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Alexandre Zviguilsky (Préfacier, etc.)
EAN : 9782234022713
161 pages
Stock (03/10/1990)
3.38/5   8 notes
Résumé :
Les textes qui constituent ce recueil sont réunis ici pour la première fois. Ils avaient été publiés séparément dans des revues ou chez l'éditeur Hetzel au siècle dernier et sont aujourd'hui pratiquement introuvables. On y découvrira une facette inconnue du génie de Tourgueniev : le romancier se transforme en journaliste, en témoin direct de l'événement, on peut dire en reporter. Les événements de 1848 y sont contés, vécus, par un remarquable observateur de la rue p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Voici un recueil de cinq récits publiés en 1990 chez Stock dans la Bibliothèque Cosmopolite (devenue par la suite la collection " La Cosmopolite "). Il ne faut pas le confondre avec l'édition plus récente chez sillage qui ne reprend que trois de ces cinq récits.

Avant d'entrer dans le détail de ce recueil, j'aimerais m'attarder avec vous quelques instants sur ce genre peu fourni, peu spectaculaire, mal défini, mal exploité, ce véritable parent pauvre de la littérature qu'est le récit, genre qui pourtant sait parfois faire merveille, dans la bande dessinée par exemple.

Qu'est-ce qu'un récit ? Est-ce un genre ? Est-ce un sous-genre de quelque chose de plus vaste ? mais alors quoi ? Lorsque, comme quelques incurables toqué(e)s dont je fais partie, vous vous amusez à chercher une définition de ce " genre ", vous êtes bien en peine car ce terme, en français, recouvre deux notions distinctes : un type de narration et un genre littéraire.

On peut dire sans peur que le genre phare de la littérature actuelle, le roman, s'appuie dans une large mesure sur le style narratif de type " récit ", d'où la confusion fréquente voire l'assimilation ou la fusion entre roman et récit.

Lorsqu'on s'intéresse, comme c'est mon cas ici, à la notion de genre littéraire, le plus simple est peut-être d'aller voir comment nos amis anglo-saxons distinguent les choses. Eux parlent de " fiction " et " non fiction ", et je crois qu'une fois encore, ils sont dans le vrai.

Ce qui définit mieux que tout le récit en tant que genre, c'est qu'il s'agit d'une écrit narratif non fictionnel, d'où l'adjonction fréquente d'une épithète : récit historique, récit autobiographique, récit de voyage, récit de guerre, récit d'aventure, etc. Mais lorsque le récit en question ne recouvre aucun des sous genres de récits sus-mentionnés, il ne nous reste que la malheureuse petite étiquette " récit ". Ça ne plaît décidément pas à certains qui s'ingénient à la faire disparaître en la remplaçant parfois par la fallacieuse appellation de " nouvelle ".

À la vérité, il existe peu d'exemples célèbres de représentants de ce genre et c'est bien dommage car certains succès de la BD actuelle nous démontrent que c'est possible et même souhaitable. Au XIXème, côté français, il y aurait peut-être le colossal Choses Vues de Victor Hugo où la fameuse correspondance de Flaubert, mais, quoi qu'il arrive, les cas sont plutôt rares comparativement au foisonnement de la fiction.

C'est vrai, le véritable est souvent moins spectaculaire que l'aménagé, que l'apprêté, mais en est-il moins intéressant pour autant ? Alors il nous faut remercier Ivan Tourguéniev de nous avoir légués, à nous autres Français, ces récits, dont trois se passent en France et font directement appel à des événements historiques réels auxquels l'auteur a assisté lors de ses séjours sur notre territoire.

Le premier d'entre-eux s'intitule Monsieur François et nous relate les quelques rencontres de l'auteur avec un individu original, un vieil érudit dont on ignore le nom véritable (tout comme Tourguéniev). Un homme qui a des opinions très tranchées en 1848 après avoir roulé sa bosse aux quatre coins de la planète.

Un homme qui prédit juste, qui voit le destin qui attend son pays, quelques semaines avant les bouleversements de la révolution de 1848. On ne sait jamais trop quoi penser de cet original, qui glisse comme une anguille à chaque question de l'auteur qui pourrait le dévoiler intimement. Est-il issu de l'aristocratie ? Est-il républicain ? Anarchiste ? Royaliste ? Quel est son passé au-delà des épisodes fumants qu'il raconte et qu'on a parfois peine à croire ?...

Ensuite, l'auteur nous emmène directement au coeur de la tourmente de 1848 dans son second récit intitulé Les Nôtres M'Ont Envoyé. Ivan Tourguéniev y décrit l'ambiance si particulière et inquiétante qui régnait lors des fameuses journées chaudes de la fin juin, alors que l'insurrection a débuté et que les gens sont cloîtrés chez eux sous peine de se faire arrêter et/ou fusiller s'ils s'aventurent à l'extérieur.

