Journaux et carnets, tome 1 : 1847-1889

C'est le tome que j'ai le plus lu, parce que je considère qu'on a trop parlé de la fuite du vieillard à Astapovo, et la représentation personnelle que je me fais de Tolstoï est ce jeune homme fringuant, presque insolent, animé d'un orgueil hors normes. Dans son univers de prime jeunesse, il y avait au dessus de lui Dieu et en dessous Jean Jacques Rousseau, et après il y avait Dieu et lui tout de suite en dessous ..(le Tsar en était pour ses frais)

Cette période est celle de ses premiers pas merveilleux dans la littérature avec Enfance, Adolescence et les Récits de Sébastopol, celle que j'ai connue de lui d'abord, puis Jeunesse, les Cosaques, Guerre et paix, Anna karénine. Sans oublier le livre qu'il préfère, il est vrai qu'on ne le lui a pas demandé souvent ! Ce sont les Quatre livres de lecture (Le prisonnier du Caucase..) qui était destiné à un jeune public qui lui était cher, très cher ..

Le souvenir de ce jeune Tolstoï est pour moi impérissable, c'est l'époque aussi où après toutes ses bêtises, il va rencontrer la femme de sa vie Sophie qui va lui apporter un vrai bonheur, quoiqu'on en dît après, lui apporter un équilibre de vie sans quoi, je ne pense pas qu'il aurait pu mener à bien Guerre et paix et Anna Karénine. Contrairement à d'autres artistes qui ont enfanté dans la douleur, Tolstoï avait besoin sans doute de paix et de sérénité pour aborder son travail. Sophie est arrivée dans sa vie au moment propice, elle va l'éclairer de sa "pétillance" et de son aplomb, mais il ne faut pas se tromper, on ne se change jamais radicalement, Tolstoï sera toujours un esprit tourmenté, doublé d'une sensibilité vive de par sa personnalité, car la vie de très bonne heure ne lui aura pas fait que des cadeaux. Il jouera de son faux air d'homme insouciant, car une famille sera là, une fratrie mais tout ça flageolera comme un feu follet dans son coeur ; ce n'est avec Sophie qu'une nouvelle vie s'engagera, une nouvelle famille qu'il connaîtra une relative et apparente quiétude : ce peu sera immense car il lui permettra dans l'amour de dompter un temps tous ses démons.

Alors c'est tout cela qu'on retrouve dans ce premier tome de Journal intime et carnets vu avec un autre regard de l'artiste, dans une forme primesautière très agréable à lire. C'est sa respiration quotidienne, comme un chemin parallèle auquel il entend donner comme au premier dessein de romancier un accent qui sort des ornières. Tolstoï attachera toujours de l'importance à des choses dont il veut être le premier à les dire.

Ne te fais pas d'opinion sur un homme tant que ton premier regard sur lui n'a pas changé.

18 octobre 1853 - Feuilles annexes

Auparavant, tout ce qui était ordinaire me paraissait indigne de moi, maintenant au contraire, je ne reconnais plus bonne et juste aucune opinion tant que je ne la vois pas appliquée et mise en oeuvre, et appliquée par beaucoup d'autres
8 décembre 1850