Dans cette violente satire du capitalisme triomphant publiée en 1929, l'année du krach historique de Wall Street, l'auteur mythique
B. Traven, nom de plume d'un écrivain communiste allemand émigré au Mexique, dénonce avec détermination la puissance destructrice des grandes compagnies pétrolières américaines, à travers la lutte emblématique qui oppose le propriétaire indien d'une hacienda mexicaine, la
Rosa Blanca, située malheureusement pour lui sur un champ pétrolifère, et le président habile et sans scrupule de la Condor Oil Company, qui veut acquérir ses terrains à tout prix. Ce sera la lutte du pot de terre contre le pot de fer, de l'innocence contre le machiavélisme, du bon sens immémorial qui veut que les hommes aient besoin de la terre pour y faire pousser leurs récoltes et manger à leur faim, contre l'avidité à la recherche de toujours plus de profit, d'argent, de pouvoir.
Ce roman écrit il y a presque un siècle semble visionnaire, car de la destruction impitoyable des faibles par la cupidité des puissances financières - ici pétrolières - aux crises économiques provoquées par une spéculation éhontée, de la lutte inégale entre l'argent avec ses vautours aux serres apparemment propres et les victimes humaines de ces stratégies sans âme, aux pouvoirs réels de ces magnats multimilliardaires qui font et défont les politiques du monde entier (cf p 72, "Ce n'est pas de la Maison Blanche à Washington, mais d'un conseil d'administration de ce genre que peut dépendre le sort du monde"), rien ne semble avoir changé.
Le texte, chargé d'une ironie amère, dénonce, démontre les agissements de ces grands prédateurs à travers le comportement de l'un d'entre eux, Mr Collins, président de la Condor Oil Company, toujours en quête de plus de profits, notamment pour couvrir de cadeaux fastueux ses diverses maîtresses, et pour lequel Hacinto Yañez, le maître de la
Rosa Blanca, ne sera qu'un pion facile à éliminer, physiquement.
Une lecture qui laisse le sentiment amer que, malgré la prise de conscience et la lucidité, les mêmes terribles mécanismes continuent à sévir en nos temps de crises et d'incertitudes.