin, Segun Afolabi. Et la shortlist annoncée pour 2022 par « AZO Caine Prize for African Writers » contient encore un nigérian, Joshua Chizoma, parmi ses cinq lauréats. Son « Collector of Memory », est d'ailleurs en ligne (https://www.afritondo.com/afritondo/collector-of-memories). « Maman […] m'a appris que nous portons nos histoires dans des sacs attachés autour de notre cou, ajoutant à leurs fardeaux à mesure que les années rallongent nos vies ». Ceci dit, Teju Cole est tout de même étonné de voir une jeune « femme vêtue d'un cache-coeur » lire un ouvrage difficile de Michael Ondaatje, et ce dans un « danfo » bondé. D'après les dates et l'état neuf du livre, on peut supposer qu'il s'agit de « The Cat's Table, traduit en « La Table des Autres » par Michel Lederer (2012, Editions De l'Oliver, 264 p.). Roman d'initiation et de passage, qui narre la traversée de Michael, un jeune garçon de 11 ans, qui quitte Colombo pour retrouver sa mère, installée en Angleterre. Pendant les 21 jours que dure la traversée, il va explorer toutes les classes sociales qui peuplent l' « Oronsay » gigantesque paquebot, des cales sombres aux élégantes cabines. Dans un pays où le taux d'alphabétisation n'est que de 57 %, c'est tout de même un bon point pour la culture, même si l'endroit, un bus brinquebalant, est incongru. « Les habitudes littéraires réelles sont inculquées à très peu des soi-disant lettrés », c'est un peu court et surtout, je trouve presque méprisant pour les nigérians.
Ville pleine de dangers, où son oncle, il sont tous plus ou moins cousins, risque parfois sa vie en face d'un individu plus fort que lui. « Il y a de la dignité dans cette ruelle, avec ses caniveaux et ses toits de tôle rouillée. Ici, on ne prêche rien. Ses habitants se contentent de servir la vie en assurant aux morts une traversée paisible, et leur travail complexe est visible puis enfoui à jamais. C'est un endroit familier et inquiétant, ce ponton de Charon, mais aussi d'une pureté exaltante. Exaltante, mais pas exactement joyeuse ».
Un grand écrivain à découvrir.

