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EAN : 9782916266978
80 pages
Editions Sillage (04/10/2012)
3.95/5   11 notes
Résumé :
En janvier 1870, Tourguéniev est invité par Maxime Du Camp à assister à l’exécution publique d’un jeune criminel devenu célèbre pour avoir commis huit meurtres sordides, Jean-Baptiste Troppmann. Poussé par une curiosité qu’il lui est malaisé d’expliquer, Tourguéniev accepte l’invitation et suit Troppmann de sa toilette funèbre jusqu’à la guillotine. Description glaciale d’une mise à mort à laquelle assiste une foule de badauds avinés et braillards, L’Exécution de Tr... >Voir plus
Que lire après L'Exécution de TroppmannVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Merci aux éditions Sillage qui rééditent trois récits de Tourguéniev initialement publiées dans un recueil plus vaste chez Stock datant du début des années 1990. Ces trois nouvelles sont des récits d'événements ou de situations où l'auteur a été lui-même impliqué ou dont il a été le témoin extérieur.

Le récit le plus fameux et qui donne son titre au recueil est L'Exécution de Troppmann. Il s'agissait d'un jeune criminel français né en Alsace, Jean-Baptiste Troppmann, condamné à mort à vingt ans pour l'assassinat de huit membres d'une même famille en 1870. Cette affaire, connue sous le nom de " massacre de Pantin ", a beaucoup ému en son temps et a fait l'objet de nombreux écrits par des auteurs de renoms tels que Jules Barbey d'Aurevilly, Alexandre Dumas ou Gustave Flaubert, pour ne citer que quelques uns des grands noms associés à cette affaire.

Ivan Tourguéniev, quant à lui, a eu le " privilège " d'assister à sa mise à mort et c'est ce qu'il nous relate dans cette nouvelle. C'est un récit éminemment politique où l'auteur nous avoue qu'il se répugne lui-même d'avoir accepter d'assister à ce triste spectacle. Chemin faisant, ce récit devient un forme de plaidoyer contre la peine de mort, contre l'inhumanité, contre l'inutilité de cette peine.

Il décrit le comportement de la foule avide de voir le sang couler, de son pouvoir d'édification nul vis-à-vis du peuple et rejoint en ce sens certains de ses grands devanciers, au premier rang desquels on peut probablement placer Victor Hugo.

Les deux récits, intitulées Un Incendie En Mer et Une Fin ont été dictés en français par Tourguéniev à sa maîtresse de toujours Pauline Viardot, quelques semaines avant sa mort des suites d'un cancer.

Un Incendie En Mer relate un voyage entre Pétersbourg et Lübeck, dans le nord de l'Allemagne, où le jeune Tourguéniev, alors âgé de dix-huit ans n'a manifestement pas fait preuve d'un très grand courage dans la réalité et s'est mis à se lamenter comme une jeune fille, tandis même que les jeunes filles manifestaient un grand courage. le récit a tendance à amoindrir la pusillanimité réelle de Tourguéniev manifestée à cette occasion, laquelle couardise est reportée sur les hommes en général, et pas sur lui en particulier.

Enfin, Une Fin nous narre la mort tragique d'un original russe, issu d'une famille naguère noble et prospère et dont les générations successives ont dilapidé les biens par des coups d'éclats extravagants. le dernier représentant, Platon Sergéïtch Talagaïeff, en terme d'argent n'ayant plus rien, ne lui reste plus que l'extravagance, et ça, il en a à revendre.

Cependant, son extravagance et ses bravades n'étant pas forcément du goût de tout le monde, je vous laisse le loisir de découvrir par vous-même comment celles-ci le conduiront inéluctablement à une mort certaine.

Au total, un petit recueil agréable, qui se lit vite et facilement mais qui n'atteint tout de même pas des sommets. Mais ce n'est bien sûr que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Alors qu'il séjournait à Paris, Ivan Tourgueniev s'est trouvé embarqué bien malgré lui, selon ses dires, dans ce crescendo avec la mort de Troppmann au bout. Son récit est méticuleux, on se demande à le lire ce qui a pu lui échapper tant sa volonté est tenace de n'y laisser échapper une seule miette, il a beau s'armer de patience, qu'est-ce qui a pu lui prendre d'assister à cela jusqu'au bout, peut-être la personnalité étrange du condamné et le fait qu'il se révéla calme et déterminé devant la mort toute proche, même à entendre le verdict de son recours en grâce qui fut rejeté. Et cela ne l'empêcha nullement de dormir sa dernière nuit ici-bas !

