Nord de la Californie, en cet automne 1978, le fiston, aujourd'hui âgé de 11 ans, est dorénavant assez grand, d'après les lois familiales, pour accompagner son grand-père, son père et un ami de ce dernier à la chasse et tuer son premier cerf. Ils se rendent en voiture dans la concession forestière familiale,
Goat Mountain. Une route parfois difficile d'accès, suite aux éboulements dus aux fortes pluies. Après un bizutage qui a mis en rogne le fiston et fait éclater de rire les trois hommes, le fiston est définitivement prêt et n'aspire qu'à tuer. Arrivé à la barrière qui donne accès au domaine, l'ami remarque aussitôt un braconnier qui ne se cache même pas. le père propose alors à son fils de regarder avec son fusil. Une 300 magnum, une arme pour abattre des ours, en main, l'oeil rivé dans le viseur, celui-ci observe le braconnier à travers la lunette, place sa main sur la gâchette... et tire ! C'est la stupéfaction. Les hommes ne comprennent pas pourquoi il a fait ça, qui plus est, sans montrer le moindre remord...
Cet album, adaptation éponyme du roman de
David Vann, nous entraine sur les terres de
Goat Mountain où une partie de chasse vire au drame. Pour sa première partie de chasse, le fiston, pour devenir un homme, doit tuer, dépecer et manger le coeur d'un cerf. Comment expliquer alors que celui-ci, dont on ignore le prénom, tire, presque de sang-froid et sans l'ombre d'un remord ou de culpabilité, sur un braconnier qui se trouvait sur les terres familiales ? Dès lors, un sentiment de malaise, de sidération et d'incompréhension s'installe, allant jusqu'à diviser les trois hommes quant à la conduite à adopter. Se taire et cacher le cadavre ? Prévenir les autorités ? Profondément sombre, dans une ambiance de plus en plus tendue, cet album traite, de manière originale, divers thèmes tels que les rites familiaux, la place au sein d'une famille, la violence sous-jacente, la morale, la résilience, les armes à feu... Ce huis clos au coeur des montagnes met, finalement, en évidence, cette violence, presque innée, enfouie en chaque homme, renforcée par ce dénouement inattendu et sans concession. Graphiquement, l'ambiance oppressante, malaisante, est parfaitement rendue par ces nuances de gris, agrémentées ici et là d'une seule couleur.
Un récit noir sur la nature humaine...