Retour à Lagos au début de 2011. Lorsque Teju Cole commence à travailler sur son projet de récit non romanesque de sa ville natale africaine Lagos, Nigeria, il est de suite face à un gros problème. C'est une très grande ville à la croissance la plus rapide au monde. Comment saisir, de manière significative, la variété et l'abondance de la vie dans la ville ? Comment aller au-delà des chiffres et appréhender l'expérience de l'individu. Il commence donc à lire les onze quotidiens et est très vite attiré par les petits échos, petits délits, rapports de métro. C'est là qu'est la vie, Lagos à l'état brut. Il repense à ses lectures, en particulier celles des nouvelles brèves de Félix Fénéon. Merveilleux Fénéon dont il faut lire « Oeuvres » (1948, Gallimard, 480 p.) ou des extraits « Nouvelles en trois lignes » (2019, Libretto, 160 p.).
« "Tenez, je ne vous gênerai plus!" a dit M. Sormet, de Vincennes, à sa femme et à l'amant de celle-ci, et il se brula la cervelle ». Et il y en a comme cela sur près de 400 pages.
Teju Cole décide d'utiliser ce matériel, même si cela ne correspondait pas tout à fait à son idée initiale du livre. Il profite également de la brièveté des tweets en 180 signes pour utiliser ce media sous @tejucole en Août 2011. Ce sera « Small Fates » (Petits Destins). Dont quelques-uns ont été publiés, les autres évaporés.
« "Personne n'a tiré sur personne", a confirmé le porte-parole de la police d'Abuja, après que le chauffeur Stephen, 35 ans, abattu par la police d'Abuja, a failli mourir ».
Cependant, un des problèmes du média est son évanescence. Certains tweets ont été reproduits en revue dont les 45 publiées dans « Death by Twitter », collationnées (https://thenewinquiry.com/death-by-twitter/) par Matt Pearce en octobre 2011 dans « The New Inquiry ». Ces brèves ont par ailleurs été republiées dans un ouvrage collectif, édité par John Freeman sur les hauts et bas de New York « Tales of Two Cities: The Best and Worst of Times in Today's New York » (2014, OR Books, 288 p.) petit livre illustré qui comporte une série de collaborateurs de la grande ville dont Teju Cole, Dave Eggers, John Safran Foer, Dinaw Mengestu, Téa Obreht, Taiye Selasi, Zadie Smith, Hannah Tinti. Une très belle brochette de jeunes auteurs, souvent émigrés, et à la belle écriture.
Une autre pour la route. « le pasteur Ogbeke, prêchant avec ferveur lors d'une tempête à Obrura, reçut le feu du ciel, sous forme d'éclair, et mourut ». Une seconde pour la ville. « Il y avait 119 diplômés de première classe de l'Université de Lagos cette année, dont certains le méritaient ». Une autre de la campagne « Ude, d'Ikata, a récemment perdu sa femme. Fatigué de se disputer avec elle, il a utilisé une machette ». Une pour la religion « Un tailleur dyslexique de Bichi a accidentellement dit : « le Prophète est venu au marché. Blasphème. le dialogue interreligieux qui en a résulté a fait quatre morts ». Toujours à propos de religion (anglosaxonne) «Dieu est en toutes choses. À Lagos, ThankGod a été assassiné par son frère. À Abuja, Godswill a été nommé ministre de l'Énergie ». Pour les animaux « MYXOMATOSE. n.f. 1 Maladie virale du lapin. 2 Chanson de Radiohead. 3 mots orthographiés par Ibukun, 15 ans, à Abuja pour remporter le concours Spellbound 2012 ». Pour finir une nouvelle triste « À Cross River, le soldat à la retraite Agbiji n'a giflé sa femme qu'une seule fois, mais il a mal évalué sa force et est maintenant veuf ».

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Après quinze ans d'absence, le narrateur revient au pays, à Lagos au Nigeria et se retrouve confronté à la corruption et la violence généralisée.

Un récit empreint de tristesse et de colère devant un pays dépouillé de ses richesses et se débattant dans la misère où les pauvres rackettent les pauvres pendant que le pétrole s'exporte.

Un livre témoignage auquel je n'ai malheureusement pas accroché.
Lien : https://www.noid.ch/chaque-j..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
C’est plutôt une plénitude, le sentiment réconfortant qu’il y a un ordre du monde, la confirmation ferme d’une structure fondatrice, un ordre si palpable que quand j’atteins le bout de la rue et que je vois, à ma droite, la sortie du labyrinthe qui me ramène à l’agitation habituelle de la ville, je ne suis pas vraiment tenté de continuer. Mais en même temps je sais que ce n’est pas possible de rester.
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Il y a de la dignité dans cette ruelle, avec ses caniveaux et ses toits de tôle rouillée. Ici, on ne prêche rien. Ses habitants se contentent de servir la vie en assurant aux morts une traversée paisible, et leur travail complexe est visible puis enfoui à jamais. C’est un endroit familier et inquiétant, ce ponton de Charon, mais aussi d’une pureté exaltante. Exaltante, mais pas exactement joyeuse
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Au Nigéria, il existe une énorme pression sociale et culturelle qui oblige à prétendre qu’on est heureux, même quand on ne l’est pas. Les gens malheureux, telles ces mères endeuillées qui manifestaient, sont balayés, relégués hors champ. C’est mal d’être malheureux. Mais ce n’est pas nécessaire de se perdre dans les détails quand on peut se contenter de l’idée générale.
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Pour beaucoup de Nigérians, donner ou recevoir des pots de vin, pourboires, sommes extorquées ou aumônes – la distinction est poreuse – n’est pas envisagé en termes moraux. C’est perçu soit comme une contrariété mineure soit comme une bonne occasion. Une façon de faire avancer les choses, ni plus ni moins : c’est bien à ça que sert l’argent.
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J'ai l'impression d'être un diapason qui vibre d'un désir de violence inédit.
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