Nous sommes dans l'antichambre de la mort dès lors qu'il est question ici de l'exécution capitale par la guillotine d'un jeune condamné à mort alsacien pour l'assassinat odieux de toute une famille, relevant du droit commun. Tourgueniev est invité par un ami à assister en privé à l'éxécution de Troppmann sur la place publique dans Paris. Tout Paris avait les yeux braqués sur cette exécution imminente. On peut penser que Tourgueniev avait déjà des idées préconçues sur cette affaire : comme un pressentiment de honte humaine se passant en France. Ce n'est pas dit ici, mais ses compères écrivains dont Flaubert son grand ami, nombreux à avoir assisté au procès avaient dû lui passer le mot !..

Une nuit particulièrement éprouvante jusqu'à l'heure fatidique : 7h du mat en janvier soumis au froid et au vent . le commandant de la prison ouvre son appartement à sa petite dizaine de visiteurs, journalistes, chroniqueurs désireux de voir de plus près une décapitation qui n'a rien de banal, c'est le moins qu'on puisse dire. Oui pour voir vraiment cette curiosité barbare aux premières loges, il fallait consigner la nuit à cet effet

Tourgueniev présente quelques signes inhabituels de troubles à l'approche de l'échéance. Tout une nuit pour cogiter comme une forme d'empathie envers l'assassin qui n'en demeure pas moins un homme, un tout jeune homme. Une impatience se fait sentir au sein de la petite assemblée quand la foule dehors commence à chahuter massivement, elle réclame à l'unisson son dû : la mort sans équivoque par décapitation pour le meurtrier de Pantin.

Tourgueniev ne comprend pas cette foule imbécile aux instincts grégaires, il trouve dérisoire les propos qu'il entend de la part de ses voisins d'une nuit. Il est bien évident que l'administration qui se met en branle au fur et à mesure qu'on se rapproche du petit matin, une cohorte de gens de la nuit peu ordinaire, le bourreau, le bourreau en second, l'avocat, l'abbé, le commandant de la prison.. réunis là sont pour l'écrivain autant de comportements déroutants et indignes. Il se sent provoqué avec une particulière acuité dans sa foi d'homme et s'interroge sur la santé de ces gens-là et ce à quoi ils pensent en cet instant !

Ce que je reprocherais à monsieur Tourgueniev dans cette histoire, c'est plusieurs choses. Même Poe quand il part dans ce genre de huit clos, il fait respirer un peu les murs, il les pousse, il les malaxe (il y cache même des cadavres, c'est dire !) en y introduisant le mystère, la fiction. Ici, on sent que l'écrivain russe "s'emmerde" dans le fond, il ne sait pas par quel bout prendre cette affaire, il sent confusément qu'il s'enfonce dans une galère littéraire qui va se révéler PEUT-ETRE plus pénible pour lui que pour le condamné à mort qui attend son heure. J'ai été étonné quand il dit par exemple que : "Personne ne s'ennuyait, mais cette sensation poignante était cent fois pire que l'ennui.." Ah bon, ben si un seul pensa qu'il était venu pour une partie de plaisir, c'est raté. Tourgueniev semble s'étonner que la tension était palpable au sein de la petite délégation de laquelle il faisait partie. Si pareille infamie à progression lente et raffinée ne rend pas nerveux, je ne sais pas ce qu'il faut. Ben oui, il faut se rendre à l'évidence qu'il y a pire que l'ennui, puisque le supplicié redoutant sa mort à part, quel autre sujet pouvait-il avoir qui lui occupât l'esprit ? - lui ne semblait pas s'ennuyer une seconde, on aurait voulu le voir sans doute se tordre de douleur et ainsi concéder aux gens bien-pensants qui n'attendaient que cela, non Troppmann ne leur fit pas ce cadeau royal, il les renvoya dos à dos !

