Gilbert est bien le personnage principale du livre, même si le Rhône lui vole la vedette de temps en temps. Mais c'est bien Gilbert que j'ai suivi et apprécié. L'action n'est pas ce qui nous tient en haleine. Mais on se laisse prendre par l'histoire et les descriptions de l'auteur. On vogue au gré du fleuve jusqu'à ce qu'une discussion sur le bonheur entre Gilbert et le passeur nous fasse chavirer! une discussion indémodable, intemporelle et tellement vraie! Très bonne lecture, très rapide! Très facile à caser entre deux romans!
Commenter  J’apprécie         10
Ils font corps avec le fleuve. ils lui ressemblent un peu. On n'entre pas dans leur vie sauvage. On ne connaît d'eux que la surface, polie et fuyante comme de l'eau. On ne peut pas regarder dans l'eau. Elle vous renvoie votre regard. Il faut la pénétrer pour savoir ce qu'elle est, autrement, elle se déguise en ciel, en nuage, en lumière, en colline, en arbre, en homme; elle a le visage de tout le monde et de personne. Pourtant, en dessous, caché par cette peau qu'il est inutile de gratter parce qu'elle se referme aussitôt, il y a tout un monde. Un monde qui ne se livre pas.
Le Rhône traverse la ville en grondant. Vite il bondit d'un pont à l'autre roulant ses meuilles, nouant ses muscles dans un couloir trop resserré. Il a beau se hâter de quitter sa prison, il s'y salit pourtant. Et, quand ici le poisson crève, il ne faut pas chercher : Lyon a vomi par les égouts l'acide de ses usines mangeuses d'hommes.
Celui-ci, il y en a qui le connaissent depuis sa naissance et n'ont jamais pu entendre le son de sa voix; il y en a qui le rencontrent chaque jour et ne savent pas seulement la couleur de son regard.
Ce roman, le premier que Bernard Clavel ait écrit, traduit admirablement l'espèce d'envoûtement exercé par la Rhône sur les hommes qui vivent sur ses rives et sur les eaux.
Un artiste-peintre partage l'existence d'une famille de braconniers du fleuve. Il aime la fille, et celle-ci trouvera une mort atroce en essayant de dérouter les gardes-pêche qui ont surpris ses parents en flagrant délit.
L’homme a tout pour être heureux et pourtant il est certainement le plus malheureux de tous les animaux; uniquement parce qu’il pense trop. Il ne goûte jamais la joie du moment, il pense à celle du moment qui suivra ou bien il pense que sa joie présente pourrait être autrement.