Le 20 juillet 1714, le pont piétonnier sur la route menant de Lima à Cuzco s'effondre, projetant dans un profond ravin cinq personnes. le pont datait tout de même de l'ère Inca, « une simple échelle tressée en osier à minces barreaux, avec des garde-fous en sarments secs, jetée sur la gorge ». Un acte de Dieu, selon le frère Juniper, un franciscain venu d'Espagne afin d'évangéliser les autochtones. Ou alors un événement complètement fortuit et imprévisible aux yeux des habitants locaux. Voulant prouver ses dires, le frère Juniper entreprend d'étudier la vie et le comportement des défunts, s'acharnant à déterminer ce qui a pu provoquer la colère de Dieu et précipiter leur chute mortelle dans le vide.
D'un événement historique, Thorton Wilder a tiré une trame romanesque originale et intéressante. Chaque chapitre est consacré à une des victimes, lesquelles vont par la suite s'entrecroiser avec d'autres personnages secondaires, vivants et morts se côtoyant tout au long du récit.
J'avais lu ce roman il y a plusieurs années et lui avait octroyé trois étoiles. Et comme je n'en avais aucun souvenir, il me fallait le relire. Récipiendaire du prix Pulitzer en 1928, le roman m'a impressionnée par son style littéraire recherché et par son intrigue, logée dans un contexte historique. Une belle plume au service d'une bonne histoire, quoi demander de plus? Une étoile supplémentaire à la relecture!
Je compte bien poursuivre mon exploration de l'oeuvre de cet écrivain.
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Sonder les desseins pourtant réputés impénétrables du divin, oser penser que l'homme peut par la raison justifier ou comprendre l'action divine, telle est la démarche hérétique du frère Juniper lorsqu'il entreprend d'étudier avec minutie la vie des cinq victimes de la rupture du pont du roi saint Louis.
Homme de foi, il s'égare donc dans une enquête qui va le précipiter sur le chemin de sa propre fin sans même l'anticiper. Démarche d'orgueil propre à l'homme que de se vouloir le confident des dieux., besoin de tout mesurer, expliquer à l'aune de sa seule raison, de croire que nos existences trouvent une cohérence.
Combien en refermant cet ouvrage ne cherchent-ils pas encore ce qui a pu rassembler ces cinq victimes et combien abandonnent lorsque les victimes se comptent par centaines ou milliers.
Tant de chemins se sont ainsi brisés sans explication que nous sommes contraints à penser que oui, le frère Juniper est bien un hérétique de la pensée.
Un ouvrage de théologie et de philosophie qui ouvre notre réflexion et surtout notre coeur.
Je recommande l'adaptation à l'écran faite en 2004 par Mary McGuckian avec une pléiade de bons acteurs (De Niro, Byrne, Murray Abraham...).
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Si l’ironie du Pont de San Luis Rey est si émouvante, c’est que l’amour y est partout.
Lire la critique sur le site : Liberation
"Mais bientôt nous mourrons, et tout souvenir de ces cinq victimes aura disparu de la terre, et nous-mêmes on nous aimera un temps puis nous serons oubliés. Mais cet amour se sera suffi à lui même; toutes ces impulsions d'amour retournent à cet amour qui les a créées. Le souvenir lui-même n'est pas nécessaire à l'amour. Il existe un pays des vivants et un pays des morts, et l'amour est le pont, la seule chose qui survive, la seule qui ait un sens."