Autre chose qui m'a gêné, c'est que Léon Tolstoï relate dans son journal intime que lors de sa visite à Paris dix ans plus tôt il avait assisté côté foule à une exécution capitale à Paris, je ne sais plus si c'était à la Roquette, qu'il en fut écoeuré et qui contribua à le faire quitter la capitale française plus tôt que prévu et pour tout jamais, jugeant aigrement les français sur cette aptitude au raffinement dans l'horreur .. Tolstoï étant le protégé de Tourgueniev, il me semble peu probable que ce dernier n'ait pas cherché à en tirer profit au sein d'une oeuvre "élaborée".

Juste un dernier mot pour tempérer le tout, c'est ma touche de bonté humaine : le commandant de la prison n'a cessé au cours de ce huit clos malaisant d'arracher des aveux de Troppmann, celui-ci refusant obstinément de dénoncer ses complices ; ce qui lui eût probablement sauvé sa tête. Eh ben non, jusqu'à son dernier souffle : ce ne sera pas ici la dernière teuf de cigarette que le supplicié réclame avant son exécution comme on voit au cinéma, ce sont deux mots qu'il prononcera : "Dites à monsieur Claude que je persiste .." Un temps infiniment court après la tête de Troppmann roulait dans le long pannier en osier. Beurk ce pannier en osier qui recevrait bien la serviette sale de Violette Nozière ! Et par contre, ce que ne dit pas le récit, c'est que la guillotine redonna du service sans relâche, sur cette "place rouge" (à la française). Les guillotinés se succédaient variablement entre du droit commun (de la grosse crapule) et du politique (notamment des anarchistes impliqués dans des attentats, c'était la mode qui s'étendait jusqu'en Russie qui n'avait pas encore fait sa mue révolutionnaire et qui condamnait à l'exil au camp sévère).

Moi qui me suis intéressé à cette histoire comme pour celles de Leonid Andréïev et d'autres, rien que pour les derniers moments de la vie du condamné à la peine de mort, j'en suis ici pour mes frais. Si j'ai bien compris en fait, Tourgueniev voulait mettre le curseur sur le sens symbolique donné à son histoire au risque d'éluder l'attente du lecteur curieux de l'épisode de fin, comme le spectateur d'un combat de boxe frustré d'un terme rapide au premier round par KO.

A noter aussi, qu'un certain choix de vocabulaire enlève de l'éloquence au récit, mais ça je l'avais déjà noté chez Tourgueniev ! Bon, ça va comme ça !

Je reviendrai d'un mot sur mon papier. le bourreau de Tourgueniev était pressé d'en découdre avec le jeune Troppmann comme s'il était payé à l'unité. L'idée que je me fais des bourreaux habituellement est qu'ils cultivent leur client, le bichonne comme le diable pour un bon festin ..



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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Un océan entier d'êtres humains, hommes, femmes et enfants, roulait devant nous ses flots disgracieux et malpropres. Presque tous se taisaient. [...] La vie de tous les jours emportait encore ces gens-là. Pourquoi, pour quelle sensation étaient-ils sortis des rails de leur existence ? Il est terrible de penser à ce qui se cachait là-dessous. [...]
Pendant la route, nous discutâmes, Du Camp et moi. [...] Nous parlions de la barbarie inepte et superflue de toute cette procédure du Moyen Âge, grâce à laquelle l'agonie d'un criminel dure trente minutes, de six heures vingt-huit à sept heures... du dégoût de tous ces travestissements, de cette coupe de cheveux, des voyages par les escaliers et les corridors...
De quel droit fait-on tout cela ? Comment soutenir cette routine révoltante ? La peine de mort elle-même pouvait-elle être justifiée ?
Nous avons vu quelle impression produit ce spectacle sur le peuple ; l'édification de ce spectacle n'existe pas du tout. À peine le millième de la foule, pas plus de cinquante à soixante personnes, a-t-il pu, dans le crépuscule de cette heure matinale, à une distance de plus de cinquante pas, voir quelque chose à travers les lignes de soldats et les croupes des cheveux. Et les autres ? Quelle utilité, si minime qu'elle soit, ont-ils pu tirer de cette nuit d'insomnie et d'ivresse, de fainéantise et de perversion ?
Je me rappelai le jeune blousard qui criait niaisement et dont j'observai la figure pendant quelques minutes. Se remettra-t-il aujourd'hui au travail en homme qui hait plus qu'avant la fainéantise et le vice ?
Moi-même, quel profit ai-je tiré ? Un sentiment d'admiration involontaire pour l'assassin, le monstre moral qui a pu faire preuve de mépris pour la mort. Est-ce que le législateur peut désirer des impressions pareilles ? De quel " but moral " peut-on encore parler après tant de démentis donnés par l'expérience ? [...]
Je serais content et je me pardonnerais à moi-même une curiosité mal placée, si mon récit donnait quelques arguments aux défenseurs de l'abolition de la peine de mort, ou du moins à l'abolition de sa publicité.

