Juliette Vallery, je l'ai découverte grâce à ses séries à succès Pops et Patabulle. Ici, avec ce titre
A un passant, c'est une autre facette de son talent qu'elle nous livre. Si on peut parler de grand écart, j'ai pourtant retrouvé dans ces deux univers une même poésie des mots. Qu'elle s'adresse aux touts petits ou aux grands,
Juliette Vallery utilise le même langage des sentiments, celui qui fait mouche et vous touche droit au coeur.
Pour s'en convaincre, il suffit juste de parcourir les intitulés des "chapitres" : "Etincelle", "Eblouissement", "Eclipse", "Crépuscule", "Veilleuse", ces cinq mots qui résument à eux-seuls ce court récit, cette histoire d'amour, de passion aussi puissante qu'éphémère.
Dans un jeu de paragraphes courts, elle alterne les points de vue en "je" de sa narratrice, son Elle, et ceux en "il" du passant qui bouleverse sa vie, son Il.
"Il n'y a que cela que l'on puisse nommer une rencontre. Ce moment précis où la vie se déracine pour basculer vers l'étrange."
Sa narratrice revient dix ans après sur cet amour qui l'a naufragée. Il lui a fallu tout ce temps pour le regarder en face. Son Il, elle l'a rencontré dans la rue - un passant qui n'en était pas vraiment un puisqu'il l'épiait depuis un moment, un homme qui n'était pas son genre et pour qui elle n'avait pas dressé ses barrières de protection. de cette rencontre "fortuite" naît une passion torride, instantanée, dévastatrice.
Comme elle, on adore jouer les "voyeuses. Entrer par effraction dans les cours interdites". Dès la première ligne, on observe ce couple, mort avant même d'être né. Et, immanquablement, on s'interroge sur l'amour, la passion, le couple, la pérennité des sentiments ... Ne s'agit-il que de mots ?
"Trois p'tits chats. Chasse à coeur. Coeur à corps. Corrida. D'arrache-pied. Pied à terre. Terrain vague. Vague à l'âme. Lame de fond. Fondement. Mensonger. Gestuelle. Elimée. Mélodie. Dissonante. Entonnée. Nez au vent. Vengeresse. Respirant, mal sans toi, à l'étroit, à l'étroit, trois p'tits pas, patatras..."
D'un bout à l'autre, on se laisse entraîner dans cette danse, tantôt rapide et passionnelle, tantôt lente et sensuelle. On entend bien les dissonances, celles qui devraient mettre en garde mais, comme Elle, on ne veut y prêter l'oreille. Pas tout de suite, pas maintenant. Et si l'histoire finissait bien ?
Comme le Petit Prince demandait à l'aviateur de lui dessiner un mouton, Elle lui demande de lui raconter une histoire, se laisse bercer par ses mots, oublie que leur temps est forcément compté, que déjà ils se leurrent l'un l'autre, que déjà ils se quittent...
Ce petit livre blanc se déguste. On caresse le papier grumeleux de la couverture. On savoure les mots qui s'égrènent et comme cet enfant de l'"épilogue", on "se concentre sur le dessin des lettres, feint de décrypter leurs boucles, et réinvente l'histoire". Si raconter permet à la narratrice de prendre une distance par rapport à cet amour, de transformer l'homme en personnage, de ne plus le voir que comme un passant, le lecteur, lui, s'interroge longtemps après avoir refermé le livre : "nous deux" n'est-il qu'une chimère douce-amère ?
"Lui
(...)
- En fait, moi, je ne vois l'amour que comme ça : un mélange de poésie et de burlesque, ourlé d'une brutale gravité.
L'histoire balance entre romance et grand guignol. Et soudain, se creuse quelque chose qui ressemble au destin."
Lien :
http://lacoupeetleslevres.bl..