Une nouvelle page du festival des Utopiales à Nantes, la vingt-quatrième, vient de se refermer.
Comme chaque année, un recueil de nouvelles vient prolonger le plaisir.
Cette année, il a été concocté par la librairie d'édition nantaise de l'Atalante.
Cette année était consacrée à la transmission.
C'est donc sur cet axe que va reposer le thème de ce recueil de dix nouvelles, un entretien et de trois "rédactions" issues du primaire, du collège et du lycée.
"Dreamer" de
Chris Vuklisevic vient ouvrir le bal.
Le jeune personnage de ce premier texte est un écrivain en devenir.
Seulement, dès les premières lignes, il aura prévenu : il n'aime pas écrire !
C'est toujours les mêmes émois, les mêmes tâtonnements lorsqu'un adolescent se cherche.
Et pourtant il y a dans ces lignes quelque chose de changé, un air nouveau dans l'immuable, comme une teinte d'anticipation portée au destin ...
"Un jour tout ceci sera à toi", mais que peut-on encore donner de personnel lorsque le collectif s'est emparé du monde ?
Perle est une jeune fille qui sait écouter la "bourge", une vieille femme qui a connu le monde d'avant.
Et qui sait encore écouter ?
Toutes les nouvelles de ce recueil sont empreintes d'une poignante et lucide humanité.
La lecture, à chaque page, hésite entre émotion et réflexion.
"La boucle de Zurvan" est un voyage étrange entre imaginaire et réalité, entre temps incertains et antiquité, entre fureur et sagesse.
C'est la boucle du temps et sa transmission qui vient poser l'oubli sur les noms et les agitations humaines.
C'est Yorik, le grand prêtre de Zurvan qui accueille Mirhan, l'enfant dont il va faire l'éducation.
Là est toute la transmission, le partage, l'héritage, la propagation et aussi l'interruption puisque finalement tout finit par venir de cela.
Kim Stanley Robinson, au milieu du recueil, se livre au difficile exercice de l'entretien avec
Philippe Vion-Dury : "la SF est le réalisme de notre époque".
C'est ce que tendrait à prouver tous les ans le festival des Utopiales.
L'entretien est brillant, incisif et radical.
Il vient faire encore plus regretter l'absence inopinée du grand écrivain au festival.
Et après cela, c'est à Élisa Beiram que revient la charge de relancer le souffle du recueil : "Alexandrie brûlera deux fois".
Ceux qui ont aimé "le premier jour de paix" vont adorer.
Les autres aussi d'ailleurs.
D'où une telle puanteur pouvait-elle provenir ?
La fumée noire qui formait un champignon au dessus des toits ne présageait rien de naturel ...
Mais quoiqu'il en soit, "n'utilisez pas le dixième bouton" !
Pierre Raufast vous aura prévenu.
Il nous offre ici un petit prolongement, une presque ironique digression à sa trilogie baryonique.
C'est bien vu, astucieux et agréable à lire ...
Audrey Pleynet, dont le festival a couronné le livre "
Rossignol" par son prix littéraire, signe là un texte original et imaginatif : "
Encore cinq ans" -
2078 - L'humanité s'est endormie durant vingt ans pour offrir à la planète le temps de souffler.
Mais ce court, trop court répit suffira-t-il à la nature pour revenir à la vie ?
Arthur Thomson, le père du projet, n'avait-il pas vu trop juste ?
Rendez-vous en 2826 ...
Vous l'aurez compris l'année 2023 aura été une bonne cuvée pour le festival des Utopiales, et ces quelques textes qui le prolongent sont du meilleur cru.
Le hic, c'est que la dernière page tournée, il faudra attendre une année entière.
Mais gageons que, 25 ème édition oblige, la science-fiction et l'imaginaire y soient encore plus a l'honneur...