L'auteur ne s'autorise des sorties qu'au sein de son immeuble où habite également le révolutionnaire et poète allemand Georg Herwegh. Celui-ci doit se faire rejoindre par son fils, piégé en train par les événements. C'est alors qu'un homme du peuple, un très humble et fier vieillard, avec tous les risques que ça comporte, vient rendre visite à ces bourgeois étrangers pour leur annoncer une certaine nouvelle (que je ne vous dirai pas) en prétextant simplement que " les nôtres m'ont envoyé "...

Le récit le plus fameux et qui donne son titre au recueil est L'Exécution de Troppmann. Il s'agissait d'un jeune criminel français né en Alsace, Jean-Baptiste Troppmann, condamné à mort à vingt ans pour l'assassinat de huit membres d'une même famille en 1870. Cette affaire, connue sous le nom de " massacre de Pantin ", a beaucoup ému en son temps et a fait l'objet de nombreux écrits par des auteurs de renoms tels que Jules Barbey d'Aurevilly, Alexandre Dumas ou Gustave Flaubert, pour ne citer que quelques uns des grands noms associés à cette affaire.

Ivan Tourguéniev, quant à lui, a eu le " privilège " d'assister à sa mise à mort et c'est ce qu'il nous relate dans cette nouvelle. C'est un récit éminemment politique où l'auteur nous avoue qu'il se répugne lui-même d'avoir accepter d'assister à ce triste spectacle. Chemin faisant, ce récit devient un forme de plaidoyer contre la peine de mort, contre l'inhumanité, contre l'inutilité de cette peine.

Il décrit le comportement de la foule avide de voir le sang couler, de son pouvoir d'édification nul vis-à-vis du peuple et rejoint en ce sens certains de ses grands devanciers, au premier rang desquels on peut probablement placer Victor Hugo.

Les deux autres récits, intitulés Un Incendie En Mer et Une Fin ont été dictés en français par Tourguéniev à sa maîtresse de toujours, Pauline Viardot, quelques semaines avant sa mort des suites d'un cancer.

Un Incendie En Mer relate un voyage entre Pétersbourg et Lübeck, dans le nord de l'Allemagne, où le jeune Tourguéniev, alors âgé de dix-huit ans n'a manifestement pas fait preuve d'un très grand courage dans la réalité et s'est mis à se lamenter comme une jeune fille, tandis même que les jeunes filles manifestaient un grand courage. le récit a tendance à amoindrir la pusillanimité réelle de Tourguéniev manifestée à cette occasion, laquelle couardise est reportée sur les hommes en général, et pas sur lui en particulier.

Pour terminer, Une Fin nous narre la mort tragique d'un original russe, issu d'une famille naguère noble et prospère et dont les générations successives ont dilapidé les biens par des coups d'éclats extravagants. le dernier représentant, Platon Sergéïtch Talagaïeff, en terme d'argent n'ayant plus rien, ne lui reste plus que l'extravagance, et ça, il en a à revendre.

Cependant, son extravagance et ses bravades n'étant pas forcément du goût de tout le monde, je vous laisse le loisir de découvrir par vous-même comment celles-ci le conduiront inéluctablement à une mort certaine.

Au total, un petit recueil agréable, qui se lit vite et facilement et qui, même s'il n'atteint pas des sommets, présente un réel intérêt. Mais ce n'est bien sûr que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Monsieur François, souvenir de 1848 (1883)