L'EXÉCUTION DE TROPPMANN, XII.
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En passant près de la guillotine, je remarquai sur la plate-forme le bourreau entouré d'un petit groupe de curieux. Il faisait pour eux l'essayage. Il basculait la planche dressée sur une charnière sur laquelle on boucle le criminel et qui, en tombant, entre par son extrémité dans la lunette entre deux montants. Il faisait tomber la hache qui descendait lourdement et sans entraves avec un ronron sourd et précipité.
Je ne m'arrêtai pas pour voir cette répétition, c'est-à-dire je ne montai pas sur la plat-forme : le sentiment d'un grave péché inconnu et d'une honte secrète augmentait toujours en moi. Peut-être dois-je rapporter à ce sentiment que les chevaux attelés à ces fourgons, et qui mangeaient tranquillement de l'avoine dans des sacs devant la porte de la prison, m'aient paru les seuls êtres innocents parmi nous.

L'EXÉCUTION DE TROPPMANN, VI.
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On entrouvrit à peine les portes et on nous laissa passer dans un petit poste, près des portes. Après nous avoir bien regardés et questionnés, on nous conduisit à travers deux cours intérieures, l'une grande et l'autre petite, dans l'appartement du commandant.
Ce commandant, un homme fort, haut, avec des moustaches et une barbiche grises, la figure typique d'un officier de ligne français, le nez aquilin, les yeux immobiles et rapaces, et le crâne tout petit, nous reçut avec bonhomie et amabilité. Mais, malgré sa propre volonté, à chacun de ses gestes et de ses mots, on ne pouvait point ne pas remarquer que c'était un " gaillard solide ", un serviteur aveuglément dévoué, qui ne s'arrêtait pas devant l'exécution d'un ordre de son maître, quel qu'il soit.

L'EXÉCUTION DE TROPPMANN, III.
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Seuls, les gamins tourbillonnaient autour ; et, fourrant les mains dans les poches de leur pantalon et rabattant la visière de leur casquette sur leur nez, ils marchaient çà et là avec cette démarche traînante, cette démarche de canard qu'on ne voit qu'à Paris, et qui, en un clin d'œil, se transforme en une course agile et des bonds de singe.
" Le voilà, le voilà ! c'est lui ! " dirent quelques voix autour de moi.
" Savez-vous ? me dit Du Camp. On vous prend pour le bourreau. "
Un bon début, pensai-je.

L'EXÉCUTION DE TROPPMANN, II.
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Parmi eux, se trouvait [...] M. Claude, le célèbre chef de la police de sûreté. [...] M. Claude est un homme d'une cinquantaine d'années, de taille moyenne, trapu, aux larges épaules, à la tête ronde, aux cheveux ras, aux traits petits, presque minuscules. Le front seul, le menton et la nuque, sont excessivement larges. Une énergie inébranlable se presse dans sa voix égale et sèche, dans ses petits yeux pâles et gris, dans ses doigts courts et forts, dans ses pieds musclés, dans tous ses mouvements lents mais fermes. Il est, dit-on, un maître dans son art, un malin qui inspire une grande terreur à tous les voleurs et assassins.

L'EXÉCUTION DE TROPPMANN, II.
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