Tourgueniev nous décrit ici un vieil original voûté, grand voyageur, qu'il dit avoir réellement rencontré plusieurs fois en 1848, et qui ne lui a jamais déclaré son nom, se faisant appeler Monsieur François («Je ne pus rien apprendre de plus, et qui était ce M. François. La question resta une énigme»). Tourgueniev le décrit comme un aristocrate instruit, pauvre et cassé. Cet homme l'intrigue. Ils discutent de politique, de théâtre, de peinture, de sculpture, mais Tourgueniev, qui a trente ans en 1848, est surtout frappé par trois prophéties qui se réaliseront. Début février 1848, sous Louis-Philippe, Monsieur François lui déclare «Avant un mois, Le France sera en république», et plus tard, reviendront les Bonaparte. Tourgueniev est à Bruxelles le 24 février 1848 quand il apprend la chute de la monarchie. Deux jours plus tard, il regagne Paris.
Louis-Philippe, refusant de faire tirer sur les Parisiens, abdique. le même jour, la Seconde République est proclamée par Alphonse de Lamartine, entouré des révolutionnaires parisiens. Bientôt viendra Napoléon III.
Monsieur François prédit aussi le résultat des élections.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
C'était la quatrième de ces mémorables journées, qui sont inscrites en sanglants caractères dans les pages de l'histoire de France. J'habitais alors une maison aujourd'hui disparue, au coin du boulevard des Italiens et de la rue de la Paix. Depuis les premiers jours de juin, il y avait dans l'air comme une odeur de poudre : une collision décisive était imminente. [...]
" Est-ce pour aujourd'hui ? " C'est avec ces mots qu'on s'abordait tous les matins.
" Ça a commencé ", me dit la blanchisseuse qui m'apportait mon linge, le vendredi 23 juin. [...] Dans toutes les maisons, du haut jusqu'en bas, les fenêtres étaient grandes ouvertes, et à ces fenêtres, ainsi qu'au seuil des portes, se pressaient une foule de figures. [...] Cette foule semblait uniquement animée de l'insouciante curiosité d'un jour de fête. Les rubans de diverses couleurs, les fichus, les bonnets, les vêtements blancs, bleus ou roses, papillotaient gaiement à la vive lumière d'un soleil d'été, et bruissaient et frémissaient, agités par une légère brise, tout comme les feuilles des peupliers — des arbres de la liberté — que l'on avait planté partout.
" Est-il possible qu'ici même, tout à l'heure, dans dix minutes, dans cinq minutes, on aille se battre, verser du sang ? me disais-je. Cela ne se peut pas ! C'est une comédie qui se joue ! Quant à la tragédie, il n'y a pas à y penser... pour le moment. "
Mais voici que tout à coup, devant moi, coupant le boulevard en biais dans toute sa largeur, se dessina le profil inégal d'une barricade, haute d'environ trois mètres. Juste au milieu, parmi d'autres étendards aux trois couleurs, brodés d'or, un étroit drapeau rouge — présage sinistre — agitait à droite et à gauche sa petite langue effilée.

LES NÔTRES M'ONT ENVOYÉ... Épisode des journées de juin 1848, à Paris.
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La neige tombait depuis l'avant-veille, large et lente ; elle encombrait les chemins et faisait peu à peu courber la tête des arbres ; de temps en temps, il soufflait une rafale de vent qui semblait raser la terre. Le ciel était bas et lourd ;de gros nuages noirs voilaient à chaque instant la lune, dont le mince croissant semblait sauter de l'un à l'autre, comme fuyant devant un ennemi invisible. La lueur qu'elle projetait était tout aussi inquiète et incertaine ; on croyait voir courir de petits lièvres blancs, ou des ombres rapides bondir à travers le chemin ; les objets prenaient des formes étranges et pourtant familières, s'allongeant démesurément ou se perdant tout à coup. C'était un jeu bizarre de lumière et de ténèbres.

UNE FIN, IV.
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- Tous les hommes sont coupables, criminels, pourris de péchés des pieds à la tête.
- Tous sans exception, et tous pourris ?
- Tous, vous, moi, même ce vieux garçon à figure bonasse, qui achète une poupée pour en faire cadeau à quelque enfant d'autrui, ou peut-être au sien. Tous sont coupables ! Il y a de la cour d'assises dans la vie de chacun, et nul n'a le droit de prétendre qu'il n'y a pas de place pour lui sur ce vilain petit banc des accusés.
- Vous devez le savoir mieux que personne, fis-je involontairement.

MONSIEUR FRANÇOIS.
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Il va sans dire que Troppmann est devenu le sujet de notre conversation et comme le centre de toutes nos pensées. […] Quelques-uns parmi nous discutaient s'il fallait ajouter foi aux affirmations du criminel qui s'était montré menteur incorrigible. On répétait les détails du crime, on se demandait quelles seraient les opinions des phrénologues sur Troppmann, on soulevait la question de la peine de mort…
Mais tout cela était si mou, si plat, avec des phrases si communes que ceux mêmes qui parlaient n'avaient pas envie de continuer.

L'EXÉCUTION DE TROPPMANN, III.
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On n'a pas encore oublié le crime horrible commis par Troppmann ; mais, en ce temps-là, Paris s'intéressait autant, sinon plus, à lui et à son exécution prochaine qu'au nouveau ministère pseudo-parlementaire, qu'à l'assassinat de Victor Noir tué de la main du prince Pierre Bonaparte si étonnamment acquitté depuis.

L'EXÉCUTION DE TROPPMANN, I.
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Vidéo de Ivan Tourgueniev
En librairie le 23 mai 2019 ---
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